Comédie dramatique de Michel Marc Bouchard, mise en scène de Laurence Despezelle-Pérardel, avec Walter Hotton, Fabrice Leroux et Guillaume Tagnati.
Deux frères immobiles debout dans la forêt, répétant une litanie. Ils se retrouvent après des années. Deux conceptions de la vie qui s’affrontent.
L’un va se marier, l’autre est homosexuel et travaille dans une galerie d’art. Son ami en train de mourir du sida l’a rendu cynique et terriblement lucide.
On comprend assez vite qu’ils ont vécu un accident en se rendant au mariage et qu’ils sont dans un territoire étrange entre la vie et la mort, où ils sont obligés de se livrer. Plus tard, le troisième frère viendra les rejoindre. Ensemble, ils évoqueront ces routes qu’ils ont prises et ce père poète qui fut à la fois leur honte et leur fierté. C’est l’heure de faire le bilan et de dire les sentiments enfouis, accumulés.
C’est un magnifique texte de Michel Marc Bouchard qu’a choisi de monter la Compagnie des Pas Perdus. Les mots nerveux, incisif disent les liens, le non-dit, la soif de rébellion et les remords ; et installent une atmosphère onirique à la fois moderne et intemporelle.
La mise en scène très statique de Laurence Despezelle-Pérardel s’est concentrée sur le texte pour créer cette ambiance propice à faire ressurgir le passé des trois frères dont les souvenirs reviennent avec mélancolie ou violence. Dans une obscurité juste éclairée par des phares passants et la lune, un drame universel se joue et c’en est bouleversant. Les partis-pris de mise en scène sont assumés et gagnants.
En outre, les comédiens dirigés avec précision, sont tous les trois magnifiques. On retiendra évidemment la composition de Walter Hotton, parfait en homosexuel digne et imperturbable, la révolte au bord des lèvres, qui dit les choses avec la sincérité du désespoir et en même temps beaucoup de sérénité. A ses côtés, Fabrice Leroux, touchant dans le rôle du benjamin et Guillaume Tagnati, fort en gueule, sont tout aussi présents et font passer beaucoup de choses avec tour à tour sobriété, humour ou émotion contenue.
On reste longtemps imprégné par cette pièce et par ces retrouvailles. Par ces mots aussi, sans cesse répétés (car dans leurs têtes depuis trop longtemps), qui réhabilitent leur père et avec la violence de phares éblouissants, éclairent enfin leurs vies. |