Cette soirée au Café de la Danse aurait pu s'appeler Silence Radio.
En effet, hormis un jeune folkeux, Ravi Shankar en herbe nommé Antoine Loyer, nous y reviendrons, les deux autres groupes de l'affiche de ce 21 mai fait office de collector pour tout popeux trentenaire qui se respecte un tant soit peu. Car ce n'était rien de moins que le retour de Dale Grundle et celui de Kim Fahy qui étaient célébrés ce soir là.
Et c'est Dale Grundle qui ouvre la soirée dans une formation pour le moins légère et devant une salle pour le moins pas très remplie. Son nouveau projet, The Sleeping Years, propose des chansons comme il sait les faire, mélodiques et mélancoliques et l'album We're becoming islands one by one est un petit bijou folk, touchant comme on les aime.
Mais il est bien difficile de faire de ce concert intismiste et acoustique un grand moment d'émotion tant il semble y avoir une distance infranchissable entre Dale Grundle et sa violoncelliste, Michelle So et le public pas encore vraiment installé, trainant au bar et se racontant sa palpitante journée au bureau.
Bref, Dale Grundle derrière sa guitare et sa timidité a bien du mal à capter l'attention du public nécessaire pour ressentir toute la sensibilité, la douceur et la mélancolie de ses chansons.
Et même lorsqu'il annonce un titre des Catchers, sa première formation qui a connu son heure de gloire grâce à deux albums superbes (Mute et Stooping to fit), les applaudissements ne sont pas forcément à la hauteur de la performance.
Quoi qu'il en soit, précipitez-vous sur le disque de Sleeping Years et si ce n'est déjà fait, procurez-vous les deux disques des Catchers, frissons garantis !
Après une très courte pause, c'est donc au tour d'Antoine Loyer (guitare chant) et de Bilal aux percussions indiennes et voix de faire leur apparition sur scène.
Avant tout, il faut dire que Antoine Loyer semble être un sacré bon musicien et le voir manier la guitare acoustique et électrique est un vrai plaisir à lui tout seul, mêlant les sons pop européens à des sonorités et des rythmes indiens. Etrange et envoutant.
Ce qui pêche à première "vue" chez Antoine Loyer, ce sont ses textes. On sent une intention poétique, sorte de chant psalmodié à grand renfort de mouvements de tête, mais si l'intention est bien là, poétique et un rien mystique, il manque la verve et le verbe.
A trop vouloir faire de collages étonnant de mots pour rendre le fond un brin mystérieux, on finit par obtenir un brouillon ni fait ni à faire, des pseudo haïku, des complaintes qui manquent de fond et qui frôle parfois la caricature.
Dommage, certes, surtout placé entre The Sleeping Years et The Mabuses mais suffisament intriguant pour donner envie de suivre les pérégrinations de ce Loyer et de son musicien Bilal ("venu d'Inde et Loire" comme l'indique avec humour Antoine Loyer) qui lui aussi possède un bien agréable filet de voix et un sourire à tuer plus d'une midinette !
Mais de toute façon, il faut bien le reconnaître, Antoine Loyer aurait pu être remplacé par Thom Yorke que rien n'y aurait changer, nous sommes venus voir le retour d'un compositeur fantastique, trop longtemps disparu (14 ans depuis The Melbourne Method, son précédent album) et qui revient avec brio et un album fantastique (Mabused !) qu'il nous présente donc ce soir sur scène dans une formation plutôt excitante et qui saura, qui plus est, tenir ses promesses.
Ainsi au côté de Kim Fahy, d'une grande élégance, et de ses musiciens (basse, guitare, batterie, violon) se trouvent donc, comme lors de notre session acoustique, JP Nataf (clavier, guitare, chant) et Bernard Viguié (mandoline, chant), soit deux ex-Innocents (autre groupe culte) ainsi que Mocke (du groupe Holden) qui viendra placer sa guitare sur 2 titres lors de ce concert.
Tout commence 16 ans en arrière par "We rested our feet" issu du premier album des Mabuses. Il faudra tout le temps de ce premier morceau pour se plonger dans la réalité de ce concert. C'est bien Kim Fahy qui est là, à quelques mètres de nous, dans son costume et sous son élégant bérêt qu'il porte avec une sacrée classe.
S'enchaineront ensuite "Seasider", "The Greatest", "Byayaba", "Cubicles", entre autres jusqu'à un "Destination" magnifiquement interprété.
Tout sourire, même si le début parait un peu tendu, Kim Fahy est impérial en chanteur guitariste et chef d'orchestre, toujours attentif à ses musiciens.
Tous sont parfaitement en place et quand il s'agit de chanter à quatre voix, il n'y a pas une fausse note, les harmonies sont superbes et les titres, s'il sont bien différents des versions albums, sont superbes et prennent une toute autre dimension sur scène.
Scène où tout le monde semble prendre beaucoup de plaisir à jouer et c'est communicatif. Le public conquis d'avance, reste néanmoins relativement sage, recueilli comme pour ne rien laisser passer de ce concert.
Le bar est désert, chose rare, les applaudissements sont enthousiastes mais très policés afin de ne pas rompre le charme, de peur que Kim Fahy, peut-être, se rende compte qu'il ne joue pas seul, pour son plaisir mais qu'on le regarde. De peur qu'il ne reparte se terrer durant 14 longues années plutôt que d'affronter son public.
Et d'ailleurs, c'est un peu ce qu'il fera puisque le concert se terminera sans aucun rappel, cueillant un peu à froid un public en attente d'un concert que l'on aimerait forcément interminable. Mais point de fuite, cette fois-ci, puisque très gentiment, Kim viendra retrouver instantanément son public, humble, souriant, irrésistiblement génial.
Ce 21 mai était donc un moment inoubliable mais que l'on n'espère pas unique ! |