"Il était né à Romainville, au milieu des champs de lilas mauves, au premier étage d’un pavillon blanc, entre cour et jardin….".
Ainsi commence "Mon rêve avait raison" de Jean-Laurent Cochet. Bien loin des médiatiques biographies de notoriétés people, des fastidieuses mémoires pontifiantes ou des règlements de compte de stars, il invite le lecteur, à travers une évocation proustienne de sa vie et de sa carrière, non pas la recherche du temps perdu mais "l’entretien d’un temps en permanent état de retrouvailles", à "un voyage au cœur de l’enfance et du présent réunis".
Parvenu au mi-temps de sa vie, alors qu’il a réalisé, comme il l’écrit, une première vie, qui a connu un printemps lumineux et un été exceptionnel, il relate le parcours d’un homme guidé par un petit garçon, cet enfant de 4 ans qui dit : "Je veux faire du théâtre. Je serai comédien. Et j’entrerai à la Comédie Française". Cet enfant recueilli, le maître de sa destinée, qui doté d’une clairvoyance singulière, ce petit garçon qui décida de l’inventer afin de s’incarner en lui.
Cette première vie est une vie de travail pour servir les grands auteurs et le théâtre en pratiquant "cet effacement, si possible éclatant, qui est le lot de ceux qui ne sont pas créateurs", fondée sur la passion et l’admiration, pour être un passeur.
En la forme, une longue conversation à bâtons rompus émaillée de citations, anecdotes, mots d’esprit, éloges et hommages, Jean-Laurent Cochet parle de sa vie, de lui, bien sûr, mais aussi beaucoup des autres, tous ceux qu’il a aimés et qui l’ont aimé, tous ceux prestigieux ou discrets qui lui ont régénéré l’âme. Ultime élégance "J’oublie ceux qui m’ont trahi : ils s’étaient trompés de vie en entrant dans la mienne".
Chapitre après chapitre, avec lucidité, humour, ironie parfois, mais tendresse toujours, les années s’égrènent sans nostalgie, placées sous le signe de l’espérance, de l’exaltation et de l’amour avec un A majuscule pour une fête quotidienne peuplée de figures légendaires du théâtre.
Comédien, musicien, metteur en scène, professeur d’art dramatique, Jean-Laurent Cochet est un érudit qui manie la plume avec autant d’aisance que la parole. Homme du verbe, il y distille une réflexion philosophique, métaphysique et mystique sur sa manière d’être au monde.
Avec, non pas une leçon de vie, mais la délivrance des clés qu’il a rassemblées, qui sont les siennes, mais qui peuvent, pourraient ou pourront être les vôtres même si "dans cette gigantesque et fabuleuse tapisserie [le monde qui est le rêve d’un Dieu], il faut reconnaître le fil qu’il a tissé pour nous". Passeur encore. |