Dans le monde insipide des sorties promos éthérées, l’entrée fracassante de Kling Klang est une bouffée salvatrice.
Le disque qu’on attendait plus, le prince charmant qui avait raté son train, qu’on croyait parti avec une autre.
A la différence près qu’ici le prince charmant connaît son Krautrock sur le bout des ongles limés, ne dis pas bonjour, ne rends pas la monnaie et bouscule sur son passage. Tout. Sorte de Katerina sonore servi par quatre claviers et une batterie, le long de mélopées instrumentales strictement gratuites.
The estetik of destruction condense donc 7 ans de musiques pratiquées au cutter comme jadis Can avec ses bandes. Sept ans à explorer l’expérimental qui ont permis d’asseoir la notoriété du quintette de Liverpool sur la niche qu’est aujourd’hui devenu le Krautrock.
Qu’est que ce la Krautrock, au bout du compte, si ce n’est une irrépressible envie de démonter le moteur pour en extirper les pièces, hurler le cri primaire avec un beat synthétique et palpable, jouer l’instrumental type Neu ! d’un poing rageur et fermé, unis autour d’un but ultime ; dépasser la notion de musique pour proposer une atmosphère, un état d’esprit, sorte de fusion homme-machine. Duel improbable de deux entités fait pour s’entendre. S’écouter du moins.
Faisant fî des idoles passées, Kling Klang reste un groupe d’esthètes ayant bien révisé ses leçons et révisé ses classiques, de Kraftwerk à Can, de Guru Guru à Cluster, Eno peut-être pour les ambiances idéales. Kling Klang semble être un groupe de galeries obscures, prêt à défendre son art et ses méandres, comme le sublime "Vander", mélange de Ladytron et de Air pour ses claviers sur lesquels Sofia Coppola n’aurait sans doute pas moufté.
Mélange de chaud et de froid, la musique de Kling Klang, en dépit de sa brutalité qui rappellera l’expérience I love UFO, est humaine, chaude et bouillante. Caractérisée par l’art des ruptures internes à chaque morceau, conçue comme des ballets en mouvement, dans la plus grande tradition Allemande. Du travail de pro.
The estetik of destruction ressemble à s’y méprendre à une bande-son de John Carpenter, période "Ghosts of Mars" ou "Le village des Damnés". Violence gratuite des synthés qui hurlent, à la recherche de leurs proies dans l’ombre, acuité des guitares hurlantes sur "Scanner", puis l’accalmie très Autobahn de Apex qui vient calmer la transe. Kling Klang est donc unique, et ces Anglais semblent oublier leurs racines de lads (Liverpool) pour s’expatrier outre-Rhin. La batterie fulmine sur "Tesla’s future war", musique du futur où l’on en oublierait presque l’absence de chant, tant les notes crient leur désir d’exister, avant le final explosif. Clic du zippo qui claque pour apprécier l’instant.
L’excellente surprise de cette fin d’année donc, en bal morbide digne de Tim Burton, lorgnant également du coté de Justice côté musique. A califourchon sur le rock et l’électro, subtil mariage pour une musique d’enterrement. Kling Klang fait clic clic, l’auditeur fait clac clac. |