Une salle remplie déjà très tôt accueille en guise d'amuse bouche l'incontournable This is the kit. Kate, seule sur scène ce soir parce que Jesse a la grippe, saura comme à son habitude séduire le public et créer une ambiance intimiste avec sa seule guitare et son banjo distillant ses chansons mi folk us et mi pop anglaise avec plaisir et malice.
Le petit set de This is the kit sera le lien parfait avec la musique hybride des Moriarty.
Le décor est déjà planté, au sens propre comme au figuré, lorsque les Moriarty débarquent sur scène, en ordre dispersé, sous les applaudissements généreux d'un public visiblement connaisseur et acquis à la cause Moriarty.
Moriarty en concert, c'est aussi un décor et un souci du détail.
Un paravent trône sur scène (souvent croisé chez les Deschamps & Makeieiff, label du groupe et "conseillers artistiques") devant lequel un fauteuil rouge tient compagnie à un lampadaire très années 50.
Dans ce décor donc évolueront les 5 Moriarty et leur batteur semi permanent et prenant la place pour l'occasion d'une valise transformée en percussion (comme chez Zlot).
Eux aussi dans des tenues rappelant peu ou prou l'univers D&M (robe tendance far west kitch et chemises à carreaux, bottes cosaques et ceinture de charpentier en cuir en guise de rangement pour harmonicas).
De cette ambiance de vieille carte postale jaunie, renforcée par les lumières sobres et un peu théâtrales va jaillir une musique à l'image du visuel. Sobre et sombre, mélancolique et triste et pourtant jubilatoire.
Blues, country, folk, cabaret des années 30, new wave des années 80, c'est une vraie partie de jambes en l'air musicale chez Moriarty avec comme fil rouge un humour si possible noir et des petites histoires ... Toujours noires.
Noires mais en anglais, pas toujours simple à appréhender. Heureusement, Rosemary et ses compagnons prendront le temps de donner le thème des chansons. Même si l'ambiance musicale donne parfaitement le ton avec la contrebasse et l'harmonica et leurs drôles de sons donnent le ton à eux seuls.
Entre les titres, les Moriarty prennent leur temps, devisent entre eux ou avec le public, se vannent un peu, boivent dans de vieilles gourdes de métal ou dans un pot en fer duquel s'échappe une bien étrange fumée, se dissimulent derrière le paravent...
Contraste entre l'esprit bon enfant de ces intermèdes et la relative noirceur des morceaux mais mélange réussi tant l'univers développé par le groupe est communicatif. Ainsi, "Jimmy" ou "Cottonflower" sont repris en choeur par le public.
Entre cabaret jazz et blues habité qui n'a parfois rien à envier à celui de David Eugene Edwards ou des Walkabouts, les Moriarty ont trouvé, voire inventé contre leur gré comme ils l'avouent en interview, leur propre style et nous apportent une fraîcheur bienvenue parmi les multiples concerts rock qui finissent par tous se ressembler.
Une reprise de Depeche mode au xylophone pleine d'humour et parfaitement exécutée dans une version dépouillée et essentielle finira d'attirer non seulement la sympathie, mais aussi l'admiration du public que l'on espère pour une fois fidèle, pour avoir la chance de voir ce groupe se développer encore et encore.
Après les cafés concerts et les dîners spectacles, Moriarty (ré)invente le concert spectacle que l'on imagine s'installer pour quelques dates dans un théâtre parisien... Pourquoi pas !
Quoi qu'il en soit, une tournée de Moriarty, c'est vraiment à ne pas rater, dépêchez-vous d'aller juger par vous même, Gilbert, leur bête à cornes sera ravie de vous voir ! |