Nouvelle de Franz Kafka, traduction d'Alexandre Vialatte, adaptation d'Yves Kerboul, mise en scène de Laurent Caruana avec André Salzet.
L’œuvre de Kafka est une méditation sur la perte, l’oubli ou l’obsolescence de la Loi avec une majuscule. La nouvelle "Dans la colonie pénitentiaire", récit à la fois fantastique et absurde est exemplaire sur ce point.
Kafka raconte une histoire, dépourvue de repères spatio-temporels, mettant en scène des archétypes totalement anonymes au point de n’avoir pas de nom et de n’être désigné que par leur rôle dans cette parabole : le visiteur, l’officier, le condamné…
Dans une colonie pénitentiaire, microcosme de l'univers d'inévitable culpabilité où tout homme vit en instance de sommation pour transgression d'une loi, un visiteur étranger est invité à assister à une exécution capitale. La mort est donnée par une machine extraordinaire et sophistiquée, symbole de la justice et de la vérité, qui écrit la loi enfreinte dans la chair même du condamné avec toute la lenteur nécessaire pour constituer une torture initiatique à rebours devant conduire le supplicié à l’extase devant la loi retrouvée.
Mais la machine mal entretenue va se détraquer. Que se passe-t-il a lors quand tout repère normatif s'effondre ? Quelle sera la réaction du visiteur, la notre face à ces rouages délirants ? Un questionnement récurrent et personnel chez Kafka à la résonance universelle notamment à l'époque de la publication du texte et aujourd'hui encore jamais épuisé.
Laurent Caruana a opté pour une mise en scène de récit qui se trouve à mi chemin entre la lecture et la représentation théâtrale ce qui rend le texte extrêmement vivant sans occulter sa dimension littéraire.
André Salzet, comédien merveilleux, habité, ayant parfaitement le texte "en bouche", incarne tous les intervenants et donne corps au récit avec le verbe à la fois simple et halluciné de Kafka marqué par la philosophie de l'absurde et du désespoir. Du grand art. |