En avoir ou pas, pourrait-on dire à propos de ce premier album de F.M., jeune dandy aux airs de Neil Hannon.
Avoir un rêve ou deux, comme le suggère le titre du disque lui-même.
Avoir aussi le culot de sortir un disque aussi surprenant dans le paysage pop français, partagé entre une nouvelle scène vieillissante et une école plus anglo-saxonne qui court toujours après les Beatles. Le tout dans un environnement musical, aux productions de plus en plus calibrées pour attirer l'oreille du plus grand nombre.
Des rêves donc, il n'en manque pas François Maurin. Et il les met en musique sur 12 pistes, courtes, en passant son temps à les brouiller, les pistes.
Pas facile en effet de cerner F.M. et sa musique. Artiste indépendant signé sur une major (Warner), musicien rock sans batterie, compositeur de musiques de chambre au format pop, il y a de quoi se trouver dans une certaine expectative à la découverte de cet objet sonore atypique.
Surtout que le premier titre n'est pas là pour rassurer. "We can fly" est en effet composé de dissonances et de rythmiques étranges aux inspirations lointaines (l'Inde nous confirme la bio).
On commence à voir un peu plus clair sur "My way to the stars", avec des sonorités folk, voire country sur lesquelles on suit le rythme imposé par la guitare (banjo ?) et suivi de près par le violoncelle et on se prend à vouloir taper du pied pour compenser l'absence de batterie, assez déroutante dans ce type de compositions.
"Certain People", plus loin, est un révélateur. On comprend enfin où veut en venir F.M. et sa pop de chambre aux faux airs de easy listening. Ce "Certain people" est troublant, et la raison de ce trouble est qu'il fait fortement penser à autre chose, dans un registre totalement différent et pourtant assez proche pour nous titiller les neurones. En fait, ce titre fait penser à Depeche Mode. Incroyable ? Ecoutez plutôt !
Sur ce titre, on se retrouve aussi propulsé en arrière, du côté des français de Resistance et de Rise and Fall of a Decade, par l'ambiance, mais aussi la voix. Deux groupes qui, eux-aussi, au début des années 90 tentaient par d'autres voies, d'explorer la pop différemment.
Il faut également parler des reprises qui parsèment cet album. Trois reprises plus exactement et pas n'importe lesquelles ("Killing an arab" des Cure, "Heart of glass" de Blondie et "Always the sun" des Stranglers). On sent dans le choix de celles-ci une réflexion, une méthode presque dont le but est double.
Faire le point avec ses références, ses engeances pourrait-on presque dire, et expliquer son univers à tout un chacun par le biais de titres archi connus.
Une façon de dire "voilà comment lire mes propres compositions. Par la voie de ces reprises, je vous donne le mode d'emploi". Trois relectures remarquables dans le sens où ces trois titres, entendus des milliers de fois, bénéficient d'une lecture bien différente. Imaginez un peu les Stranglers jouant du violon ?
A dream or two ne laissera surement pas indifférent quoi qu'il en soit. Disque parfaitement kitch et inutile pour certains, nouvel élan de la pop pour d'autre (F.M. n'est-il d'ailleurs pas sous-titré prétentieusement new popular music ?), il est une chose de sûr, c'est qu'il faut entrer dans ce disque avant de pouvoir l'apprécier et ne pas s'arrêter à trouver étrange cette façon de reprendre "Killing an Arab" (aux accents orientaux) ou "Always the sun", ou se faire surprendre par cette voix étrangement new wave (et toujours très élégante tout au long du disque) sur une musique que l'on pourrait croire échappée d'un disque de Divine Comedy (encore lui).
A dream or two est bien plus rock qu'on ne pourrait le croire malgré l'absence des balises "rock" habituelles, alors il ne nous reste plus qu'à aller danser le menuet en boite sur "Jo and So" en se disant que oui, la musique populaire aurait dû ressembler à cela depuis longtemps, plutôt que de resservir depuis toujours les mêmes recettes avec les mêmes ingrédients.
F.M. c'est la cuisine nouvelle pour les oreilles. |