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Yeah Yeah Yeahs, Syd Matters, Playdoh, Grandaddy, Travis, Buck 65  (Saint Malo)  15, 16 et 17 août 2003

Saint-Malo. Son fort. Sa plage. Son soleil (c’est une variable). Son festival rock le plus prestigieux de France.
La Route du Rock #13 a aligné découvertes sur découvertes, confirmations sur confirmations. Aperçu de la journée du dimanche 17 août, ou comment traverser la Manche en restant en France.

Elle a mis du temps à nous parvenir cette affiche. Elle nous aura fait fouiner dans les bacs des disquaires, écouter Lenoir à perdre oreille, et rechercher dans notre propre discothèque du côté indépendants. Et nous aura propulsé pour trois jours quelque part entre Manchester et Leeds, histoire de quitter les programmations stéréotypées du paysage français.

Une peur d’abord. L’édition 2002 avait été catastrophique du fait d’une météo peu clémente. Mais non, cette année le soleil allait rendre toute sa gloire à la musique.

Des journées de vendredi et samedi, vous n’aurez que du bouche à oreille du fait de l’absence de votre chroniqueur.


Vendredi 15 août

Le groupe qui a fait sensation le premier jour s’appelle Broken Social Scene. Le groupe le plus attendu, qui n’a pas déçu par un show très animé, était Audio Bullys. Enfin, Death in Vegas a réitéré l’interprétation rock de son répertoire électro, déjà bien rodée par une longue tournée. Quant aux français de M83 ils ont su recréer sur scène leur atmosphère étrange, même si le show manquait parfois un peu de pêche.

 

Samedi 16 août

Le samedi s’annonçait bien plus rock avec la claque annoncée des Yeah Yeah Yeahs. Même prévenus, ça fait mal. N’ayant pas osé jusqu’au déshabillement, Karen O, sorte de croisement entre Patti Smith et VV des Kills, retranscrit physiquement la hargne de ses textes. Certains ne s’en sont pas remis, et dans les deux sens : un show très punk rock, déjanté mais qui pouvait sembler un peu superfétatoire.

Hot Hot Heat a montré sur scène que le disque n’était pas qu’un coup de bol et que derrière se dissimulait une vrai envie de rock festif, enjoué.

Le français Syd Matters estampillé "Inrockuptibles" depuis sa victoire au concours CQFD de novembre 2002, a surpris : on n’en croise pas tous les jours des français capables d’une pop-folk légère, dotée d’un songwritting très construit.

Black Dice, que j’avais encensé sur scène au festival de Dour, a ici déçu. Malheureusement, je ne peux comparer les deux sets, et pour me rattraper on va dire que le choix des morceaux à Saint-Malo n’était certainement pas judicieux…

 

Dimanche 18 août

Dimanche, à peine arrivé, la journée commence mal : Calla et Fat Truckers annulent. Les organisateurs se démènent : traînant dans le coin depuis leur prestation de la veille, Buck 65 et Manitoba acceptent de rejouer.

19h15, Playdoh entame la soirée. Les parisiens dont le deuxième disque est sorti avant l’été (Fragments) entame une tournée promo, pour se détendre de deux longues années de compositions. Estampillé post-rock à ses débuts, le groupe a évolué vers une structure plus électronique de ses morceaux, entre psychédélisme et expérimentation. La prestation est prometteuse, plaçant Playdoh entre Manitoba (voir plus loin) et des groupes de la scène expérimentale (Jackie O’motherfucker).

Ms. John Soda, artiste sortie par le découvreur allemand à l’oreille de génie, Thomas Morr, et qui sévit dans la nébuleuse de Morr Music avec The Notwist (et ses multi projets), ne ressemble pas à sa musique. Avec sa mine joyeuse, son accoutrement classique et simplet, on s’attend soit à de la varièt’ soit à un groupe rock sans intérêt. Evidement les informations pré-citées vous mettent sur la voix : quand on signe chez Morr, on a plus à faire ses preuves. Avec sa guitare et son laptop, accompagné d’un trio batterie/basse/guitare, Ms. John Soda déborde d’énergie intériorisée qu’elle retranscrit dans sa musique. Des paroles, simples, plus ou moins chantées, et des chansons crescendo font de ce set une vrai réussite.

La suite est autrement réjouissante : Grandaddy, haut placé dans mon estime, s’installe. En juin au Café de la Danse à Paris, le groupe, qui entamait sa tournée, avait subi un événement sentimental troublant, ce qui débouchait sur un set touchant tels des débutants apprenant le décès d’un proche. Après la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, l’Angleterre, on peut dire que le groupe est rodé, et le show s’en ressent, il est bien huilé (trop ?) et un peu plus énergique. La set liste se concentre sur le dernier opus, Sumday, sans oublier les classiques (Hewlett’s daughter, A.M.180, The cristal lake…). Visiblement, Jason Lytle est heureux, et nous avec.

Travis enchaîne. Taisons tout de suite les critiques faciles : Travis est un groupe à minette, un groupe à la Oasis, bon à passer sur le Mouv’ et sur RTL2… Et bien non, le groupe est disponible, souriant (voir la conférence de presse). Côté musique, on peut certes qualifier leur pop de facile, mais le terme accrocheuse convient mieux, avec des textes engagés (notamment les nouveaux morceaux, le nouveau cd sortant en septembre). Sur scène, le groupe affiche une bonhomie communicative. J’adhère cependant avec la critique de Barbel (voir article sur Benicassim) concernant les pamphlets débiles du groupe entre chaque chansons (notons que cela a l’air à la mode : Placebo, Massive Attack…)

Buck 65, dont le cd d’electro hip-hop avait séduit par son mélange des genres, passe moyennement sur scène. Seul avec une platine vinyle, Buck semble défiler un texte sur une texture musicale. Un peu ennuyant dans un tel contexte.

Manitoba en clôture rattrapera le coup. Le trio formé pour la scène comprend deux batteries (l’une avec un clavier, l’autre avec une guitare en plus de la batterie !) et une guitare. Le show est d’une grande qualité, car les mélodies arrivent à canaliser l’énergie des deux batteries. Euphorisant, scotchant le spectateur sur place, Manitoba réussi d’une manière originale le passage sur scène d’un disque expérimental transformé en prestation rock psychédélique (là où d’autre font de l’expérimental sur scène, ce qui peut paraître à certains plus ennuyeux).

Dans le flot des festivals rock français, le route du rock tient une place un peu à part. En effet, les organisateurs (les rock tympans) mettent avant tout l’accent sur une programmation de qualité plus que sur une affiche démesurée et aguicheuse.

Cette année, le festivalier pouvait donc découvrir des groupes absents sur les autres affiches. Un exemple ? Regardez l’affiche, et retirez juste 2 many Dj’s, Grandaddy et peut-être Travis… il en reste du monde ! Voilà toute la singularité de ce festival : se démarquer des autres, ceux qui, des Eurockéennes aux Vieilles Charrues, ne tablent que sur quelques artistes pour avancer une originalité (Radiohead pour le premier, R.E.M. pour le second).

La route du rock se pose donc en festival à l’anglaise, sans superflu, où l’affiche ne dépend pas des ventes de disques des artistes indépendants. Saluons donc cette initiative constante depuis 1990 (même si une relecture des affiches précédentes ne le laisse pas présager : c’est aussi la force du festival que d’avoir su découvrir et propulser des groupes : Travis, Muse -avant sa chute, Interpol, B.R.M.C…).

Cependant, une telle stratégie n’est pas sans poser quelques problèmes logistiques : ce sont des groupes qui, s’ils ne tournent pas en Europe, demandent un effort financier d’acheminement. D’autres part, chacun connaît les difficultés financières de chaque festival, vivant de subventions, plus que de recettes. Cette année, la route du rock s’est « plantée » : 4000 billets-jour de moins que prévu (mais il faut le dénoncer également : un refus de la maire de Saint-Malo de renouveler son financement, et d’autres problèmes non imputables aux organisateurs).

Voilà le revers de la médaille : une affiche prestigieuse mais non populaire. Où sont donc les White Stripes, B.R.M.C, seuls capables de mobiliser une foule (qui daignerait payer le trajet et le billet et l’hébergement pour voir 45 minutes de l’excellente Ms. John Soda ?). Cette année, seuls Travis et Grandaddy, et peut-être les 2 many dj’s (dans un festival estampillé rock) pouvaient faire office de têtes d’affiche.

Le résultat des ventes de la billetterie parle pour lui : le succès commercial ne doit pas être un objectif, mais s’il peut aider à mettre en scène une affiche plus underground il ne faut pas le refuser…

Espérons toutefois que le festival se survivra, et cherchons dès à présent les groupes susceptibles de faire partie de l’affiche 2004… avec un taux de réussite que je garantie inférieur à 30%…

 

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