L’aventure commence ici, en Belgique, année 00.
Et les plus lents des moins rapides ne saisissent pas que le rock se fait LA, en pays plat, à l’abri des batteries binaires et des accords en majeur. Loin des fish & chips, loin du star & strass, loin de l’Angleterre, vérolée comme la Tatcher avec un rock, disons, classique (N’en déplaise aux fans de Razorback).
Loin de tout la Belgique est, reste, existe. Et si les retardataires s’accordent à dire que depuis 3-4 ans des groupuscules majeurs (Ghinzu, dEUS, Venus, Major Deluxe, Ozark Henry, Sharko, en vrac) s’activent en Belgique, les défricheurs savent. Que le rock a changé de propriétaire, il a trouvé meilleur dealer. Et le pire, c’est que ces Belges chantent en anglais, ultime pied de nez aux rockers du bras d’honneur. Belgique année 00. Tout se passe ici et ailleurs.
Miele, le dernier rejeton, est différent, mais dans la continuité. Miele chante en français, et, c’est un brin facile, pourrait se perdre dans le flot des groupes qui butinent en Belgique. Oui mais.
Le groupe fondé en 1998 par Stéphane Daubersy et Catherine De Biasio est déjà rodé. De tests démos en additions fortuites (Frank Baya, actuel batteur de Françoiz Breut et Gregory Rémy, guitariste de Ghinzu), Miele devient une machine de guerre poétique et atmosphérique, prête à balancer en accusé de réception sa pop incisive sur les contrées en guerre.
Pendant près de 3 ans, Miele attend son heure. Et sort du bois ce premier album éponyme en dents de scie sexy. Des ballades de rock contenu chanté avec candeur christique ("Jésus II") juste bonnes à rendre heureux, des chansons aux titres improbables ("Je vous avoue Mireille"), des allers retours vocaux entre Stéphane et Catherine en forme de passage de témoins.
L’album est bon car divers, naviguant entre low-fi française et rock musclé mode Ghinzu, balancé, cadencé par les rythmes sexuels hybrides des auteurs de "Blow". Et s’il ne devait en rester qu’un, de titre, cela serait sans doute celui-là !
Les chiffres rouges, ultime envolée lyrique portée par le son des guitares de Gregory Remy de Ghinzu, qui parvient à imposer sa patte avec ce rock génétiquement travestie, alternant entre rock et electro, une valse à mille temps des sentiments portée par la voix fantomatique de Catherine De Biasio. Une chanson pour tout casser, un titre à tout emporter. Orgasme fulgurant d’un groupe sans concession prêt à jouir sur l’instant mélodique.
Le groupe Miele souffle donc le chaud et le froid, sans décider vraiment de son étiquette et de sa direction. Par ici le glauque acoustique made in Belgium ("Les méfaits", "Les eaux troubles") comparables aux compositions Venusiennes, par là les musiques de cirques électrique en forme de cabaret rock instrumental ("Gladiator"), le groupe Belge joue aux fléchettes en touchant à chaque piste une cible différente.
Disque polymorphe écoutable selon les chansons en période d’accalmie ou d’urgence. Le nouveau genre, le rock bipolaire à l’horizon, Miele convainc d’autant plus sur ses titres enlevés comme "Vois tu", caressant le rock à Gainsbourg "L’homme à tête de chou" dans le sens du jack.
Le collectif Belge joue les extrêmes sur "Rock", bordel foutraque crié plus que chanté et finalement se fout des conventions. Le rock comme l’addition des autres genres, du surf au blues, du folk à la variété.
Et oui, incontestablement, si l’on devait parler de nouvelle scène française, il faudrait sans nul doute parler de Miele, groupe Belge. |