Halph est un duo danois composé de Thomas Nygaard, chanteur et guitariste et de Karsten Bagge, batteur de jazz. Il n'aura fallu qu'une année aux deux hommes pour concevoir, enregistrer et défendre en tournée ce premier album, Answering machine, pièce de choix d'un rock épais et plein d'assurance.
L'orchestration et les sonorités n'ont peut-être pas grand-chose de très inventif (on songera, en vrac, de-ci de-là, à Frank Black, à Cake, aux américains de Karate, à la blancheur désincarnée de Codéine, aux récitations voilées du Slint de Spiderland) ; mais par son jeu de guitare, qui allie avec beaucoup de finesse un sens du riff indéniable et un certain savoir-faire en matière de répétition martelée, et par l'admirable justesse de la voix, très expressive, Halph parvient à proposer un univers musical d'une grande richesse. Cohérent et varié à la fois, malgré le / grâce au minimalisme de la formation, qui sait s'adjoindre opportunément une basse, une flûte traversière, des chœurs, un accord de piano…
Ouvert sur "Bad Wiring", qui plonge l'auditeur dans un rock quelque peu heavy, à la façon dont apprenait à l'être celui des années 70, l'album saura décliner diverses atmosphères. Noirceurs des Bad Seeds de Nick Cave, voire des Beasts of Bourbon, mêlant au jazz ce rien de blues torturé, punkoïdal avec le très malsain "Backdoor". Rage en suspension de "Back again" ou "Orange". Blues gorgé de dérision jusqu'au désabusement, sombre même dans ses pièces les plus légères, où percent encore un certain tour sarcastique ("Evil one" ou "Calm"). "Small", balade plaintive, toute d'arpèges et de souffrance contenue en guise de clôture.
Malgré cette variété, l'album parvient à rester très cohérent. Grandiose, sombre, comme seul sait l'être le rock : tendu, âpre, misérable et admirable, éternellement insoumis et apitoyé sur soi, narcissique tant il est détaché, tout cela, indissociablement, jusque dans ses contradictions. Une certaine fraîcheur moisie, une jeunesse déjà vieille, toujours trop vieille - l'espoir de ne plus rien désirer - ces tentations noires, finalement très adolescentes - que celui qui n'a jamais aimé ce rock-là leur jette la première pierre puis passe son chemin. Pour les autres, que fascine encore l'adolescence de l'art, la maturité avec laquelle Halph y retombe devrait avoir quelque chose de réjouissant. |