J’ai souhaité prendre mon temps pour cette chronique. Prendre le temps d‘écouter et le temps d’écrire était nécessaire tant cet album me semblait magique. Magique, le mot est lancé pour le cinquième disque éponyme de Keren Ann.
Premier album depuis Nolita sorti en 2004, l’artiste a, semble-t-il, mis à profit ces trois années et revient avec un album aérien et d’une incroyable beauté. A la différence de Benjamin Biolay, collaborateur de ses débuts, Keren Ann ne ronronne pas, au contraire elle ose s’aventurer vers de nouveaux horizons musicaux.
Elle nous offre avec cet album des chansons d’une grâce et d’une beauté uniques. On avait flairé le bijou avec "Lay Your Head Down", diffusé en guise d’amuse-bouche. Avec ce titre, la New-yorkaise d’adoption plaçait la barre très haut : intro à la Velvet Underground, cordes et chœurs à dresser les poils, voix impeccable.
Avec cette nouvelle galette, Keren Ann intègre aisément la division supérieure, celle de ses consoeurs américaines : Cat Power, Shannon Wright ou Nina Nastasia. Un succès outre-atlantique n’est pas à exclure, au contraire il semble indiscutable.
Ce nouvel album est extrêmement dense : 9 titre seulement mais près de 44 minutes d’écoute enchantée. Les titres échappent au format standard, le plus court affichant 3 min 54 tandis que le plus long frôle les 6 min. Keren Ann a su remarquablement jouer sur la durée, construire des chansons à étages multiples et aux arrangements remarquables.
Enregistré à la maison et chanté exclusivement en anglais, l’album est moins monocorde que ses grands frères. Les sonorités et la production furent une des préoccupations majeures. Keren Ann nous présente un nouveau visage musical avec des titres comme "It’s a lie" ouverture magistrale de l’album ou "It ain’t no crime" blues rock génial porté par des guitares crades et une batterie des plus percutantes.
Le majestueux "Liberty" au piano aérien et à la voix cristalline ainsi que le classieux "Where no endings end" sont sans nul doute les plus belles chansons de l’auteur. Expérimentant avec justesse ("Caspia" et ses boucles musicales), Keren Ann n’oublie cependant pas les sonorités de ses débuts ("In your back" ou "The harder ships of the world").
Avec ce véritable bijou musical, Keren Ann grave à jamais son empreinte sur la scène internationale. Certains regretteront l’absence du français, d’autres y verront au contraire un épanouissement complet, tant ces petites pièces musicales sont taillées pour les ambiances anglo-saxonnes.
Après trois années de pause, Keren Ann ne pouvait pas espérer un meilleur retour. A la fois simple et osé, intimiste et universel, mélancolique et classieux, cet album est une des plus belles réussites de ce printemps 2007.
Un coup de foudre pour un album et une artiste rares. |