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Cabaret Sauvage  (Paris)  13 mai 2003

Mardi 13 mai. Jour de grève. Dans le taxi qui nous emmène au parc de la Villette, je songe avec appréhension à la soirée qui m'y attend : je mets les pieds pour la première fois au Cabaret Sauvage ; je vais y entendre pour la première fois les Canadiens de Godspeed You ! Black Emperor ; et je vais devoir relater cette expérience dans ma première chronique pour Froggy. Croyez-moi, cela fait beaucoup de premières fois pour un seul homme. D'autant que, pour compliquer les choses, je suis accompagné de mes camarades chroniqueurs mais néanmoins amis, Barbel et Loopkin, qui surveillent mes moindres gestes et m'interdiront par la suite de dire ou d'écrire le moindre mal de GY!BE!

Voilà pourquoi je mets ma vie en jeu en écrivant les quelques paragraphes qui vont suivre : il se peut que cette première chronique soit aussi ma dernière …

Mais entrons dans le vif du sujet avec Hangedup, la première partie de ce soir, qui arrive assez rapidement sur scène. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, expliquons que les Hangedup viennent aussi du Canada, de Montréal plus précisément. Leur deuxième album, Kicker In Tow, a paru l'année dernière sur le label Constellation, c'est-à-dire précisément celui de GY!BE. Si la filiation est évidente (une musique répétitive qui utilise des motifs simples et lorgne simultanément vers le minimalisme et l'expérimentation ), le résultat est cependant très différent.

Il s'agit en fait d'un duo. Eric Craven en est le batteur. Geneviève Heistek joue de l'alto. Tous les deux utilisent un matériel assez limité : Heistek se contente de quelques pédales d'effet, dont elle use d'ailleurs avec parcimonie, et de cet enregistreur-boucleur, que les spectateurs des concerts solo de Joseph Arthur ou de Dominique A connaissent bien. Quant à Craven, il tape sur un kit plutôt restreint, agrémenté de quelques gongs, mais comportant finalement assez peu de fûts. Seule originalité : un objet bizarre, une paire de cordes métalliques ( de basse sans doute ) montées sur une planche de skate-board, de laquelle il tire des sons agressifs de machines en fonctionnement.

Le résultat, n'ayons pas peur de le dire, est assez enthousiasmant. Le style de Craven est plutôt austère ( assez peu de changement de tempo ou de mesure, des rythmes généralement binaires ) mais très dense. De même, Heistek utilise une palette limitée mais très efficace, faisant systématiquement appel aux doubles cordes et aux passages en staccato. Malgré cette simplicité des moyens employés, Hangedup parvient à conjurer une musique riche, relativement variée, délibérément non-mélodique et pourtant évocatrice : on songe à des machines grinçantes, bruyantes, brûlantes et sales, à des paysages de révolution industrielle où l'homme n'a pas de place …

Les moments les plus réussis de cette curieuse alchimie se produisent aux débuts des morceaux, lorsque les bribes de phrases musicales se structurent lentement d'elles-mêmes et que du chaos naissent les premiers mouvements, ou au contraire lorsque la musique s'emballe et tourbillonne en prenant des allures de transe hypnotique. Enfin et surtout, la complicité des deux musiciens fait plaisir à voir : ils se comprennent d'un regard et leurs morceaux s'enchaînent avec facilité et naturel.

Alors que la première partie vient de se terminer et que nous attendons GY!BE, je repense à Hangedup, plutôt séduit. Bien sûr, on peut trouver à redire : si la formule est très intéressante, on peut leur reprocher de ne pas la pousser dans ses derniers retranchements, de ne pas en explorer toutes les possibilités. La ressource mélodique est délibérément ignorée : c'est à mon avis un tort. Une plus grande variété dans les rythmes serait également la bienvenue. Le duo gagnerait aussi à superposer plus souvent plusieurs phrases d'alto, une technique pourtant facile à mettre en œuvre et aux résultats intéressants, mais dont il fait peu usage.

Puis, après quelques minutes, GY!BE entre enfin sur scène. Trois guitaristes, deux bassistes, deux batteurs, une violoniste, et une violoncelliste. Et voici que commence la partie la plus difficile de mon travail.

D'abord parce qu'un concert de GY!BE est pratiquement impossible à chroniquer : leur parti pris est de construire des paysages sonores à partir d'éléments minimalistes et répétitifs, joués par tous les membres du groupe, et d'utiliser l'effet d'ensemble pour suggérer une richesse sonore que les éléments constitutifs ne possèdent pas. Leur musique, une fois commencée, ne s'arrête vraiment qu'à la fin du concert : le public applaudit lorsque le volume baisse, mais leurs compositions ne font que rebondir et s'enchaîner les unes avec les autres. Pour le spectateur, il s'agit d'un long voyage musical, pendant lequel il peut alternativement s'ennuyer profondément ou vibrer en phase avec les musiciens.

D'où l'embarras dans lequel je me trouve, embarras d'autant plus grand que, je dois bien l'avouer, je me suis justement plus ennuyé que je n'ai vibré.

Pourtant, le concept qui sous-tend la musique de GY!BE est très séduisant sur le papier. Non seulement il renouvelle la notion d'orchestre en lui donnant un sens dans un contexte "rock", mais encore il utilise toutes les ressources du minimalisme pour produire un son dense, profond, et touffu. Pratiquement, chaque musicien du collectif a son rôle, comme dans un orchestre, justement. Même si les pédales d'effet encombrent la scène, les guitares et les basses conservent le même son au cours du concert : chacun a sa propre partie à jouer dans son propre registre. L'un des guitaristes égrène des arpèges en son clair ; un autre produit des notes lancinantes fortement teintées de réverbération ; le troisième attaque régulièrement sa guitare au médiator avec un son légèrement saturé. Quant aux bassistes, seulement l'un d'entre joue véritablement des basses alors que l'autre reste souvent cantonné aux médiums. Enfin, la violoniste est responsable des phrases les plus mélodiques, tandis que la violoncelliste renforce systématiquement les basses.

Au final, les motifs joués par chacun sont d'une simplicité extrême, presque enfantine même. Mais le résultat est toujours changeant : parfois calme et nostalgique, la musique peut lentement prendre des forces, puis devenir menaçante et finalement tout emporter sur son passage.

Alors pourquoi s'ennuie-t-on autant ? Pourquoi n'ai-je été transporté que deux ou trois fois pendant ces deux heures et quelques minutes de concert ? Pour ma défense, et celle, indirectement, de GY!BE, il faut expliquer qu'il s'agit d'une musique extrêmement exigeante : pour se laisser captiver par ces paysages froids, il faut prêter attention au moindre détail et s'appuyer sur toutes les aspérités de leurs compositions. Peut-être suis-je sujet à un déficit d'attention chronique ? Ou peut-être s'agit-il seulement d'une musique qui requiert plusieurs écoutes ?

Quoiqu'il en soit, je vais donner une nouvelle chance à GY!BE. Mais sur disques cette fois-ci.

 


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En savoir plus :
Le site officiel de Godspeed You! Black Emperor
Godspeed You! Black Emperor sur le site de Constellation Records
Le Facebook de Constellation Records


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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

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