Monologue écrit, mis en scène et interprété par Nikolaï Khalezin avec la participation de Natalia Koliada et une musique de Laur Berdjanine (DJ Laurel.
Le Théâtre-Studio d’Alfortville dirigé par Christian Benedetti accueille depuis le 15 mai et jusqu’au 2 juin le Théâtre Libre de Minsk. Cette rencontre se situe en outre dans le cadre du festival Belprojet qui cherche à sensibiliser le public français à la richesse culturelle biélorusse.
"Génération jean’s" fait partie des trois spectacles présentés dans le cadre de cet accueil. "Génération jean’s" car pour toute une génération, ce pantalon de toile bleue a été celui de la liberté. Et à l’heure où on considère encore la Biélorussie comme la dernière dictature d’Europe, parler de liberté n’est pas hors-sujet…
Depuis 2005, le Théâtre Libre de Minsk (dirigé par le couple Nikolaï Khalezin et Natalia Koliada), fer de lance de la scène indépendante biélorusse, joue clandestinement dans son pays. Interdit de plateau, de lieu de répétition, sous la pression permanente du gouvernement, il a su résister à la dictature en créant un système de représentation dissimulée.
Pour assister à ses spectacles, le public doit, après avoir été inscrit sur une liste, attendre qu’on le contacte et qu’on l’amène vers le lieu de représentation. Des endroits sont parfois loués sous différents prétextes (anniversaire, mariage…). Des spectacles gratuits qui ne bénéficient donc pas de publicité et qui, comme dans "Génération jean’s", crient leur soif de liberté. Cela peut nous paraître un peu naïf de déclamer, au cours du spectacle, un "Je suis libre" mais c’est finalement l’essence de l’oeuvre…
Au cours d’un one-man-show drôle et émouvant, Nikolaï Khalezin nous raconte son histoire. Il nous dit son amour des vinyles rock, les trocs, et surtout sa passion du jeans et le trafic auquel il se livrait pour s’en procurer. A l’époque du régime soviétique, un symbole de résistance et de lutte pour la liberté. Un article commun en Occident, mais suspect en Biélorussie, parce qu’à l’image des Etats-Unis et de sa société capitaliste…
Et pour le jeune Nikolaï, rêver de liberté à l’époque, se conjuguait bien plus avec une chanson des Rolling Stones qu’avec un discours du Parti Communiste. Un dégoûté de politique, qui entrera pourtant en dissidence avec le gouvernement…
Accompagné aux platines par DJ Laurel, Nikolaï Khalezin retrace avec humour et vivacité son histoire : du petit magouilleur au journaliste protestataire, lutteur inconditionnel de la liberté collective. Une lutte qui l’a aussi amené à fréquenter les prisons du régime et à y rencontrer d’autres intellectuels, nourris des mêmes convictions et de la même ardeur. Là, des liens se tissent, des manques voient le jour. Car Nikolaï aborde tous les côtés de l’existence dans sa pièce : amitié et amour se dévoilent au fil de ses pérégrinations.
Même surtitré, le monologue ne perd rien de son incroyable sincérité. Comme dans un film, la musique vient minutieusement accompagner le cheminement de ce porteur de jean’s : les années d’insouciances mâtinées de refrains rock, la lutte inconditionnelle, la peur.
On en ressort plein d’un tout difficile à analyser : à la fois touché par un indescriptible sensation de vérité et conscient de l’importance d’un système, des valeurs qu’il peut engendrer et de la nécessité de la lutte. |