Jour froid. On longe à petits pas le canal Saint-Martin jusqu’au 116 du quai de Jemmapes. À l’occasion de la venue de Charlotte Etc. dans les lieux, Frédéric Nevchehirlian assure la première partie presque chaque soir… Interprétant à chaque concert des morceaux différents…
Noir. La salle est encore un peu froide du dehors. Un gars à l’allure sympathique rentre en scène l’air de rien. Il attrape sa guitare et annonce au micro qu’il ne jouera pas seul ce soir.
Son acolyte, sylphide et blonde, entre en scène. Puis c’est au tour du troisième, avec violoncelle.
Le concert commence pudiquement, le chanteur présentant tous les stigmates de la timidité. Mais avec grâce aussi, par petites impressions, et très vite les sons nous touchent, évanescents, ne ressemblant à rien de ce que l’on connaît. On perçoit la plume affûtée d’une belle écriture pour les paroles. Mi-chantés, mi-slamés, par un chanteur qui n’a décidément pas l’allure d’un slameur, les morceaux ont une belle griffe créative…
Venant faire pendant à la pudeur du chanteur, la blonde sylphide se déhanche, plus extravertie, plus délurée, mais tout en grâce elle aussi.
Le tout donne une impression éclectique et très surprenante.
Et les voix se mélangent, le gars continuant sa diatribe engagée, et la fille à côté faisant émaner d’elle des notes claires et célestes.
Musicalement c’est un assemblage de cordes et d’électrique avec en prime les jeux vocaux de la voix féminine : chuchotements et râles rythmés.
Une belle découverte. Un groupe très prometteur.
Entracte. La salle se remplit. Le froid est sorti. C’est au tour de Charlotte Etc, qui, pour cette nouvelle cession de concerts, a choisi de présenter des morceaux plus épurés. Sur scène, ils ne sont plus que deux : elle et à ses côtés, Yan Ferry
Ambiance sombre et énigmatique. La guitare joue "seule en scène", âpre et gracile. Puis entre Charlotte. Elle parait d’emblée plus affirmée que jamais. Et d’un souffle au micro, elle se lance… La surprise est pour nous totale.
Alliant à la musique électrique, une voix lyrique, presque orientale, elle embrase la salle. Est-ce un chant ancestral ? Une rage amoureuse ? Une cantate mélodieuse ? Le don de soi est entier et la prestation sans filet…
Détermination : Charlotte a jeté les voiles sur ses anciennes amours musicales, et opté pour un style radicalement plus personnel ! C’est une véritable métamorphose !
Plus qu’un concert, la création constitue un spectacle musical à part entière. Mis en scène par Yan Allegret, Yan Fery et Charlotte enchaînent sans relâche les morceaux, nous faisant voguer au sein d’un univers très théâtral… Jeux de mots, jeux de voix, faux-semblants, petites mises situations incongrues, tout est savoureux, coloré, pimenté !
Et lorsque Charlotte aborde une interprétation en anglais, c’est avec une surprenante fougue "Broadway" qu’elle envahit la scène et la salle !
"Wake-up !" semble-t-elle nous intimer dans le noir. Debout. Réveillez-vous. Éveillez-vous. Ouvrez-vous. Et surtout : faites-moi une place parmi vous… Car si elle est femme volontaire et de poigne, la belle est aussi tout en fragilité.
Blessure : "Hypersensible, je suis née comme ça !... c’est fatigant, croyez-moi !" Et l’amour, tant espéré, pas toujours au rendez-vous… Regardez-moi. Aimez-moi…. Parce qu’elle a toujours su se laisser guider par son instant et ses propres envies, Charlotte est devenue une très grande artiste.
A ne rater sous aucun prétexte. |