
Derrière Jack et Jacques, qui vient de sortir un mini album "Roses
for ashes", il y a Anthony Reynolds qui a accepté de
répondre, par mail, à une longue interview retraçant son
parcours musical mais également son itinéraire personnel. Dans
cette interview, qu'il a lui même qualifié de "my life story",
illustrée des photos qu'il nous a également envoyées, il
n'hésite pas à se dévoiler et à recentrer l'homme
par rapport au personnage médiatique.
Comment avez-vous commencé à écrire
et jouer de la musique?
On m’a raconté que mon premier instrument était
une petite batterie d’enfant quand j’avais trois ans. Ça
devait taper sur les nerfs de mes parents…Après je me souviens
des pianos dans la maison de mes amis, ce qui était fréquent dans
les années 7O.
Plus précisément, je me rappelle avoir été plus
intéressé par le fait de faire du bruit en frappant les touches
par en dessous et les cordes avec des couteaux et des jouets... que de jouer
de manière traditionnelle…et oui, j’étais déjà
dans un trip à la John Cage à l’age de quatre ans !
S’ensuit un court flirt avec le triangle à 5 ans. J’ai toujours
le même instrument. Dans le groupe de l’école, j’avais
remplacé un garçon nommé Gareth Wilcox pendant qu’il
était malade. J’étais tellement éblouissant au triangle
qu’ils l’ont dédaigné quand il est revenu...son nom
était merdique…
Puis, quand j’avais dix ans, il y a eu une sélection à l’école
pour retenir les meilleurs éléments pour leur permettre de jouer
du violon. J’ai essayé pendant un an mais j’étais
paresseux.
Dans mes jeunes années, j’ai appris à utiliser deux magnétophones
à cassettes ce qui m’a permis d’enregistrer et mixer différents
instruments qui étaient en fait essentiellement des couteaux et des fourchettes,
des seaux et des verres, la musique n’était pas très mélodique.
Cela a “évolué” en passant par l’utilisation
des synthétiseurs-jouets et une guitare acoustique. Je ne savais ni l’accorder
ni plaquer des accords, elle était plutôt utilisée comme
une percussion. Des amis m’ont accompagnés, certains s’y
connaissant plus en musique ce qui m’a permis de mettre des mots sur leurs
bruits. J’ai commencé à écrire des poêmes vers
l’âge de treize ans.
A quartorze, je pouvais écrire et chanter mes propres textes; j’ai
rejoint quelques “musiciens” et nous voulions jouer en live comme
un vrai groupe.

Ensuite, je me suis pris de passion pour la batterie et je me suis
concentré sur cet instrument, m’entraînant des heures durant
à jouer sur des disques, notamment "Gentlemen take poloroids"
de Japan. Je me souviens encore à ce jour de toutes les lignes de batterie
par cœur.
Ce n’est que vers 16-17 ans que j’ai appris à jouer de la
guitare et à partir de ce moment, mes chansons ont acquis un son plus
traditionnel.
J’ai appris en autodidacte à jouer du clavier vers 20
ans et aujourd’hui, j’écris essentiellement sur la guitare
ou le piano.
Je voudrais revenir à la fabrication de chansons en frappant sur des
bouteilles de lait remplies d’eau et des casseroles, quoique.. Juste un
peu.
Quelles sont votre background et vos influences musicales ? Quel est l’impact
de vos racines galloises ?
Pour le background, tout est dans ma première réponse.
Quant aux références, hum, vraiment et réellement,
c’est uniquement la musique pop au début. La chose merveilleuse
avec la pop c’est qu’elle incorpore avec succès différentes
facettes d’autres genres musicaux comme le jazz, la musique classique
etc… ce qui constitue en fait ses origines et sa "croix".
Quant à mes origines galloises, elles ont sans doute quelques influences
inconscientes. J’étais indifférent, comme étranger,
à cette nationalité qui n’était pas significative
au sein de ma famille. Je veux dire que personne ne parlait gallois ni s’y
référait. Ma famille ne m’a pas inculqué de notions
relatives à la fierté patriotique ou historique.
J’ai été tout à fait surpris d’apprendre que
j’étais gallois quand j’ai compris ce que cela signifiait
pour d’autres personnes, notamment ces dernières années
quand il m’a semblé percevoir l’émergence et l’importance
croissante de l’identité galloise. En réalité je
n’ai jamais éprouvé le besoin d’avoir des racines.
Je me sens à la fois chez moi et étranger quel que soit l’endroit
où je me trouve. Mes sentiments sont très variables sur ce point.
Quelle est la place de la musique dans votre vie. Quel genre de musique
écoutez-vous ?
Ma relation à la musique est en train de changer… Je
ne peux plus écouter de la musique de manière solitaire, par exemple
la nuit avec des écouteurs. Je ne peux pas me relaxer suffisamment pour
m’y abandonner. En conséquence, ma relation avec la musique n’est
plus aussi intense qu’elle fut…je veux dire quand j’avais
13 ans j'avais seulement 3 disques ("Rio" de Duran duran, "sergent
Pepper" des Beatles et une compilation de Motown avec de grosses roues
sur la pochette…) et j’étais complètement immergé
dedans.
Mais la Musique demeure encore essentielle pour moi et a trouvé de nouvelles
façons de venir jusqu’à moi.
J’aime écouter de la musique en voyageant, dans le train ou la
voiture. Une de mes choses favorites est de faire la cuisine en musique. J’ai
besoin de la musique mais je suis souvent incapable de l’apprécier
comme j’aimerais le faire.
Ce que j’écoute? Tout, je donne une chance à tout, au moins
une fois.
Dernièrement, j’écoutais Sammy Davis Jr…un de ses
albums , “Sammy” écrit en 1974 pour une émission de
télé. Fantastique. De grandes chansons et il a toujours eu un
batteur brillant, aussi comme c’était pour une émission
de télé, ce n’était pas vraiment produit, juste avec
un orchestre et ce n’est pas non plus comme un concert, juste un live
à la télé...Le son est merveilleux et unique. Quand on
le connaît, on l’apprécie encore davantage, comme pour beaucoup
d’autres chanteurs, et l’inverse est vrai.
J’aime bien le single des Girls aloud, de bonnes chansons bien produites,
on vient juste d’acheter leur disque. Comparé à ces chansons
le reste semble être du remplissage.
Ma plus grande découverte ces derniers temps c’est Miles Davis.
Ecouter sa musique c’est comme découvrir un nouveau continent.
Vous écrivez des romans, des nouvelles, des chansons, et
vous êtes musicien. Etes-vous également peintre car vous avez peint
la pochette Roses for Ashes ? Pourquoi toutes ces activités ? Comment
trouvez vous le temps de tout faire ?
Je n’en fais pas autant que je devrais. Je suis paresseux. Je prends plus
de plaisir à lire qu’à écrire. J’ai des histoires
dans ma tête et je suis prêt à les écrire.. mais paresse
Je ne peux pas dire que je suis peintre bien que je m’y mette de temps
à autre. J’ai toujours plus ou moins fait des esquisses, des gribouillages
serait d’ailleurs un terme plus approprié.
Et j’ai décidé de faire un effort pour me concentrer sur
la peinture quand j’ai déménagé pour vivre à
la campagne. Je crois que je peux prétendre être capable de faire
quelque chose, vous savez. Sans trop d’effort j’arrive à
faire un truc artistique potable qui tient la route.
Mais en fait j’ai été déçu de constater que
mes peintures étaient vraiment épouvantables, pas tant mauvaises
ou sans intérêt mais juste ordinaires. Je persévère
néanmoins mais beaucoup de peintures sont inachevées et remisées
dans la litière du chat.
La pochette de "Roses for ashes" n’est pas une peinture mais
une photo que j’ai retravaillé pour lui donner l’aspect d’une
toile. En revanche j’avais peint la pochette de "White jazz"
bien que je ne l’ai jamais avoué jusqu'à aujourd’hui.
Je me rappelle que j’avais fait croire que l’auteur était
mon neveu… ho ho….
Tout ce que je fais en dehors de la musique résulte d’une frustration
par rapport à la musique. Je n’ai jamais pu enregistrer et publier
autant de disques que je l’aurais souhaité ou quand je l’aurais
souhaité. A vrai dire, c’est de plus en plus difficile.
J'estime parfois que je me disperse trop et que je devrais vraiment me concentrer
sur une seule chose à la fois. Et puis le côté business
de la musique pour gagner de l’argent m'épuise. C’est un
peu comme avoir une super idée pour une chanson, prendre sa guitare,
se rendre compte qu’elle est horriblement accordée, et ensuite
après 20 minutes passées pour l’accorder correctement, vous
n’avez plus envie de jouer la chanson.
Quand à trouver le temps de toute faire, il semble parfois que
la vie est bien trop longue...
Vous faîtes des lectures au Borders .Quel est votre intérêt
pour ce genre d’exercice?
Aucun intérêt particulier. La première fois, on
me l’a proposé et j’ai accepté à titre d’expérience.
Ensuite, j’ai recommencé et ayant de l’expérience,
j’ai trouvé que la seule motivation pour réitérer
résidait dans la rémunération de ce travail. Personne n’a
encore pu me payer assez jusqu’a présent.
J’aime bien ce qu’avait dit Philip Larkin quand on lui avait demandé
pourquoi il ne faisait pas de lecture : parce que "j’ai horreur devoir
feindre d'être moi".
On a dit de vous que vous étiez l’énigme indie. Qui
est réellement Anthony Reynolds ?
Je suis sans doute la personne la moins qualifiée pour répondre
à cette question. Quelle qu’en soit le sens.
Quelle
est votre méthode pour écrire les chansons ? Comment faites vous
le tri entre Jack et Jacques ?
C’était assez simple : Jack était le fruit d’une
collaboration exclusive avec Matthew Scott alors que pour Jacques, la collaboration
est plus hétérogène : moi et n’importe qui d’autre,
y compris moi et Matthew Scott.
Où puisez-vous l’inspiration ? Quelle est la part des autres
formes d’expression artistique dans votre vie et dans votre inspiration
?
Pourquoi certaines personnes ont besoin d’écrire des chansons
et d’autres non…. ? Est ce que cela est déjà bien
clair ?
Cela a probablement à voir avec une blessure…
Enfin quelle qu’en soit la raison, j’ai longtemps ressenti le besoin
de parler des choses que je vois et de mon ressenti en général
et ensuite les passer à la moulinette de ma propre expérience
et personnalité – peut être mon ego.
Mon inspiration naît de là et ensuite, elle peut être plus
ou moins complétée par le travail d’autres personnes et
l’impact qu’il a sur moi. Notamment en ce qui concerne le cinéma,
la peinture, la poésie, etc…
Quelqu’un a dit que "le bonheur écrit en blanc" ce qui
signifie que les artistes ne travaillent qu’à partir du mécontentement.
Mais je ne partage pas vraiment ce sentiment. Je désire autant partager
les expériences tristes que joyeuses. Je suppose que ça conduit
à partager une expérience extrême qui ne peut se traduire
en langage de tous les jours, un besoin de relater l’extrême du
ressenti et du vécu.
Et je suis évidemment inspiré par les pionniers du genre, ceux
qui ont réalisé des choses que l’on disait impossibles,
notamment dans le domaine du cinéma ou de la musique, et je ne parle
pas forcément de choses choquantes.
Certaines personnes sont radicales en faisant strictement la même chose
pendant des décennies ou en ne faisant au contraire presque rien. Je
suis inspiré par les gens qui sont assez courageux pour être eux
mêmes, en fin de compte, quelles que soient l’environnement latent
ou les circonstances.
Comment choisissez vous les arrangements de vos chansons ? Il semble que
vous utilisiez de plus en plus d’électronique et de samplers.
J’ai compris que si une chanson est suffisamment bonne en elle-même,
tous les arrangements sont possibles si vous le souhaitez sans altérer
la force du morceau. C’est la raison pour laquelle beaucoup de classiques,
comme les chansons des Beattles, font l’objet de très nombreuses
reprises dans des styles différents, comme le reggae, la samba…
D’autres chansons sont plus perverses et vous conduisent à trouver
l’arrangement spécifique… Et puis après c’est
un problème de budget.
Une chanson peut réclamer à cors et à cris un arrangement
avec des bois mais si vous n’en avez pas les moyens alors vous utilisez
un autre genre d’instrumentation. Les samplers dans ce cas s’avèrent
très tentants et parfois surpassent même l’idée originale,
souvent par accident …
Le plus important, c’est de ne pas perdre le point de vue de la chanson.
Vous avez une voix atypique. Ecrivez vous précisément en conséquence
?
En principe oui, ne serait ce que parce que j’écris essentiellement
d’instinct, au feeling, mais j’écris aussi parfois en pensant
à d’autres interprètes.
Souvent des femmes (par exemple j’ai ecrit "Three O’clock in
the morning" pour Shara Nelson et "I don’t know why I want you"
pour Marianne Faithfull), bien que dernièrement j’ai écrit
une chanson en imaginant que c’était Sammy Davis Jr qui la chantait.
De toute façon, il s’agit d’un exercice très intéressant
.

Que pensez vous des comparaisons avec David Bowie, Marc Almond, The Tindertsticks
ou Scott Walker ?
Je dois admettre que c’est un peu pénible de toujours lire
les mêmes noms dans les articles etc…
Je sais bien que notre musique n’est pas beaucoup jouée et que
je n’ai jamais beaucoup tourné…(enfin beaucoup pensent cela)
aussi, peut être, les journalistes utilisent ces noms afin de donner des
références faciles a leurs lecteurs, qui en général
ne connaissent pas du tout notre travail.
Je peux certainement admettre qu’il y a un peu de David Bowie ici et là
mais ce n’est plus très flatteur aujourd’hui …
Ces dernières années, j’ai vraiment effectué un gros
travail pour trouver ma propre voix, pour m’éloigner d’un
certain maniérisme et des formes stylistiques du mieux que j’ai
pu. Je n’y suis peut être pas parvenu.
En ce qui concerne Scott Walker … ma mère était et est toujours
une fan inconditionnelle – aussi sa musique a-t-elle bercé mon
enfance – et adolescent, j’ai été envoûté
par sa musique mais pas au point d’exclure toute autre musique.
Quand j’ai commencé à chanter en public assez régulièrement,
j’ai certainement tenté ce genre d’approche sous différentes
formes. Et je me rappelle que je me suis essayé à ce genre de
"grande voix" mais je me suis vite rendu compte que cela n’était
pas bon pour la chanson, les mots, la mélodie. Ce qui signifie pas que
parfois une "grosse" voix n’est pas appropriée.. les
chœurs sur "Nico’s Chilren" me viennent à l’esprit,
quand j’avais toujours l’impression que je devais surfer au sommet
d’une énorme et superbe vague de son sans passer vraiment sous
cette vague musicale…. Mais ce serait ridicule d’en dire autant
sur "Lolita Elle" ou "Cowgirl’s and gringo’s".
En fait , quelles que soient réellement mes influences et mes inspirations
ou ma propre analyse, les chroniqueurs adopteront toujours les comparaisons
basiques. Ainsi la référence aux Tindersticks peut être
avancée pour certaines chansons mais certainement pas pour l’ensemble
de ma musique. Je ne pense vraiment pas que la comparaison soit pertinente..
mais où réside la pertinence alors… ?
En revanche, la comparaison avec Nick Cave me fait vraiment chier. A vrai dire,
je pense qu’actuellement c’est un piètre chanteur, et qu’il
s’en sort justement grâce à ses insuffisances… Il est
capable, malgré son manque de qualité, de créer l’illusion
de sincérité dans ce qu’il fait…. ce que je trouve
honteux surtout parce que je crois qu’il a écrit quelques chansons
magnifiques. Et son personnage les bloque, à travers sa voix.
Le communiqué de presse pour la sortie du dernier album de Jack indiquait
: "Formé à partir d’un amour partagé pour la
musique de Japan, Velvet Underground, Charles Aznavour". Ce qui est absolument
vrai même si Matthew n’a jamais vraiment apprécié
Japan, mais bon…Or, un jour je lis une critique qui reprend exactement
ce texte mais en substituant Nick Cave à Aznavour. Je suppose que le
journaliste ne connaissait pas Aznavour - un de mes auteurs interprètes
favoris de tous les temps, j’adore notamment quand il chante en anglais
- et donc le journaliste a modifié la réalité factuelle
pour l’adapter à ses pensées et à l’attente
des lecteurs.
Mes véritables influences sont Aznavour, rarement mentionné, David
Sylvian, Brian Eno, Tom Jones, Franck Sinatra, Nina Simone, Léonard Cohen,
Jack Thakcray,…
Que pensez vous du dictat de la presse musicale dont l’opinion peut
influencer les ventes ?
Je n’ai aucune idée de ce qui fait vendre de la musique,
les critiques, les singles ou encore la publicité… Quand une chanson
est utilisé comme bande son d’un film ou d’une pub cela fait
vendre, c’est certain mais l’impact de la presse… J’ai
eu de très bonnes et de très mauvaises critiques dans ma vie sans
qu’elles affectent de manière sensible les ventes.
Une critique fantastique attise ma curiosité mais rarement au point de
sortir acheter l’album sur le champ. Il y a tellement de musique intéressante
ces 100 dernières années que je pense souvent que les disques
qui sortent cette semaine peuvent encore attendre un peu. S’ils valent
le coup, ils croiseront mon chemin.
Votre musique ne répond pas aux critères des musiques à
la mode actuellement. Cela peut-il expliquer sa faible diffusion ?
Peut être. Ou peut être que les radio ne la diffusent pas
à cause de cela ce qui limite le nombre d’auditeurs.
Beaucoup de musiques en dehors des modes se vendent très bien, sans passage
radio et sans matraquage sur MTV, mais elles ont été à
la mode ou ont eu du succès à un moment donné.
Bien sur, tout ce que je fait a toujours été… au delà
…. de la mode.
Vous pensez que Jack est un nom parfait, simultanément fort et sensuel.
Mais pourquoi choisir le même nom pour vos 2 groupes ? N’est pas
une façon de semer la confusion ?
Jacques était une émanation personnelle perverse, monstrueuse
et indulgente et le nom convient parfaitement.
Mais vous avez tout à fait raison, c’était confus et je
le sais. Un vrai cauchemar en France, .. pour essayer d’expliquer la différence
entre Jack et Jacques mais comme je disais, je suis pervers et masochiste.
J’aurais préféré sortir le meilleur de mon travail
sous le nom de Jack mais Matthew, après le premier album, a insisté
pour tout co-écrire.
Pour être précis, bien que Jack soit une collaboration
entre lui et moi j’aurais voulu parfois sortir une meilleure chanson de
mon cru à un moment particulier… une meilleure chanson que celle
résultant du duo Scott/Reynolds. Mais comme Matthew voulait toujours
participer à tout, peu importe à quoi d’ailleurs, la moindre
chanson – notre chanson - sortait sur un album de Jack.
Je pense que l’alchimie entre Matthew et moi était spéciale
; en termes d’écriture - seul je n’aurais jamais écrit
"Nico’s Children" ou "I didn’t mean it Marie"
même dans 1 million d’années - et pour être juste,
il n’aurait pas pu finir une chanson sans mon aide, même si moi
je pouvais sans la sienne, donc je sentais que je pouvais me permettre d’accepter
cela.
En conséquence, j‘ai remisé beaucoup de chansons
-surtout à partir du moment ou Matthew et moi avons cessés d’écrire
ensemble- je veux dire ensemble dans la même pièce comme nous le
faisions très souvent en 1997. Du coup, j’ai écrit beaucoup
de chansons seul - des chansons que je croyais vraiment méritées
d’être publiées… Choisir le nom de Jacques était
le fruit de la réflexion sur la situation perverse dans laquelle je me
trouvais.
D’un autre coté je trouve que Jack est un nom fabuleux pour un
groupe et je suis étonné qu’il n’ait jamais été
utilisé auparavant…. Je ne peux toujours pas croire que j’ai
trouvé un nom aussi formidable et original… Alors je voulais en
rester aussi près que possible….
Quelles sont les différences entre ces 2 groupes ? Pouvez-vous parler
du bouillonnement et de la verve de Jack et de l’introspection de Jacques
? Est ce comme Dr Jeckyll et Mr Hyde ?
Je ne dirais pas que c’est aussi extrême que cela. Cela
aurait peut être été plus facile pour moi si tel était
le cas..
En fait, comparativement, Jacques dispose d’un budget minuscule - ce qui
présente des aspects très libérateurs - mais parfois les
chansons étaient destinées à une mort prématurée…
spécialement sur le premier album de Jacques.
La compilation des faces B de Jack pourrait facilement constituer un album de
Jacques. Avec le recul, les disques de Jacques sont plus le résultat
de l’expérience technique de l’enregistrement d’un
disque plutôt que le résultat… alors que Jack c’est
totalement le contraire.
Les disques de Jacques furent agréables à faire mais le résultat
final est assez pauvre sur le plan sonore.
En revanche, les disques de Jack étaient très éprouvants
à réaliser mais le résultat est impressionnant… ils
résistent mieux au temps, surtout si on compare les deux. Bien que, si
vous revenez en arrière et réécoutez … tout a été
fait finalement assez tranquillement par rapport à maintenant.
Je pense aussi avoir mis plus de mon humour dans Jacques. Cela correspondait
peut être à une époque où ma joie de vivre se répercutait
sur mon travail… vous voyez… C’était important d’avoir
du plaisir à faire des disques… J’étais plutôt
puritain auparavant… Je ne pouvais même pas regarder un film avant
1999 me sentant coupable parce que je croyais que c’était de l’autosatisfaction.
Comment avez vous rencontré Matthew Scott et décidé
de former Jack ? Comment avez vous choisi les membres qui jouaient avec vous
?
J’avais entendu parler de Matthew comme guitariste dans un groupe
de Cardiff dans les années 80, début 90, un groupe du nom de Charlie
Brown , allez voir ici http://www.geocities.com/siadwell2/Meltwater2.htm
J’ai toujours voulu un super guitariste, et j’en ai eu deux, l’autre
s’appellait Glyn Kerry Groves. Je suppose que j’ai été
influencé par Marr / Morrissey dans ce sens.
Comment avons nous choisi les musiciens ? pour notre dernier disque et notre
tournée ?
Et bien, j’avais travaillé avec le batteur Paul Cook sur certains
concerts de Jacques. Il m’avait été recommandé par
un bassiste avec qui j’avais également travaillé Bryan Mills.
J’aimais leur style à tous les deux, spécialement celui
de Paul. Et toujours d’ailleurs. J’espère qu’on pourra
travailler encore ensemble sur mon album solo. C’était tellement
agréable de jouer avec un batteur aussi inspiré après des
années passées à travailler avec un batteur médiocre,
celui de Jack, mais c’est une autre histoire.
Les autres étaient là au bon moment…. Simon et Julian, respectivement
guitare et claviers, semblaient vraiment indissociables. Des mecs pleins de
ressources et avec un caractère adorable. Ils ont ramené Joe à
la basse, un gars solide dans tous les sens du terme. La violoniste était
une connaissance d’un joueur d’alto (Jon), un mec avec qui j’ai
travaillé sur l’album "To Stars". Fiona convenait parfaitement,
encore une personnalité adorable, pleine de ressources et très
bonne musicienne. C’était parfait .
Je suis toujours amusé et honoré de travailler et de diriger des
vrais musiciens, moi qui ait commencé en tapant sur des gamelles comme
je l’ai fait. Cette dernière configuration de Jack était
ma préférée pour jouer live. Jouer live était devenu
un très grand plaisir.
Ne pensez-vous pas que Jack et Jacques soient les avatars d’un seul
et même homme, avec la même voix, la même pose et les mêmes
attitudes ?
Evidemment, chacun d ‘eux est moi…c’est incontournable
et pervers, comme je l’ai déjà indiqué. Mais ce n’est
pas factice.
A la question “Avec quelle figure historique pourriez vous vous
identifier?" vous avez répondu "Aucune. Je suis un exemplaire
unique dans le genre humain". En termes biologiques, cela est exact mais
dans au plan psychanalytique, chacun souhaite être une autre personne
et avoir plusieurs visages comme Jack et Jacques. Qu’en pensez-vous?
Cela signifie que j’ai toujours voulu me réaliser moi-même.
Il y a un concept jungien appelé individualisation qui décrit
le processus d’intégration des différents aspects de la
personnalité pour aboutir à la constitution du moi.
Cela me convient comme idée car je perçois souvent des forces
internes qui luttent en moi et contre moi.
Dans une autre interview à “Quel est le plus grand amour de
votre vie?” vous avez répondu "S’aimer soi-même".Pouvez-vous
nous en dire plus car cela semble très hédoniste alors que vos
chansons sont dans un registre plutôt sombre ?
La vie c’est comme marcher sur un verre qui roule sur l’herbe.
Quand je marche sur une punaise ou que j’ai la migraine, je ressens au
fond de moi quelque chose heureux d’être. Si je perdais ce sentiment
– et je ne sais pas s’il demeurera – je tomberais dans le
trouble et sombrerais dans un état dépressif.
L’amour de la vie inclut aussi les sentiments de tristesse et de colère.
Tout est bon.
A "Si la vie existe après la mort, en quelle personne
ou quelle chose aimeriez-vous être réincarné?" vous
avez répondu “Le fils de ma fille”. Pouvez-nous nous préciser
le sens de votre réponse ?
Je ne crois pas en la vie après la mort, il n’y a pas d’autre
"vie" que ce soit le ciel ou l’enfer en l’idée,
cachée derrière le rideau. Je ne crois pas qu’après
la mort physique nous investissons un autre corps, même sous une autre
forme d’existence ni au néant.
Je pense que la vie est une énergie, sans cesse recyclée et en
devenir. L’idée que n’importe quel idiot puisse découvrir
le secret de la création simplement en diminuant le nombre de marches
d’un escalier est ridicule. Il n’existe pas d’autre
monde et nous ne pouvons sortir de cette sphère même si nous pouvons
y progresser.
C’est la raison pour laquelle je ne crois pas que le suicide soit une
solution sauf en cas de souffrance inhumaine. Nous avons toujours à régler
nos propres problèmes même si on se réincarne en tigre ou
en arbre.
Pensez-vous que la musique est votre moyen de communication privilégié
pour partager vos états d’âme ?
Oui.
Aimez-vous jouer en live? Vous avez dit qu’être sur scène
c’est comme se doucher en public, une prestation très exhibitionniste
mais qui constitue un des postulats de la carrière. Avez-vous toujours
le même sentiment ?
Comme je l’ai dit, j’ai beaucoup apprécié
nos derniers concerts, essentiellement grâce aux musiciens sur scène
avec moi. Le souci, ou le problème que j’ai avec les concerts…
c’est qu’il ne suffit pas de sortir de sa bulle pour monter sur
scène… il y a énormément de trucs chiants à
régler avant même de pouvoir approcher le micro et c’était
spécialement vrai sur nos derniers concerts parce que Jack avait une
grosse équipe de roadies, ingénieurs du son, managers et agents.
Et puis, il y a le voyage. La distance peut ne pas être un problème,
ça dépend beaucoup de l’argent.
Idéalement, il faudrait que ce soit comme dans "Star trek"
avec la téléportation de chez soi vers la scène, aller
et retour.
Et puis il y a tout ce que vous pouvez faire pour surmonter l’épuisement
et la lutte. Vous pouvez boire et c’est comme un lubrifiant qui permet
du moins en apparence de passer à travers le chaos. Mais alors vous finissez
complètement ivre, imbibé alors vous prenez de la cocaïne
pour surmonter cet état. Si vous en prenez trop vous devenez paranoïaque
et nerveux, tendu et bizarre, asocial.
Alors vous buvez encore plus mais c’est pas assez, vous prenez du valium,
juste pour vous détendre un peu…
Si après ça vous arrivez à chanter vos chansons sur scène
et que le son sur scène est toujours bon et qu’il y a du public
pour vous écouter… ça peut être vraiment une expérience
spéciale et unique, comme nulle autre.
Mais en ce qui me concerne c’est assez rare.
Dans quel pays avez vous le plus de succès ? et le meilleur
accueil ?
Les disques ne se sont jamais beaucoup vendus. Je crois que le premier à
été celui qui a eu le plus de succès à ce jour…
Ils coûtent si cher à faire et ensuite a promouvoir.
Je ne trouve rien d’autre à vous répondre… la France
et l’Espagne semble plus favorable que les autres parce que j’ai
donné plus de concerts et d’interviews dans ces pays qu’ailleurs.
Je peux passer 12 heures par jour à ne faire que des interviews et plus
tard quelqu’un de ce pays me dira "e suis votre plus grand fan et
je n" savais même pas qu’il y avait un nouveau disque ! pourquoi
ne pas faire plus de promos !"
Les USA semble s’intéresser plus à mon travail qu’auparavant…
Je suis un peu étonné de ne pas avoir bien marché au Japon,
mais ça ne m’obsède pas au petit déjeuner.
Si j’y pense je peux considérer que ma carrière est sur
le barreau le plus haut de la plus petite échelle.
Mais je pense rarement en ces termes.
En étant un peu pessimiste, quelles sont vos techniques
de survie ? Pour quelle raison vous levez-vous le matin ?
C’est une question assez commune mais je me demande combien de
gens y prêtent attention et comment ils appréhendent cette réalité.
La majorité, dans leur vie, passe de l’école au travail
et ne se demande jamais pourquoi. Sans réflexion profonde. De cette façon
ils ne se posent jamais de questions sur ce qu’ils feront une fois sortis
des draps, en dehors de leur lit… c’est la routine.
En raison des choix que j’ai fait dans mon jeune âge, il s’agit
d’une question récurrente pour ma part et à laquelle je
suis confronté assez souvent avec une régularité accablante.
Je veux dire, spécialement maintenant , depuis que je vis à la
campagne dans une relative solitude relative, je n’ai quasiment aucune
distraction, hormis les quelques visites, alors je dispose de toutes mes journées
à occuper comme bon me semble.
En ce sens, je suis vraiment responsable de ma vie au jour le jour-ce qui est
mon choix - et c’est souvent une lutte. Je dois toujours y travailler.
Dylan Thomas pensait qu’un écrivain se devait d’avoir un
travail normal en marge de sa vocation, car " vous pouvez écrire
2 heures par jour tout au plus et après, à quoi êtes vous
bon ?"
Ceci dit, le vieux Dylan Thomas buvait et j’ai aussi essayé ça,
et parfois ça marche. De temps en temps, une bouteille de quelque chose
peut être le but de votre journée, comme un phare autour duquel
vous gravitez bien que je trouve que c’est mieux après 3 heures
de l’après midi et pas avant, sinon vous ressentez de la haine
pour vous même et rien ne se fait, même pas l’essentiel vous
comprenez...
Tant que je pourrais écrire quelques mots ou quelques lignes, la journée
vaudra le coup. Même si il faut garder à l’esprit que ça
peut prend un sacré bout de temps pour écrire ces lignes. Ce n’est
pas une mauvaise impulsion – pour tirer la couverture à soi –
de savoir que vous pourriez écrire une chanson aussi bonne ou meilleure
que celle jamais écrite.
J’ai rarement été si déprimé que je ne puisse
plus quitter mon lit, bien que j’ai essayé une fois. J’étais
épuisé, vraiment, et complètement…
C’était au moment où j’ai décidé que
Jack devait se terminer, et puis un tas d’autres problèmes, notamment
de boulot… m’ont complètement lessivé, je ne pouvais
ni aller de l’avant , ni reculer semblait il… Alors on a mis une
TV dans la chambre, je l’ai mis sur CNN et je suis resté la pendant
3 mois. C’était les 3 premiers mois de 2003. C’était
vraiment dur sur le plan du boulot. J’attendais un coup de fil pour me
dire ‘oui’ ou ‘non’, je n’avais pas d’argent
et ma copine venait de perdre son job.
J’ai lu des trucs à propos de gens qui restaient au lit des mois,
voire des années et j’ai été vraiment impressionné
par cela, ça a un coté héroïque je trouve. Alors j’ai
fait ça, j’ai bu du whisky de supermarché et ma copine m’apportait
de la bouffe sur un plateau. Je lisais des bds et je mangeais des chips et des
biscuits…
Les chats et ma copine me rejoignaient dans la soirée, je prenais un
somnifère et je m’assoupissais devant des rediffusions de "The
monkees"… J’avais 2 paires de Pyjamas-un pour le matin et un
pour le soir- je changeais de pyjama après mon bain dans l’après
midi et retournais au lit. Ça a duré de janvier à mars,
quand mon compte en banque était vide.
Avec le recul , je le recommande ! Tout le monde devrait essayer ça au
moins une fois dans sa vie.
Il faut dire aussi que je me suis retrouvé avec une sacrée barbe.
Mais en fait, je suis un mec simple, ce qui me sort du lit le matin c’est
de savoir qu’une bonne tasse de café comme j’aime m’attend,
fort avec une truc blanc dedans –pas du vrai lait ni de la crème.
Ne serait ce que cela peut vous faire passer à l’étape suivante.
Et puis qui sait ce que le facteur peut vous apporter … ?
Que voulez vous dire quand vous dites que vous avez une regard clairvoyant
sur le monde, que vous êtes attentif à ce que vous êtes et
où vous êtes ? C’est important pour vous l’idée
et le fait de vous sentir vivant dans l’instant?
Il y a quelques années, une copine française avec qui
je venais de faire connaissance, me faisait observer que "pour éviter
de souffrir tu souffres 2 fois plus"… Je pense vraiment qu’elle
avait raison.
C’est un problème qui vient probablement de mon éducation,
l’angoisse de n'’exister qu’à l’instant présent…
Je suis toujours déchiré entre ce que j’ai fait et ce que
je voudrais faire. Je pense que je passe à coté de pas mal de
choses qui me sont offertes en vivant dans cet état…. Je fais des
efforts pour être plus calme…. BEAUCOUP D’EFFORTS.
Le bon vieux Jean Cocteau a bien résumé ça dans le titre
de son livre : "La difficulté d’être"
Quelle est l’importance de l’alcool et des drogues dans votre
vie ? L’alcool tient une grande place dans votre vie et dans vos chansons,
vous avez dit "J’aime la possibilité de boire sans en avoir
besoin et je le fais pour les nerfs". Boire est-il une source d’inspiration,
une drogue excitante comme pour beaucoup d’artistes et un calmant ?
La boisson a tellement de facettes différentes, c’est aussi
ce qui fait son attrait.
Je l’utilise comme de l’auto médication, comme je le disais
plus haut dans cette interview, c’est un lubrifiant social. Une échappatoire,
une découverte… C’est un complément à la nourriture,
aux drogues, J’ai rarement utilisé la drogue seule, la plupart
du temps avec l’alcool…..
Je me demandais si les artistes buvaient pour compenser la relative platitude
de la réalité qui suit le travail d’écriture, d’enregistrement
et de performances live… il n’y a rien de plus excitant que d’écrire,
vraiment et c’est dur de faire le ménage ou regarder la télé
pour compenser cela.
Vous pouvez arriver à un stade où c’est la boisson qui vous
avale, et c’est une rue a sens unique dans laquelle je me suis rarement
trouvé…
Les habitudes sont souvent négatives sous toutes leurs formes et il faut
les combattre…‘I fought against the bottle, but I had to do it drunk’..(L.Cohen)
Pour quels idéaux luttez vous ?
Pour être et rester éveillé.
Votre allure de dandy, c’est un choix esthétique ou quelque
chose de plus profond, une manière de vivre ?
Oh mec… ça fait un bon moment que je me sentais assez confiant
en mon apparence physique pour m’habiller n’importe comment…
ceci dit les autres peuvent ne pas être d’accord.
J’aime bien le coté glamour des costumes bien taillés et….
Pour être honnête, d’ou vient cette idée que je suis
un dandy ?? Peut être des 3 semaines en 1995 où je portais une
cravate… Je ne crois pas que ce soit encore le cas malheureusement …
Pourquoi aimez vous tant l’univers de Bukowski ?
J’aime Bukowski pour des tas de raisons. Je suis très attiré
par ceux qui sont des hypersensibles et malheureusement j’en rencontre
très peu dans ma "vraie" vie…
Je pense que Bukowski était quelqu’un de très sensible dans
un environnement qui ne l’était pas du tout. Je suis intéressé
et touché par la voie qu’il a choisi et le travail en résultant.
J’ai aussi de la sympathie pour cette incompréhension autour de
lui… Il en est de même pour Hunter S Thompson… Il y a le sentiment
que ces gars ne faisaient rien d’autre que boire et tempêter…
dans ce cas d’où provient leur œuvre ?
J’approfondis cette dualité…
Et puis j’aime beaucoup le style de Bukowski, les rythmes etc…
Pourquoi le suicide est un thème récurrent dans vos chansons
?
Le suicide est une fantaisie basée sur le fait d’êre
quelque chose d’inaccessible… dans ce cas. Comme je ne crois pas
à la mort comme je le disais, L’idée d’être
capable de pouvoir recommencer encore quand on veut est vraiment attirante bien
que impossible.
Ëtre saoul est une bonne façon de se suicider. Le matin suivant
vous vous réveillez et recommence tout frais…
Mais un mec saoul ne doit jamais s’excuser. Pourquoi ? Parce que si tu
as honte d’avoir été saoul, alors ne bois pas.
Soyez un homme de classe…
Vous avez une grande admiration pour Scott Walker. Pouvez vous nous en
dire plus ?
Le Scott Walker dont je suis tombé amoureux quand j’étais
enfant est mort en 1975. Les gens ont droit à beaucoup de vies différentes
dans une vie. J’admire toujours sa ténacité, J’aime
"Tilt" mais … ce n’est pas le Scott que j’adrmirais.
Sa musique me rappellera pour toujours une partie de mon enfance.
Je n’ai jamais travaillé avec Scott. J’ai compris que ce
serait une mauvaise idée après avoir fait "How to make love".
Ce n'est pas une bonne chose pour moi de travailler avec quelqu’un juste
parce que je voudrais le fréquenter.
J’ai eu une petite chance de le rencontrer, vers 1995 mais je me suis
dégonflé et en un sens j’en suis heureux. Mieux vaut ne
pas rencontrer ses héros quand on viellit
Lors de la réalisation de « How to make love » avec
Momus, vous parliez d’une trilogie. Où en est ce projet aujourd’hui
?
Je voulais trouver des étoiles dans la sciure des boucheries
et m’en frotter les yeux…Je portais des vêtements brillants
comme des armures. Chaque pas m’éloignait de la maison.
Vous aimez John Fante et vous avez travaillé avec son fils Dan Fante.
Est-ce une coïncidence ?
Bien sûr que non.
Votre contrat avec le label Acuarela est le signe d’un nouveau départ?
La fin d’un vieux départ.
Est-il exact que Acuarela vous a donné les fonds necéssaires
pour construire un studio ce qu’avait refusé le label Too Pure
? Et pour quelle raison Too pure a renoncé à le faire?
Les disques du crépuscule nous ont donné, à Matthew
et moi, l’argent correspondant à l’enregistrement d’un
album et permis de le dépenser comme nous le voulions. Et nous avons
construit un studio ‘The Bunker’, un endroit moche dans les faubourgs
nord de Londres.
C’était supposé être notre base d’action et
le point d’ancrage de nos futurs projets et de nos vies. Mais Matthew
a tout fait foiré.
Cet échec m’a redonné ma liberté et m’a permis
de quitter Londres.
Quant à la frilosité de Too pure sur ce projet…je ne sais
pas. Une des raisons était qu’ils ne pouvaient plus aller plus
loin avec nous…une bonne excuse ?
Quel était votre intérêt pour avoir votre propre studio?
J’ai mon propre studio ici, à la ferme, bien qu’il
soit assez rudimentaire et sommaire.
Pourquoi?
Je pense que l'idée d'un groupe est quelque chose auquel j'ai beaucoup
réfléchi. Et appartenir à un groupe vous conduit à
travailler dans un vrai gros studio, même si cela est moins vrai aujourd’hui
que par le passé....
J’en suis arrivé à un stade où j’ai connu tant
de mensonges et de chausse trappes tendus même par des gens de confiance
que tout ce qui peut m’aider devient nécéssaire.
Le label Acuarela est-il meilleur que le label Setanta?
Ou aussi mauvais ?
Chaque chose est identique, dans un certain sens
Pourquoi les deux derniers disques de Jacques ne comprennent-ils que 5
morceaux?
Parce que j’avais trop de morceaux pour des singles et pas assez
pour un album. Question d’argent aussi.
Aussi une idée un peu perverse, me semble-t-il
Y a-t-il des relations entre “Romantic” et “Roses for
ashes”?
La plupart des morceaux des deux albums datent de la même époque,
enregistrés sagement. Ils relèvent du même état d’esprit.
C’est tout moi.
Ils datent d’un moment privilégié où je disposais
de tout ce qu’il me fallait pour vraiment me consacrer à ce travail.
Les dernières années relèvent plus de la survie. Et ces
EP’s ressemblent à des flèches lancées vers la lune.
Il n’en sera pas ainsi de mon prochain album.
Aujourd’hui, que pensez-vous de votre carrière? Etes-vous
heureux ? Souhaitez-vous plus de succès ?
Non. Je ne pense pas que mon travail a encore trouvé sa réelle
audience ou même qu’il s’en approche.
Je ne serai jamais heureux. Je n’en ai jamais espéré autant
mais c’est fatigant…la conscience permanente de ce que mon travail
existe dans le vide…
Je peux juste croire que la vie sait que tout est parfait à un moment
donné, même si je lutte pour intégrer cette idée.
Difficile de croire en la tragédie quand vous ne croyez pas en la mort.
Mon quotidien est merveilleux. Je n’ai pas à travailler, je vis
avec ceux que je chéris dans une belle maison isolée.
Mais ce n’est jamais suffisant…et je suis incapable de renoncer.
De quoi se compose l’avenir pour Jack et Jacques?
Et pour l’auteur Anthony Reynolds ?
Il n’y a pas d’avenir pour eux. Peut être des compilations.
Pour Anthony Reynolds, tout et n’importe quoi est
possible et permis.
Si vous ne disposiez que de trois mots pour caractériser votre
musique, quel serait votre choix?
I would not.
Quelques mots? Quelques souhaits?
Ce genre de question sonne comme une réclamation ou un appel,
n’est-ce pas?
Bon. Voilà : Si vous continuez à manger du poisson ou de la viande,
assumez!. Tuez les vous-même ou arrêtez d’en manger !
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