Comédie dramatique d'après Choderlos de Laclos, mise en scène de Nicole Gros avec Marine Gandibleu, Thierry Garet, Gaëlle Lorillon, Audrey Sourdive, Sylvie Mauté, Elizabeth Ollivier-Millet, Philippe Renon et Isabelle Desalos.
Nicole Gros a réussi le pari de faire du célèbrissime roman épistolaire de Laclos, qui se présente comme un véritable kaléidoscope aux éclairages multiples aux formes et tons variés, un véritable spectacle qui restitue avec fidélité et intelligence l'intrigue.
Après avoir monté la pièce dans l’espace sphérique de la petite salle du Théâtre du Nord-Ouest, elle l’a adapté à un plateau frontal avec une mise en espaces parallèles. Les salons, la chambre de Cécile de Volanges et le cabinet de recueillement deviennent autant de lieux qui coexistent sur un même espace recréant ainsi pour le spectateur ces "points de vue" qu’il a quand il est lecteur du roman de Laclos.
Points de vue sur une comédie dramatique qui se mue en tragédie classique dont le dénouement est dicté par la guerre déclarée à Valmont par Mme de Merteuil, jalouse, ulcérée d'être primée par une vertueuse dévote, néanmoins capable d'inspirer et de révéler l'amour à ce dernier, et reléguée au rang de récompense. "C'est la brouille de ces deux scélérats qui amène les dénouements" notait Baudelaire.
Ces deux scélérats ce sont deux libertins. Et au royaume des libertins, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil se veulent des dieux. Cyniques et orgueilleux, pratiquant un art consommé de la duplicité, ils n'éprouvent que mépris pour leur entourage.
Mais là où Valmont (Thierry Garet séducteur séduisant et irrésistible) pratique un libertinage solaire, ludique et hédoniste, préférant d'ailleurs la stratégie de la séduction à la reddition de la victime et sacrifiant l'être aimé à sa vanité, Madame de Merteuil (Marine Gandibleu implacable et magistrale), personnage sadien, prisonnière de son ego et de la crainte de voir sa liberté aliénée notamment par le sentiment qu'est l'amour, oeuvre par le biais d'un libertinage lunaire pour satisfaire son désir de puissance.
Dans leur milieu social, où les conventions et les vertus sont représentées par Madame de Rosemonde (Elisabeth Ollivier-Millet très policée) et sous l'œil des valets ou des courtisanes (deux rôles pour la troublante Isabelle Desalos au profond regard de jais), il ne manque pas de victimes potentielles qu'ils manipulent à leur fantaisie telles Madame de Volanges (Sylvie Mauté impeccable en mère naïve), Cécile de Volanges (Audrey Sourdive délicieuse en ingénue sensuelle), le chevalier Danceny (Philippe Renon parfait dans la pusillanimité) et Madame de Tourvel (Gaëlle Lorillon remarquable dans sa lutte entre le devoir et l'amour).
Un exercice difficile particulièrement réussi. |