On a souffert du règne des chanteuses (et de quelques chanteurs) québécoises dites à voix (à croire que les autres n’en ont pas…). On a suivi avec intérêt l’émergence d'artistes canadiens "anglophones" tels les magnifiques Arcade Fire ou Feist. Après le succès des Cowboys Fringants, une autre révélation francophone arrive du Canada : un dénommé Pierre Lapointe, qui, clarifions de suite les choses, n’a aucun lien de parenté avec le feu Bobby.
J’étais passé complètement à côté du premier album (intitulé tout simplement Pierre Lapointe) et c’est donc par La forêt des mal-aimés que je découvre cet artiste atypique. Depuis quelques mois, la presse française est quelque peu dithyrambique pour la nouvelle galette de ce jeune artiste. Alors, qu’en est-il vraiment ?
Il m’a fallu un peu de temps pour rentrer pleinement dans l’univers musical et littéraire du bonhomme. Passées les premières écoutes (où je l’avoue il a fallu s’accrocher un peu), je l'ai complètement adopté.
La voix de Pierre Lapointe agace ou séduit. Pour ma part, cette voix non formatée me plaît et m'emporte. La musique n’est pas en reste avec des orchestrations très années 70 à la fois pop et classieuses. Avant d’être un auteur, Pierre Lapointe est avant tout un compositeur et un mélodiste hors norme qui accorde également beaucoup d'importance aux ambiances sonores. Ainsi, retrouve-t-on les craquements d'une platine vinyle sur "Le lion imberbe", des bruits de forêt pour "Dans la forêt des mal-aimés"...
Appréhendant chaque disque comme un compte-rendu de ses prestations scéniques, le Canadien nous offre 16 titres (dont un bonus) d'une très grande qualité. On retiendra notamment les deux instrumentaux de piano au nom énigmatique, "25-1-14-14" et "25-1-14-14-16". "Deux par deux rassemblés" avec ses cordes et sa ligne de basse efficace est certainement un des meilleurs morceaux de l'album bien qu'un grand nombre de titres ne reste pas en rade : "Dans la forêt des mal-aimés", "Qu'en est-il de la chance" et autre "Tous les visages" sont tout aussi bons...
Auteur au verbe poétique, compositeur aux mélodies accrocheuses et interprète à "la mélancolie joyeuse", Pierre Lapointe nous gratifie avec La forêt des mal-aimés d'un disque ambitieux et accompli. Une autre façon d'appréhender la chanson, un retour aux mélodies et à l'orchestration.
Qu'on se le dise, au grand ouest, il y a du nouveau... |