Elise Caron, artiste polymorphe, sort un album, Eurydice Bis, tiré d’un spectacle qu’elle rode en France depuis plusieurs années. La clé pour pénétrer l’un des plus beaux univers musico-poétique du moment, et des autres moments.
Il n’y aurait pas assez d’une page pour résumer Elise Caron, à l’univers si multiple, si riche… Ovni de la scène française : actrice, on a pu la voir dans les films de Dyane Kuris notamment, et c’est avant tout le cinéma qui fut son premier métier.
Danseuse, on l’a vu sur plusieurs spectacles contemporains de renom. Chanteuse, elle a plusieurs cordes à son arc, dans un livret classique en tant que mezzo-soprano, mais aussi auteur d’un disque pour enfant avec une voix plus douce ou de disque de jazz avec une technicité vocale hors-pair. Elise n’a pas traîné avec des savants fous de la musique comme Albert Marcoeur pour rien, elle n’est jamais là où on l’attends et toujours à propos, elle fouine, elle farfouine, elle invente…
Mais toujours pour être brillante, solaire et magnétique. Il suffit d’avoir vu une fois Elise Caron sur scène pour s’en souvenir toujours. Ca tombe bien, car elle enchaîne en ce moment plusieurs spectacles pour le bonheur de tous.
Effectivement, l’année 2006, fut l’année Elise Caron, et celle-ci se termine en beauté, par ce projet personnel dont on désespérait de le voir un jour finir sur un CD. Une année 2006 qui l’a vue à la fois travailler avec le tromboniste Yves Robert pour une création musicale épatante sur le thème de l’argent, mais aussi dans une adaptation très contemporaine des poèmes de Cesare Pavese avec le guitariste David Chevalier ou dans une revisite des textes de Sade à travers la formation Archimusic.
Tout ce ceci semble très sophistiqué et très "hype"… Si ce n’était pas fait sans prétention, pour le seul plaisir des sons, des mots et des atmosphères. On attendait une galette d’Elise qui lui soit personnel ; on aimait fort sans pour autant s’en contenter Chanson pour les petites oreilles le disque de chanson pour enfant qu’elle avait produit il y a quelques années, s’appuyant sur une écriture claire sans être simplifiée, des allitérations pointues et des rimes riches et rythmiques. Eurydice Bis est là.
Accompagnée du fidèle Denis Chouillet, arrangeur et pianiste, au jeu très fluide, de Sylvain Daniel à la basse et - surtout - de Bruno Sansalone aux clarinettes qui font un fabuleux contrepoint au propos, parfois nostalgique, parfois cynique, Elise Caron livre des textes sous forme de prose, sans obligation de rime mais juste de rythmique et de propos doux, amers, sucrés d’une grande justesse et d’une vraie richesse, qui emprunte tant à Brecht qu’à Apollinaire pour créer une atmosphère propre.
On cherche des parentés dans la chanson française. Barbara ? Pas loin, mais ce serait faux…Elise Caron est une musicienne qui a choisi la chanson comme surface sensible de ses émotions, propre, définitives. Elise Caron ne peut donc être qu’elle-même, ou cette Eurydice (Bis) douce, éthérée et sans artifice, comme sa musique : "Laisse moi te dire et te contredire, l’expire ne suit il pas l’inspire ? Laisse moi venir de ta nuit vers mon jour, et fait pas comme Orphée, qui se retourne avant. Si tu viens me chercher, méfie toi, méfie toi, le gardien de l’enfer garde aussi les amours".
Elise Caron interprète ses chansons en comédienne, elle est ce qu’elle chante, ce qui donne un vrai relief à son propos d’autant que la musique est là aussi tout à fait pertinente. Découvrir un monde aussi riche est toujours un plaisir entier. |