Comédie de Michel Heim, mise en scène de Jean-Pierre Rouvellat, avec Gwenda Guthwasser, Franck Isoart, Renato Nasi, Guillaume Lucas et Michel Heim.
Créée en 2000 "La Nuit des Reines" concoctée par Michel Heim est devenue, à l'instar de la comédie shakespearienne dont elle tarabuste le titre, un classique dans son registre, qui laisse dans son sillage une foule de spectateurs ravis.
Le registre de Michel Heim est celui du divertissement parodique. Depuis plus de deux décennies, il n'a cessé de tremper sa plume féconde dans la sympathique encre de la parodie qu'il décline, avec talent et humour, aussi bien en revues et comédies musicales pour la Compagnie des Caramels Fous, association d'amateurs gays chantants et dansants composée "des garçons, encore des garçons, rien que des garçons" dont il assure la direction, en comédie en prose pour la Compagnie Les emplumés et en pièces historiques en vers comme en l'occurrence pour la Compagnie Les Amis de Monsieur, deux émanations de la première.
"La Nuit des Reines" ne déroge pas à la règle avec ce joyeux méli-mélo aux plus hauts sommets de l'Etat dans un 16ème siècle farcesque. Catherine de Médicis joue les marieuses pour son fils préféré, Henri III, qu'elle espère voir convoler en justes noces politiques avec Elisabeth d'Angleterre. Mais celui-ci, toujours fourré dans les jupes de sa sœur Margerite de Navarre, rechigne à l'idée de devoir besogner la reine vierge présentée comme un vieux boudin et imagine de déjouer l'entreprise en devenant le parangon du bilboquet. Par ailleurs, l'Albion, déjà perfide et soupçonneuse, débarque à Paris déguisée en homme et accompagnée d'un lord plutôt gay.
La suite est aisée à imaginer : de travestissements en quiproquos, cette "comédie de mœurs légères", toutes voiles et vapeurs dehors, dévoile un envers du décor imaginaire de l'imagerie historique sans dessous dessus, sans sens interdit, pour un plaisir de tous les sens.
Le tout en vers et contre toute mélancolie, en alexandrins savamment tournés et désopilants, mêlant calembours grivois et références savantes, de Shakespeare à Corneille en passant par Feydeau et Marivaux, et d'autres à deviner, in vivo, détournements de textes de chansons célèbres et anachronismes savoureux. Car Michel Heim n'est pas un lapin de trois semaines et il regorge de savoir faire et d'esprit à propos bien placé.
Dès lors le tout ne demande qu'une mise en scène alerte, en l'espèce celle de Jean-Pierre Rouvellat, pour un quintet de comédiens irrésistibles.
Renato Nasi est totalement truculent et désopilant dans le rôle de l'austère bigote Catherine de Médicis, matrone royale doublée d'une mamma italienne tyrannique, suffoquant sous les bouffées de chaleur d'une ménopause galopante qui n'a pas totalement désactivée une libido toute méditerranéenne.
Un tempérament héréditaire pour la célèbrissime reine Margot, pulpeuse nymphomane qui n'a pas sa langue sans sa poche (sic), allègrement interprétée par Gwenda Guthwasser. De quoi perturber la sexualité de son rejeton favori, le très "mignon" Henri III, à qui Franck Isoart, craquant, prête son physique délicat.
Guillaume Lucas, parfait dans le rôle de l'amante anglaise et Michel Heim en imparable very british queen Elisabeth, qui ne rechigne pas à la gaudriole, forment tous deux un duo détonnant.
La prestation est jubilatoire et idéale pour bodybuilder les zygomatiques et réviser son Histoire de France vue par le petit bout ... de la lorgnette… bien sûr ! |