Une décennie après leur premier projet commun à la Round House de Londres,le sculpteur italien Mimmo Paladino et le musicien anglais Brian Eno se retrouvent pour cet "Opera per l'Ara Pacis", une oeuvre commune dans le très bel espace muséal de l'Ara Pacis créé par l'architecte américain Richard Meier.
Sous le commissariat de Achille Bonito Oliva, Federica Pirani et James Putnam, se déroule une rencontre au sommet entre le chantre de la Generative Music et et l'un des mousquetaires de la Transavanguardia italienne.
Peintre, dessinateur, graveur et sculpteur, Mimmo Paladino propose une oeuvre labyrinthique qui laisse ouvertes les niveaux de lecture et l'interprétation, conformément à sa conception de l'art, "l'art est rituel, il doit poser aux autres d'incessantes questions et ne jamais donner de réponses."
Cette exposition se présente également comme une quintessence du travail de l'artiste qui ressortit à la fois de l'Arte Povera, par les matériaux employés, le bronze, le bois, le fer, l'argile, de l'art sacré par son questionnement métaphysique et du néo-expressionnisme par son registre .
L'homme, l'artiste et l'infini
Ainsi, face à l'Ara Pacis, imposant autel de marbre blanc aux lignes géométriques, Mimmo Paladino a déposé "Zenit" une sculpture circulaire en métal noir gravé de signes ésotériques symbole cyclique du temps, anneau d'union entre le passé et le présent, symbole du zénith qui permet l'accès à l'infini, à l'éternité.
Mais la conjonction de ces deux oeuvres ne concrétiserait-elle pas aussi les six directions qui déterminent le symbolisme cyclique basé sur la polarisation des oppositions et des contraires, condition de la vie.
Au sous sol, immergé dans un environnement sonore, quasi céleste, créé par Brian Eno, le visiteur est confronté à une oeuvre-rébus comportant diverses installations et œuvres qui, de manière récurrente, propose divers niveaux de lecture.
Elle s'inscrit dans un dialogue avec le propos de ce musée archéologique, interroge le présent à la lumière du passé, rappelant le sort qui attend notre civilisation au regard de l'infini temporel, et, toujours, de manière plus ou moins patente, concrétise une réflexion sur l'art, avec des références explicites à ceux qui ont marqué l'histoire de l'art, et l'intervention de l'artiste.
Sur un mur, une installation d' embauchoirs sur lesquels s'est posé un oiseau renvoie à Mercure aux pieds ailés, le dieu messager qui avait le pouvoir de ramener la concorde, initie un dialogue avec l'autel de la paix.
Sur l'autre, des corps démembrés et calcinés de son film "Quijote" renvoient à la mission mystique de l'artiste, médium et intercesseur de l'homme avec les forces mystérieuses, divines peut être, trait d’union avec l’invisible, destiné à une impossible qûete qui le consume.
Le plus spectaculaire, intrigant et saisissant est sans doute "Treni", oeuvre conçue spécialement pour cet événement, qui révèle la quintessence de l'iconographie de Mimmo Paladino.
Une monumentale structure, fusion du métal et de l'argile, ossuaire intemporel propose une ligne de fuite vers un ailleurs spatio-temporel, emportant avec lui corps en position foetale et objets de la vie quotidienne, vestiges pompéiens ou nécropole antique, ode à la mémoire et témoin de l'aspiration de l'homme à interroger sa propre destinée.
Et, puis Mimmo Paladino, s'est représenté au coeur du dispositif, sarcophage arborescent, profondément vivant, métaphore de l'acte créateur qu'il appartient au visiteur de dé-nicher. |