J’avais quinze ans lorsque Slanted & Enchanted, le premier album de Pavement est sorti… Décalage culturel oblige (j’habitais en Bretagne à l’époque), il n a débarqué sur mon double radio cassette que l’année de mes 16 ans… Dieu sait qu’à l’époque , cet album était plein à rabord de Real Emotional Trash…
Slanted & Enchanted restera l’une des éternelles madeleines de Proust. Il restera la bande-son de mes coups de foudre amoureux, de mes pires ruptures, de virées en camping spéciales "drague hollandaise" …
De plus ce disque m’a sorti d’une impasse hard rockeuse qui devenait embarrassante (CF mes chroniques précédentes) et ouvert la caverne d’Ali Baba du rock indépendant américain des années 90 (Sonic Youth et consorts). Ce premier disque de Pavement a surtout généré une Pavementite aigué qui aura duré près de 9 ans qui m’a poussé à de folles acquisitions ( cet import japonais acheté à l’époque 220 francs…).
Ma carrière fanzinesque n’ayant débuté qu’en 2003, je n’ai jamais eu la chance de chroniquer un album de Pavement. Malgré des écoutes répétées de ces précédents opus, je n’ai jamais vraiment réussi à trouver mon compte dans les albums solos de Stephen Malkmus pour une bonne et simple raison : je pense que je tiens absolument à entendre du Pavement.
Or, même si certains trouveront toujours que cela ressemble beaucoup à Pavement, pour moi cela revient à comparer du Canada Dry avec un whisky irlandais…Sur Real Emotional Trash, j’ai la drôle d’impression que Malkmus se soit imposé de construire une passerelle entre les expérimentations pop récentes de ses comparses de Sonic Youth et le prog rock des années 70…
Si l’entreprise semble louable (pour les fans de rock progressif des années 70, cela va sans dire) le résultat est assez déconcertant… De nombreuses compositions s’apparentent à des longues jam-sessions. Sur ce point, Malkmus est épaulé par les impeccables Jicks, qui remplissent leur rôle avec brio…
Ainsi sur "Real Emotional Trash", Malkmus arrive sur dix minutes (!!!!!) à rendre un vibrant hommage à Television mais aussi à Fleetwood Mac. On retrouve cette désagréable sensation de "répète entre potes" tout au long de l’album ("Elmo Delmo", "Hopscotch Willy").
Pourtant, Malkmus n’est jamais aussi bon que quand il évite de forcer le trait, quand il pond avec cette arrogante facilité qu’ont les branleurs de petites perles comme "Gardenia", sautillante bluette slacker ou encore le subtilement mélancolique "Out Of Reaches", réminiscences des Perfect Sound Forever ( sons parfaits pour toujours, titre d’un Ep de Pavement NDR) distillés à foison par Malkmus tout au long de la dernière décennie…
Malgré toutes les réserves que l’on peut soulever sur ce Real Emotional trash, Malkmus reste un formidable artisan de la scène rock américaine, qui resiste (jusque quand ????) à la tentation de s’affaler dans le confort d’une reformation pourtant tant convoité de Pavement… |