Comédie de Shakespeare, adaptation et mise en scène de Sylvain Ledda, avec Sacha Petronijevic, Laurence Hétier, Pascal Guignard, Alexia Papineschi, Yves Jouffroy, Isabel de Francesco, Jean Tom, Mathieu Desender, Anabel Gransange, Yannick Bautista, Jean Haas, Hervé Colombel, Diane de Segonzac et Vania Fernandez.
"Beaucoup de bruit pour rien", tragi-comédie étiquetée "comédie romantique", recèle un quasi condensé de l’œuvre de Shakespeare, en ce qu’elle constitue un habile patchwork de ses thèmes récurrents, qu’il développe de manière plus unitaire dans ses autres opus.
Les passions humaines, l’amour, bien sûr, sous toutes ses formes avec des couples en miroir, l’amour romantique presque convenu et l’amour vivant, l’orgueil et la jalousie mais aussi, l’amitié aussi bien masculine que féminine, avec, en mouche du coche, la rumeur sur fond de propension générale à la mystification.
Revenant de campagne, le prince d’Aragon, doté d’un demi-frère ombrageux, prend ses quartiers, avec deux de ses frères d’armes, un amant idéal et un célibataire misogyne, chez le gouverneur de Messine pourvue d’une fille, adorable ingénue, et d’une nièce, sœur de plume de la Catarina de "La mégère apprivoisée".
Prologue propice aux marivaudages, mascarades et mystifications dont les fils, aiguisés comme des rasoirs, se croisent toujours dangereusement. Le rideau peut se lever sous les auspices des nobles figures représentant l’autorité patriarcale, privée et publique, souvent peu clairvoyantes (Yves Jouffroy parfait père dépassé par les événements et Isabel de Francesco, remarquable en pour prince androgyne qui se pique d’entremise).
Pendant que les jeunes amants de conte de fées roucoulent (Pascal Guignard, prince charmant idéal qui après la guerre recherche des plaisirs douillets et délicats, et Alexia Papineschi, délicieuse ingénue au visage de poupée de porcelaine), les beaux caractères s’affrontent en une magnifique joute amoureuse (Laurence Hétier qui incarne sous l’apparence de pucelle rétive et androphobe, sœur de plume de la Catarina de "La mégère apprivoisée", une jeune femme étonnamment moderne et Sacha Petronijevic un éblouissant et railleur qui se déclare "le bourreau déclaré du beau sexe" et qui va trouver son maître). Pendant ce temps, le jaloux complote. Jean Tom excelle dans le rôle du bâtard envieux et méchant, pâle hybride de Iago, Richard III et Tartuffe, qui va semer un climat délétère.
Et ce sera de l’intervention inopinée de deux personnages, à la fois farcesques et beckettiens, Diane de Segonzac et Sylvain Ledda, truculents watchmen, que dépendra le dénouement heureux. Le fléau de la balance penche alors vers la comédie et tout finit au son des flûtes nuptiales.
Sylvain Ledda signe avec réussite l’adaptation et la mise en scène de cette comédie d’intrigues qui repose sur la justesse et la subtilité de l’interprétation des comédiens qu’il a réuni au sein d’une distribution judicieuse et harmonieuse.
En effet, il a su traiter de manière intelligente et suffisamment ambigue cette œuvre pour laisser entière la magie du théâtre, et illustrer la frontière ténue entre la comédie et le drame tout en laissant affleurer le divertissement. |