Jean Oger, en parlant de l’humour anglais, disait de celui-ci "qu’il constitue plutôt dans une attitude permanente du sujet, qui lui fait considérer les gens et les choses avec un sens très aigu du relatif. Le mot anglais qui le définit le mieux est sans doute understatement : une affirmation, un jugement qui demeure toujours en deçà de la réalité".
L’exemple qu’aimait citer Jean Oger pour illustrer sa pensée était celui d’un américain, Mark Twain qui, apprenant la nouvelle de sa mort par les journaux, leur envoya aussitôt le télégramme suivant : "Nouvelle de ma mort fortement exagérée".
L’understatement est donc une forme d’humour qui utilise comme figure de style ce qu’on pourrait appeler chez nous, une litote ou un euphémisme. So british ! So Alex Turner !
Le petit génie et poète new generation s’est, cette fois-ci, entiché d’un nouvel ami Miles Kanes (The Rascals), pour concevoir une œuvre musicale qui, elle, n’a rien d’édulcorée, The Age Of the Understatement par The Last Shadow Puppets. En effet, ce disque est d’une grandiloquence que seules les années 60 avaient réussi à atteindre par le biais d’artistes de génie (encore) comme Scott Walker et ses orchestrations magistrales.
A l’écoute de ce disque hommage (assumé ainsi par les protagonistes, donc inutile de sortir les flingues), les références pleuvent. Que ce soit le romantisme disparu de Love ("Standing Next To Me"), les guitares Far West d’Ennio Morricone ("The Age Of The Understatement"), ou encore la grâce ("Meeting Place") dont croyait-on, seul Burt Bacharach était pourvu. The Coral pourrait être également cité, tout du moins dans ce qu’ils avaient musicalement essayé d’instaurer, sans succès malheureusement pour eux.
Mais si ce disque est ce qu’il est, c’est-à-dire un disque charnière voire d’ores et déjà un "must have" dans votre discothèque idéale, c’est parce qu’Alex Turner et Miles Kanes (pour en revenir à eux tout de même), ont réussi l’exploit d’éviter le simple pastiche rétro.
Deux raisons à cela. Prem’s : le chant des messieurs, peut-être plus particulièrement celui du leader des Arctic Monkeys, apportent une fraîcheur et une modernité évidente à ces compositions au premier abord ampoulées. Deuz : les textes issus de leur double plume. Une écriture contemporaine (chère à Mister Turner) qui modernise un thème intemporel et fil conducteur de l’album, à savoir les filles et toutes les vilaines choses qu’elles font subir aux garçons.
S’il fallait un dernier argument pour vous convaincre de la qualité artistique de cette œuvre (ou chef d’œuvre ?), ce serait d’énumérer les contributeurs cachés à sa confection. A la production et à la batterie John Ford (Arctic Monkeys, Klaxons, également batteur de Simian Mobile Disco, rien que ça). A la gestion des orchestrations pharaoniques, un certain Owen Pallet qui, lui, a l’habitude d’officier dans Final Fantasy ou encore dans cette autre formation dénommée Arcade Fire. Ne manquons pas non plus de souligner la participation du London Symphonic Orchestra, en guise de chorale (de luxe).
Quant au clip du single, The Age Of The Understatement (comme l’album, tiens c’est pas con), il a été réalisé par Romain Gavras (fils de), qui fait en ce moment beaucoup parler de lui pour une autre réalisation, celle du dernier Justice. Enfin, c’est autre sujet.
Pour finir, The Last Shadow Puppets devrait faire un tour chez nous vers le mois d’octobre. Alors calez-vous d’ores et déjà dans les starting blocks, les jeans slims ont la fâcheuse tendance à courir plus vite que nous. |