Autant le dire tout de suite, le lecteur n’appendra dans cet article rien de plus que dans la presse généraliste sur Damon Albarn et sa troupe de mercenaire, ici réunis comme Le bon, la brute et le truand pour un one-shot aux allures de dream-team mélodique.
Damon Albarn au chant (Ex Blur ?!), Paul Simonon à la basse (Ex Clash), Simon Tong (ex The verve) et le majestueux Tony Allen aux futs.
The Good, the Bad & the Queen (libre à l’auditeur de coller les adjectifs sur le musicien de son choix). Une bande d’ex sexys qui explosent le genre exquis des formations exotiques. Quatre gueules de malfrats réunis comme un heureux accident autour d’un projet musical excitant sur le papier, conçu comme un storytelling du Londres urbain et quotidien.
Tout comme REM, Blur semble avoir été traumatisé par les ruptures en interne. Et si la bande à Michael Stipe a vu le départ de son batteur Bill Berry courant 1996, le gang d’Albarn a quant à lui souffert du départ de Graham Coxon peu avant Think thank (De loin le plus expérimental et altermondialiste des albums de Blur).
De quoi donner des ailes à Damon, et des idées de régénérescences musicales, mises en forme via ses projets solo, son aventure virtuelle réussie (Gorillaz), et aujourd’hui ce quatuor mystique. Car insaisissable.
Si l’écoute voila quelques semaines du single Herculean laissait présager d’excellentes pépites mi-world mi-pop, dans la lignée de Think Thank, il va sans dire que le reste de l’album se trouve bien moins atmosphérique et spatial. Voix filtrée, arpège minimaliste, piano flottant, Herculean semblait marcher sur les terres d’Air en combinant bidouille moderne et instrumentation léchée. Une sorte de Blur qui aurait vu à travers la vitrine le son du 21ième siècle.
Las. L’album, à première écoute, s’avère bien plus sombre, rugueux, collant au palais comme un porridge londonien. Le tout avec cette incertitude. Le plat est-il bon, est-il servi dans les bonnes assiettes ? Plus proche du trip-hop de Massive Attack, "History song" fait la place belle aux lignes de basse lourdes et pesantes, renforcés par les chœurs d’un Damon Albarn qui semble s’effacer au profit de l’équipe prestigieuse. Puis c’est une cover postiche à peine cachée du "Stand by me" de Ben E King qui s’amorce sur "80’s life".
L’auditeur, au bout du deuxième titre, est déjà décontenancé. C’est le fog anglais dans toute sa splendeur, brumeux, les orgues ragga côtoient les chœurs de Brian Wilson sur fond de guitares 80’ new wave. Le pari est audacieux, le résultant troublant.
Il y a du superficiel et du dispensable sur The good, the bad & the queen. Car Damon, en chantant en retrait, casse toute la dynamique de compositions solidement ancrées dans l’univers de Blur, quoi qu’on en dise. Les embardées de Simon Tong, cruciales à l’époque de The Verve, semblent inexistantes, et le jeu de batterie de Tony Allen, décomposé en piste protools. C’est un peu mou du genou pour un groupe dont on aurait attendu l’impensable : Réinventer son futur après les gloires passées. On aurait voulu une création, Albarn sonne la récréation.
Fort de ses expériences africaines et maliennes, Damon Albarn imprègne l’album de nuances expérimentales, afro-beat jusque dans son chant. Mais l’émotion semble absente. Et attendre onze chansons pour enfin sentir sur la dernière ("The good, the bad & the queen", chanson eponyme) de bonnes vibrations, c’est comment dire, un peu long.
Un dernier titre pour enfin comprendre que Damon Albarn pourrait être le Lennon des années 2000, soutenu par un groupe qui ouvre enfin les vannes pour une lente dérive de sept minutes vers le prog-jazz-rock style Roxy Music. Du larsen, des beats cinglants, une basse inébranlable. Sur ce dernier titre, toute la folie musicale semble prendre enfin corps, orientée vers l’instrumentale pulsionnelle.
Manque d’envie, ou déjà trop vieux et usé, le groupe laisse l’auditeur sur une note extrêmement positive, mais qui sonne le glas d’un album inégal et trop lisse. A quand un bon Blur avec Paul Simonon et Tony Allen en sparring-partner ?! |