Comédie dramatique de Laurent Contamin, mise en scène d'Urszula Mikos, avec John Kokou, Tomasz Kowalski, Perle Palombe, Marianne Pichon, Michel Quidu, Charles Rosillo et Olivier Werner.
"Hérodiade, hero died". Un titre énigmatique pour cette création d’Urszula Mikos qui se présente comme le troisième volet du triptyque commencé avec "Kordian" de Luliusz Slowacki et "Comédie Non Divine" de Zygmunt Krasinski. C’est le rapport de l’homme au monde qui est interrogé ici, son inscription physique dans une société consumériste où l’image impose sa dictature.
Des figures se mélangent, s’approchent, se parlent et, mine de rien, créent une histoire. Celle d’un trafic d’organes, dans une ville de Popolskie. Pour faire passer des glacières remplies d’yeux aux Etats-Unis, l’Eglise de Résistance du Seigneur de George Crawford, à l’origine de ce trafic, fait appel à Farelik (un policier véreux), et (par le biais de sa coach Ninon) à Gosia, qui vient de se voir refuser le projet d’un Dignity Park à Auschwitz.
Urszula Mikos nous dévoile encore ici son rapport et sa conception du comédien : son "acteur instrumental" évolue dans un univers régi par les lois de l’image. Le décor devient lieu d’expérimentation et l’homme, une marionnette inféodée à son langage dans un monde qui l’agrippe. Pour traduire ce lien et cette dissolution, la vidéo fait partie intégrante du spectacle et les voix se succèdent, se recouvrent parfois de manière vertigineuse et assourdissante.
Une perte de repères qui exacerbe notre appréhension visuelle et auditive et nous perd un peu parfois. Les quelques moments de poésie noyés par la rapidité ne parviennent pas à nous rassurer : le langage et les corps n’ont en eux-mêmes parfois plus beaucoup d’importance. Coach exilée, mère désaxée, flic perturbé : chaque personnage possède tout de même sa part d’humanité et se bat dans un hypothétique espoir.
En plus de l’intrusion de la caméra et de son caractère voyeuriste, perturbateur d’espace, c’est aussi notre regard qui est remis en question.
D’où cette impression incessante de naviguer en eaux troubles : entre confusion et poésie. Les personnages se battent : ils ont encore cette part de vérité mais c’est leur inscription physique dans l’espace qui les en détache petit à petit. Dans ce décor où l’homme est instrument pourtant, on peut rire : car l’humour effleure derrière le tragique dans l’écriture de Laurent Contamin.
Une expérience forte qui bouscule le rapport de l’homme à l’espace, du comédien au langage. |