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Interview  (Ivry)  10 mars 2007

Adel Hakim, auteur, comédien, metteur en scène et co-directeur du Théâtre des Quartiers d'Ivry propose avec "Après Pasolini : politique-visions" un spectacle singulier, original et intelligent qui ne laisse pas indifférent. Et c'est tant mieux puisque c'est sa finalité.

Entretien avec un militant du théâtre et un auteur engagé pour qui le théâtre et l'artiste ne peuvent rester en dehors du questionnement, notamment politique.

Votre actualité c'est le spectacle "Après Pasolini : politique-visions" à l'affiche du Théâtre des Quartiers d'Ivry dont vous êtes l'auteur et le metteur en scène pour lequel vous avez rencontré quelques difficultés pour utiliser l'œuvre de Pasolini. Quelle en est la genèse ?

Adel Hakim : J'avais écrit la pièce, dont la structure est restée identique, dont tout ce que disait le personnage principal, qui maintenant s'appelle Socratès et qui était Pasolini au départ, était constitué par des extraits d'écrits de Pasolini dans "Contre la télévision", les "Lettres luthériennes" et des entretiens qu'il avait pu avoir. J'ai demandé à la société des auteurs d'utiliser ces extraits ce qui m'a été refusé par l'ayant droit de Pasolini. C'était embêtant mais pas plus grave que cela.

Cette interdiction m'a amené à tout réécrire en prenant bien évidemment beaucoup plus de libertés. Cela devenait le regard d'un poète maudit qui aurait vécu dans les années 60-70, qui aurait été assassiné dans les années 70 et qui porte un regard sur le monde d'aujourd'hui avec ce que pouvait être celui d'un poète de cette époque mais aussi un poète du 20ème siècle.

Car j'ai également pensé à Jean Genet, Federico Garcia Lorca, Mahmoud Darwich, ce dernier étant d'ailleurs toujours vivant. Donc des poètes très impliqués dans leur époque et même un cinéaste comme Peter Watkins qui a porté un regard très lucide et très contestataire sur son époque.

La pièce aborde de nombreux thèmes. Quelle en est la ligne directrice ?

Adel Hakim : Au théâtre, on utilise toujours la métaphore et un des rares exemples du théâtre direct est "Grand-peur et misère du IIIe reich" de Brecht. En général, la critique du pouvoir et des comportements sociaux intervient par l'intermédiaire d'histoires qui sont racontées au public. "Après Pasolini" est une expérience presque de laboratoire pour tenter de dire les choses de manière beaucoup plus frontale en tenant un discours politique pour apprécier sa possibilité d'expression au théâtre.

Bien sûr, cela intervient néanmoins dans le cadre d'une métaphore puisqu'il s'agit de l'initiation d'un jeune cinéaste qui est conduite par le fantôme d'un poète des années 70 dans un parcours initiatique qui amène à tuer le père car s'il faut des maîtres à penser, il faut, à un moment donné, s'en départir en les tuant pour acquérir sa propre autonomie.

Y a-t-il aussi une réflexion sur ce que doit être le rôle de l'artiste dans l'engagement politique et notamment dans un engagement par l'action ?

Adel Hakim : Oui mais tout dépend des itinéraires personnels. Pour ma part, je travaille depuis de nombreuses années à Ivry où je suis en contact avec la population dont une grande partie est une population défavorisée. Et on peut constater, à cette très petite échelle, qu'il y a un rapport entre la culture et ce qui se passe dans la cité, si on peut utiliser ce raccourci. Les habitants d'Ivry ne sont pas indifférents au fait qu'il y ait de la culture dans leur ville.

Il faut toujours se poser la question de savoir si cette interaction est toujours possible et la question de son sens, de sa finalité. Notamment si elle peut mener quelque part et, sinon améliorer les choses, du moins amener chacun à réfléchir. Aussi bien ceux qui sont du bon côté de la culture, et qui la produisent, que ceux qui sont appelés à être les témoins, les interlocuteurs et les destinataires de la culture.

Evidemment, l'oeuvre artistique ne remplace jamais l'action politique. Ce sont deux choses absolument complémentaires. Nous sommes des citoyens dont certains mènent un travail artistique qu'il soit théâtral, littéraire, ou autre. Mais je pense que l'art doit parfois prendre position et ce n'est pas toujours le cas.

Les artistes peuvent aussi avoir envie de se référer à de grands auteurs, ce que l'on fait souvent au théâtre puisqu'on monte beaucoup de classiques, qui nous nourrissent et ont une fonction pédagogique en nous apprenant ce qu'est le théâtre, la façon de parler de la société et le comportement humain et ce sont des oeuvres universelles. Mais en parallèle il y a des prises de position qui doivent être claires et il relève de la fonction de l'artiste d'être radical parce que cela amène le public à réagir.

"Après Pasolini" se joue au Studio Danielle Casanova que vous avez investit récemment.

Adel Hakim : Il s'agit d'une salle que la ville d'Ivry met à notre disposition pour mener précisément cette recherche que j'évoquais et qui est un lieu de vie. L'année dernière nous y avons présenté le Festival Que tal, un festival autour des écritures latino-américaines. Cette année, le programme est axé sur Pasolini. Il s'agit d'un lieu de répétition, de recherche de laboratoire et nous avons envie qu'il le reste. En parallèle, il y a le théâtre Antoine Vitez, que le Théâtre des Quartiers d'Ivry occupe à raison de 3 créneaux par an, qui propose un théâtre plus populaire destiné à fédérer le plus grand nombre de spectateurs.

Même s'il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions, quels retours avez-vous sur "Après Pasolini" de la presse et surtout du public ?

Adel Hakim : Pour la presse il est encore un peu tôt pour avoir des retours mais les articles publiés sont tous positifs. Ce spectacle produit ce qu'il est censé produire car il divise les spectateurs. Il y a ceux qui adhèrent complètement à cette proposition très politique et très engagée et d'autres qui pensent qu'il n'appartient pas au théâtre de s'engager dans cette voie. Cela ne s'exprime pas de la manière aussi directe que je viens de le faire car les critiques interviennent plutôt sur la forme et rarement sur le fond justement par cette volonté de ne pas aborder le fond.

Très souvent, après la représentation s'instaurent au bar des débats très spontanés avec des gens qui ont envie de s'exprimer face à cette proposition et là, en revanche, les discussions, au demeurant souvent passionnantes, portent sur le fond. Ainsi le passage sur le marxisme est souvent évoqué car il est vrai que le marxisme est souvent abordé de manière manichéiste. Mais c'était ma volonté et celle des acteurs d'affirmer cette position pour provoquer les réactions.

La lutte des classes, même si ce n'est pas la lutte des classes au sens de Marx, existe-t-elle encore et a-t-elle encore un sens aujourd'hui ? Les choses ne sont elles pas déplacées ? L'idéologie dominante n'a-t-elle pas imposée sa vision du monde à tel point qu'on a dit que c'était la fin de l'histoire ? Avec la victoire totale du capitalisme l'histoire est terminée puisqu'il n'y a pas d'autre issue possible que cette domination. Nous ne sommes pas à une période où il n'y a pas d'idéologies mais à une période au contraire où il y a une idéologie dominante qui est omniprésente et qui en devient totalitaire à force d'être unique.

Vous venez d'évoquer les réactions que suscite votre spectacle en la forme. Dans "Après Pasolini" vous utilisez par exemple l'image autant pour la représentation dramatique que la pensée des personnages. Ce mélange de disciplines vous intéresse ?

Adel Hakim : Oui bien sûr. Cela m'intéressait pour ce spectacle et correspondait aussi au fait que le personnage de Socratès est cinéaste et qu'il me paraissait intéressant de relater la vie de ce personnage sous différents plan, même s'il est fictif, qu'il soit cerné sous différents angles dont l'un est la vidéo. Mais il ne s'agit pas d'un systématisme.

Par exemple je vais commencer les répétitions de "Mesure pour mesure" de Shakespeare qui sera présenter la saison prochaine pour laquelle les projections vidéo ne présentent aucun intérêt car la langue de Shakespeare est tellement riche qu'elle se suffit.

Un mot peut être sur les comédiens qui vous accompagnent dans cette aventure et cette exploration.

Adel Hakim : Malik Faraoun qui joue le personnage de Socratès est un peu à l'origine de ce projet puisque nous avions beaucoup parlé l'ensemble des textes et des essais théoriques de Pasolini il y a déjà 3-4 ans. Cela nous tenait à cœur de mener à bien ce projet. Chad Chenouga, qui joue le personnage de jeune cinéaste, est un acteur que je connais depuis très longtemps et avec qui j'avais déjà travaillé.

Et comme il est cinéaste lui-même le questionnement du personnage est aussi le sien à titre personnel

Cela me semblait donc un élément important du spectacle qu'il soit là en tant que cinéaste et qu'il s'interroge avec nous sur ce que pourrait être le film engagé que nous pourrions faire aujourd'hui. Et j'avais déjà également travaillé avec Louise Lemoine-Torrès qui a des engagements politiques.

Ce qui fait que nous avons eu de nombreuses discussions sur la forme à donner à ce spectacle, discussions qui m'ont amené à réécrire le texte à plusieurs reprises car c'est un travail collectif de réflexion sur ce type de spectacle qui reste un spectacle très particulier.

Comme vous avez évoqué les répétitions d'un prochain spectacle quels sont vos projets à venir ?

Adel Hakim : Pour le moment mon actualité est constituée par la tournée jusqu'à fin de "La fausse suivante" de Marivaux dans lequel je joue. Ensuite je commence les répétitions de "Mesure pour mesure" qui est une pièce sur le pouvoir, sur ce qui se passe dans le palais et hors du palais C'est une pièce très intéressante en ce qu'elle aborde les conséquence sur le dehors des décisions prises dans le palais, ce qui est une formule très pasolinienne, Pasolini ayant écrit sur ce sujet : Pourquoi sommes-nous tant obnubilé par ce qui se passe dans le palais ? Parce que ce qui s'y passe est déterminant pour notre quotidien.

Cette pièce traite de l'arbitraire du pouvoir et de ses conséquences sur la vie des gens qui en est complètement déstabilisée. Le génie de Shakespeare tient à ce qu'il mêle la tragédie et la comédie et les clowns qui sont les victimes de ce processus puritain qui se met en place dans la cité de Vienne sont extrêmement drôles et réagissent de manière hilarante. Cette pièce sera créée au Festival Les Fêtes Nocturnes de Grignan dans le château de Madame de Sévigné et sera reprise en novembre à Ivry.

Cette pièce démontre la pérennité de certaines questions qui sont encore d'actualité.

Adel Hakim : Et on ne les résoudra jamais. C'est la vie de l'espèce humaine. Je pense qu'il y a des permanences dans les rapports sociaux qui ne sont pas près de changer. Nous nous battons constamment pour que ça change et pour survivre dans le monde.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique du spectacle "Après Pasolini :politique-visions"

Crédits photos : Laurent (Plus de photos sur Taste of Indie)


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