En marge de la deuxième édition du festival BB Mix à Boulogne-Billancourt qui s’est déroulé du 18 au 28 octobre (Shugo Tokumaru, Agaskodo Teliverek, Panico, The Clerks, Rubin Steiner, Zombie Zombie…), les anglais de The Chap accordaient à Froggy Delight une interview exceptionnelle dans une salle de catéchisme située au sous-sol de la salle polyvalente du Pont de Sèvres.
Histoire de mieux comprendre vos influences, pouvez-vous chacun nous citer votre premier coup de cœur musical ?
Claire : le Velvet Underground, je les écoutais tous le jours !
Johannes : Moi c’était plutôt Led Zeppelin … et Dire Straits aussi "Down To The Waterline".
Panos : Pareil pour moi : Led Zep et Dire Straits.
Keith : De mon côté Kraftwerk surtout et puis cet incroyable groupe belge, Front 2 4 2.
Ça me semble logique car j’ai lu une interview de vous qui disait que votre musique était un croisement entre Kraftwerk et Sonic Youth, mais je crois que l’un de vous a dit que ce n’était pas le cas.
Keith : Effectivement, le concept d’un croisement entre Kraftwerk et Sonic Youth est vraiment stupide et parfaitement impossible. On a juste joué deux fois à proximité de Kraftwerk. Le premier soir, quelqu’un s’est écrié : "Ouah, votre musique ressemble à Kraftwerk !". Le soir suivant, un autre mec s’écrit : "Ouah, votre musique ressemble à Kraftwerk !". En réalité, dès que tu joues dans un groupe, la première chose que l’on veut savoir est à quoi ta musique ressemble. Plutôt que de dire que ce qu’on fait est différent du reste, on a préféré dire que cela s’apparentait à un croisement entre Kraftwerk et Sonic Youth.
Comment vous êtes vous rencontré ?
Claire : Avec Panos et Johannes, on s’est rencontré au London College Music. Je connais Keith depuis des années, bien avant qu’on monte The Chap.
Keith : Oui on se connaît depuis l’âge de 17 ans !
(A Johannes) J’ai entendu dire que tu avais joué dans un groupe qui s’appelait Karamasov ? C’était quel genre ?
Johannes : Des trucs instrumentaux un peu bizarres, avec plein d’électronique, de vibraphones, des guitares. On avait aussi un label appelé ‘Satellite’, dans la mouvance soul-jazz sur lequel on avait sorti un disque. En fait, j’avais rencontré les autres avant d’être dans Karamasov et on avait parlé de monter notre groupe mais ça ne s’est pas fait. Chacun a donc continué de faire des trucs de son côté.
Panos : Mais on savait tous que ça allait fonctionner !! (rires)
Qu’avez-vous étudié au London College Music ? L’histoire de la musique, la composition ou comment jouer d’un instrument ?
Johannes : Je suis diplômé en composition de musique de films pour le cinéma et la télévision.
Panos : Moi aussi.
Claire : Quant à moi, j’ai un diplôme de musique qui inclus la performance et l’analyse.
Hier soir, vous avez donné un concert à Saumur sans Claire, comment était-ce ?
Johannes : C’est vrai, on joue parfois en version trio car Claire a un vrai taf à côté et ne peut pas toujours se libérer (rires). Pour en revenir au concert d’hier, Saumur est une jolie petite ville, l’endroit était sympa, une sorte de MJC. Le lieu m’a paru immense pour une ville de cette taille. Ce n’était pas la foule, mais ceux qui étaient venus avaient l’air de passer un bon moment.
Donc si je comprends bien, à l’intérieur de The Chap existent en réalité deux formations : un trio et un quatuor. Comment adaptez-vous vos chansons en fonction de la configuration du groupe ?
Johannes : Avec des Mini-Disc !
Panos : Effectivement, en trio, on doit faire des compromis. Mais utiliser un Mini-Disc sur une partie de clavier est beaucoup moins évident que sur une ligne de basse par exemple …
Keith : C’est pour cela qu’on ne peut pas tout jouer sans Claire !
Quelles sont les chansons qui marchent le mieux sur scène ?
Keith : C’est très variable …
Panos : "BITSS", le genre de titre qui modifie le cours du concert : il y a un avant et un après … Le public est toujours plus dedans.
Où préférez-vous jouer ?
Tous : En France !
Claire : Et à Paris particulièrement !
Johannes : On a déjà joués plein de fois ici.
Panos : Le son et le public sont super bien, du coup on joue mieux.
Claire : En Angleterre, les gens vont aux concerts pour sortir, voir des amis et boire des bières alors qu’ici ils viennent pour écouter.
Johannes : Je ne vois pas ça d’une manière aussi tranchée mais globalement je suis d’accord.
Panos : Chez nous, les gens ont besoin d’une garantie médiatique pour s’intéresser à un groupe.
Vous avez dû tourner dans la majeure partie des pays d’Europe de l’Ouest, avez-vous déjà joué à l’Est ou aux Etats-Unis ? On a également entendu dire que vous aviez l’intention de jouer en Israël, en Ouzbékistan.
Panos : Oui on adorait ça ! On a déjà fait trois concerts en Grèce, deux en Italie mais pas encore en Espagne, ni au Luxembourg, ni dans les pays d’Europe de l’Ouest.
Johannes : Pour l’Ouzbékistan, j’ai un cousin qui a habité là-bas pendant quatre ans. Maintenant, il est à Kiev en Ukraine, ça me semble plus jouable de jouer là-bas …
Panos : J’ai dans l’idée que la scène musicale de l’Europe de l’Est est plutôt axée sur le gros hard.
Johannes : C’est vrai, en Pologne par exemple, la scène métal est très importante, j’ai été à Danzig pour un festival de quatre jours dans une salle incroyable, une sorte d’église gothique.
Je suppose que vous devez aimer d’autres groupes, allez-vous de temps à autre voir des concerts ?
Keith : Récemment, on a beaucoup tourné, on a beaucoup été en contact avec cette ambiance et vu pas mal de groupes qui partageaient l’affiche avec nous.
Johannes : J’adore vraiment aller à des concerts. Field Music, voilà quelque chose qui m’a vraiment emballé ! Je n’ai pas l’album, j’ai seulement écouté quelques titres sur MySpace, j’ai trouvé ça moyen mais en concert c’était vraiment terrible !
Vos meilleurs concerts de tous les temps ?
Keith : Kraftwerk à Londres en 1992 et 2005.
Panos : Je dirais Sonic Youth en 1996, à l’époque de "Washing Machine", ils avaient un light show absolument incroyable.
Claire : Définitivement pour moi, ça serait un concert secret de Love dans une toute petite salle à Londres en 1991.
Johannes : Moi j’ai vu PJ Harvey sur la tournée de son premier album à Cologne, super bien ! Ca doit bien faire une quinzaine d’années … (apostrophant Panos) Ah oui aussi, tu te rappelles ce concert de ADD N to X, dans le sous-sol d’un bar …
Panos : … c’était un de leurs tous premiers, ils avaient joué 20 minutes …
Johannes : … oui 3 titres … on avait aucune idée de ce à quoi ça allait ressemblait mais on y est allé !
Panos : Jarvis Cocker était là aussi, il avait l’air d’une star du porno !
Johannes : C’était une surprise énorme, la musique était poussée à son maximum … une super longue intro aux claviers et puis le batteur est arrivé (il mime un roulement de batterie) … puis le chanteur (roorooororo) et après ils ont tout balancé, complètement dingue.
Keith : On a joué dans une des plus petites salles de Londres, c’était à deux pas d’une salle beaucoup plus grande. A la moitié de notre show, plein de gens se barrent : ADD N to X venait juste de se séparer sur scène de l’autre côté de la rue …
Si vous aviez le choix, de quel groupe voudriez-vous assurer la première partie ?
Panos : Deerhoof, il sont vraiment incroyables sur scène ou alors … Melt Banana …
Johannes : non définitivement Deerhoof serait vraiment génial
Qui se charge de l’écriture des morceaux ?
Claire : C’est Keith en réalité ! (rires).
Keith : En réalité, quelqu’un vient avec une idée et on construit à partir de ça.
Johannes : Oui, certaines chansons sont issues de jams ou parfois un de nous arrive avec un titre quasiment terminé. Dans ce cas, soit on le garde plus ou moins en l’état, soit l’un de nous a une idée et on la développe ensuite tous ensemble. On peut très bien aussi mettre une chanson de côté pendant trois ans et la réutiliser plus tard.
Panos : On peut aussi construire un titre directement sur ordinateur, le changer et en cours d’enregistrement, l’analyser et parfois se rendre compte qu’on voulait quelque chose de totalement différent. En gros on utilise un process itératif en jouant et rejouant les titres.
Johannes : Compte tenu de notre style, on ne fait trop dans le songwriting (piano, paroles …), c’est juste des sons, des idées, des structures de chansons. Mais il y a aussi des chansons que l’on a écrites en vraiment très peu de temps.
Une question maintenant concernant les liens entre le studio et la scène. Comment avez-vous adapté les titres de "The Horse" pour la scène et quelle influence ont eu les concerts donnés dans la foulée sur l’enregistrement de "Ham" ?
Keith : Au départ toutes les chansons sont écrites pour le disque. Et puis à un moment, on se demande comment on va pouvoir les jouer sur scène …
Johannes : Quand on a fait l’album, on avait juste un micro et un logiciel. Pour la scène, on a fait un travail de ré-affectation des sons, histoire que ça ne sonne pas comme l’album … plus rock.
Panos : Nous effectuons enregistrement et production simultanément. En studio, on ne produit que des sons (de batterie, des trucs bizarres au clavier). On a abandonné l’idée de reproduire ces sons en concerts avec des pédales d’effets ou autres, c’est pourquoi une partie de notre son live est produit en arrière plan, avec des Mini-Disc. On fonctionne comme un groupe de rock très classique : batterie, claviers, basse et guitare et les autres sons sont sur Mini-Disc.
Keith : Certains groupes n’aiment pas utiliser des sons pré-enregistrés parce qu’ils ont l’impression de tricher… mais, nous on s’en fout, l’important est de faire notre musique. Yeah ! On utilise des Mini-Disc (rires).
Panos : Vous vous rappelez de ce groupe, Roni Size, il y a une dizaine d’années ? Je les avais vu en concert à la télé et leur batteur jouait live les beats programmés dans la batterie. C’était très impressionnant mais au bout de cinq minutes, vraiment ennuyeux parce que ça ne sonnait pas comme l’album.
On trouve les jaquettes de vos disques absolument magnifiques et super originales, on aimerait en savoir plus sur leur origine, leur signification …
Johannes : On n’en est pas du tout à l’origine !
Panos : En fait, on les a choisis parmi les propositions qui nous ont été faites. Ces visuels ont été élaborés par une boîte qui s’appelle North Format.
Johannes : Pour notre premier album, "The Horse", ils avaient créé plein de trucs différents. Le jour de la présentation, on a trouvé ça très bien fait mais aucun ne nous a vraiment plu. Et puis les types du label nous ont dit que certains avaient été mis de côté. On a demandé à les voir et on a tous eu un coup de cœur sur celle-ci.
Etes-vous obsédés par la nourriture ? Tout peut se manger dans votre univers, même le tigre !
Johannes : La nourriture est très importante !
Keith : Les mecs d’un des groupes qui a joué ici hier, Agaskodo Teliverek, ont voulu essayer la viande cheval durant leur voyage en France !
Panos : Ouch je n’ai a jamais essayé … On peut en acheter ici ?
Oui oui, bien sûr, on a des boucheries spécialisées …
Keith : Je voudrais vraiment essayer le steak tartare … j’ai été végétarien pendant 15 ans …
Et toi Claire qui est végétarienne ça t’inspire quoi ?
Claire : … Je ne le suis plus …
Panos : En fait Claire et Keith sont restés végétariens jusqu’au moment de me rencontrer (rires)
Claire : J’adore cuisiner.
On aurait aimé parler plus longuement de leurs projets, éclaircir le mystère sur North London … mais voilà on s’est un peu laissé déborder par le temps, d’où une fin un peu abrupte pour cause de setlist à écrire. |