"Arcade Fire à l’Olympia - Deuxième soir". Genre : tragédie antique en trois actes.
Prologue
Des mois que l’on n’avait pas ressenti pareille excitation à l’approche d’un concert, digne des premiers émois musicaux adolescents. Disques en boucle depuis le matin, ce mardi 20 mars 2007 sera toute entier consacré à Arcade Fire.
La veille au Trianon, malgré l’excellence de la prestation de Will Oldham, impossible de ne pas se mordiller le bout des doigts de ne pas déjà être à l’Olympia. La vie est faite de choix. C’est donc tout frétillant à l’idée de revivre les instants magiques de la première tournée que l’on se dirige vers le boulevard des Capucines. Une atmosphère irréelle mêlant excitation et impatience règne dans les couloirs de l’Olympia.
Comble du bon goût, le choix des premières parties s’avère particulièrement soigné : Malajube (formation canadienne à rapprocher de Islands, sorte d’Animal Collective pop diluée) et Electrelane en bien meilleure forme qu’à l’habitude. Place maintenant à Arcade Fire.
Premier acte.
L’espace d’une petite demi-heure, six morceaux pour être exact, les montréalais vont terrasser l’Olympia. Comme on aurait dû s’y attendre, le groupe ne réédite pas son entrée fracassante en catimini dans la fosse. Charge à "Keep The Car Running" de lancer les débats. Le public semble encore incrédule. Oui, la fratrie canadienne est là, sous nos yeux écarquillés. Arrivent ensuite deux sommets de la tournée précédente, "No Cars Go" et "Haiti" précédant l’explosif "Black Mirror".
Retour ensuite sur Funeral avec l’époustouflant "Neighborhood" (Laika) . Telle une innocente écolière, Régine viendra ensuite introduire et reprendre "Poupée de Cire, Poupée de Son". Décidément, ces touches à tout de génie peuvent vraiment tout se permettre. Rien à rajouter, comme dans nos rêves les plus fous, Arcade Fire ne s’est pas flétri avec le temps. Seul bémol à ce niveau, la médiocrité de la balance, noyant les instruments dans une bouillie sonore et gommant nombre de subtilités.
Deuxième acte
L’espace d’une petite demi-heure, six morceaux pour être exact, les montréalais vont s’embourber. Il faut avouer qu’une partie du set faisant la part belle aux morceaux de Neon Bible n’arrange rien ce soir. Tout d’abord, le nouveau disque apparaît plus produit que composé, une bonne partie des titres tirant leur réussite de l’orchestration et des arrangements. A peu près impossible à reproduire avec une balance aussi minable et un orgue aussi impressionnant qu’un vulgaire clavier.
Ensuite, Win Butler paraît au bout du rouleau, physiquement épuisé : de noirs cernes s’écoulant de ses yeux jusqu’au milieu des joues. Le contraste s’avère saisissant sur "Black Cage/Bad Vibrations" entre une Régine virevoltante et un Win à la peine, esseulé au pied de son orgue. Comble de malchance, Win assure la majorité des parties vocales et Régine se retrouve reléguée derrière les fûts. La prestation ne décolle plus. Tristement, le public ne semble plus attendre que les morceaux de Funeral.
Pourtant, "Neighborhood" (Tunnels), balancé en plein milieu, peine à relever le niveau. Il convient également de mentionner qu’à ce stade, Jérémy, le batteur, a quitté la scène pour raisons médicales, ajoutant au malaise ambiant. En perte de confiance Arcade Fire clôt les débats sur une version acoustique et fadasse de "Wake Up". Probablement approprié la veille en ouverture au milieu de la fosse mais définitivement plombante ce soir.
Troisième acte
Espoir et déception. Tout reste encore possible au retour des québécois. Entame en berne sur la grandiose "Intervention" avant la remarquable "Windowsill". Contre toute attente, à la fin de celle-ci, Win Butler réduira en miette sa guitare sèche, laissant éclater un malaise, une frustration jusqu’ici sous jacents. A la rage du geste du chanteur, le public oppose un geste de recul, une incompréhension …
Fin du rappel sur "Rebellion" (Lies), qui verra Win se jeter dans la foule. Ultime tentative pour rallier à lui les spectateurs ou remerciement ciblé aux indéfectibles premières rangées de fans hardcore ? De retour sur scène, il lance une reprise a cappella des chœurs de "Rebellion" pour rapidement l’abandonner face à l’absence d’entrain général. Terminé. Pas de retour. Quelques sifflets assez honteux viendront même ponctuer la sortie des spectateurs.
Epilogue
Il serait facile à ce niveau de faire le procès de Arcade Fire et de leur imputer l’entière responsabilité de ce pseudo-ratage. En effet, il y a fort à parier que ceux, pour qui ce concert était le premier, ont dû adorer. Les grincheux et déçus sont plutôt à chercher du côté des fans les plus anciens. Car ceux-ci savaient (et avaient vu) qu’une prestation d’Arcade Fire dépasse largement le stade de simple concert.
Ceux-ci s’attendaient à vivre un moment exceptionnel, à se faire transporter. D’où cette impression de ratage en cas de concert juste très bon. Néanmoins, à bien réfléchir, la réussite des prestations d’Arcade Fire résulte d’une alchimie particulière, d’une communion entre le public et les musiciens.
Alors oui, évidemment on a connu Win Butler en meilleure forme ou vu le groupe sans batteur malade, mais le public n’a clairement pas joué son rôle, s’avérant incapable de soutenir ses favoris. A charge de revanche cet été. |