Comédie dramatique écrite et mise en scène par Adélaïde Pralon avec Virginie Bihorel, Claire Le Goff, Marthe Lutz, Ronan Le Nalbaut et Dimitri Michelsen.
Dans un grand immeuble, des locataires seuls ou à deux se débattent avec ce que le vent, les voix et le béton leur renvoient de cassant et de froid.
Il y a d'abord Cassis (Marthe Lutz très expressive et montrant en peu d'actions la détresse de ce personnage lucide et désabusé) qui regarde le mur blanc et attend. Sa soeur, Cerise (Virginie Bihorel), qui n'arrête pas de parler comme pour masquer le silence qui la renvoi à son vide intérieur. A l'étage au dessus, Treffle (formidable Dimitri Michelsen) qui s'est donné un but dérisoire : battre le record du plus haut château de cartes, action qui le soustrait à la vie et qui censé le rendre zen le met à cran jusqu'à ce que le hasard s'en mêle...
Enfin, un couple au bord de l'explosion : Nuno (Ronan Le Nalbaut succulent dans une courte apparition) et Aïmal (Claire Le Goff excellente) équilibriste qui servira de détonateur à cette soirée.
Tous se cherchent sans vraiment s'écouter. Certains finissent par se trouver. Ou pas. Et la journée s'achève, immobile.
"Chacun chez soi" parle de la vie urbaine, de toutes ces solitudes qui coexistent sans pouvoir se rencontrer, des choses absentes pour pouvoir croire à l'avenir. Et de l'énergie vitale qui s'épuise pour réaliser ses rêves.
Le texte d'Adélaïde Pralon parle à chacun de nous parce qu'il décrit les maux du monde moderne, la violence et la tristesse des grands ensembles déshumanisés. Il révèle des personnages - oiseaux en cage aux ailes brisées - qui se heurtent contre les murs. Et ce mélange de renoncement et d'espoir en une vie meilleure nous touche infiniment...
L'important pour une mise en scène, c'est de savoir créer une ambiance. Adelaïde Pralon dont c'est la première pièce le fait fort bien et dessine des échantillons d'humains suspendus entre la terre et le ciel, entre légèreté et tragédie.
Par petites touches, fort bien soutenues par la musique de Stéphane Milochévitch et le jeu des comédiens, elle propose une oeuvre originale et riche. L'auteur surprend aussi par cette langue à la fois brute et poétique, drôle et profondément désespérée.
La compagnie Fort huit se distingue avec ce spectacle singulier et prometteur. Une comédie où l'on rit beaucoup mais où le rire n'est là que pour masquer le désarroi qui se dégage. Et dénoncer l'incommunicabilité grandissante. On leur souhaite bonne route et on attend avec une grande impatience le prochain... |