Bien connu des segments underground, Matthew Herbert est souvent resté sous-terrain pour toute une frange de la population mondiale (comme 90% des artistes que vous écoutez, OK).
Après moult remixes pour moult stars de la fashionista à travers les décades (Moloko, Mr Oizo, Perry Farell), Herbert revient avec un album noble. Traduire cela par "organique", pas ou peu de samples. Et sur There's me and there's you, les seuls samples que vous trouverez, ça et là, sont ceux de 70 préservatifs frottés sur le parquet du British Museum de Londres. Véridique. Effectivement, à ce stade, il y a vous d'un côté, et puis Mattew Herbert de l'autre.
Plus qu'un album expérimental où "l'art is anal", There's me reste un album doublement noble. Luxueux parce que puisant sa source musicale dans le jazz des années 50, dans les tréfonds de l'arrangement made in David Whitaker (Célèbre arrangeur anglais remis au gout du jour par Bertrand Burgalat en 2001) et du jazz pratiqué par Miles David avant qu'il ne sombre dans la poudre. Matthew Herbert, en jazz féru de jazz (il a déjà remixé Michel Petrucciani..) prend son inspiration dans le passé, le vrai, l'inépuisable, l'authentique. Les cuivres, les choeurs, la voix noire, les finals en canon. La chronique pourrait s'arrêter ici et conclure par une sentence définitive type "un album divertissant mêlant expérimentations et ludisme".
Eh non.
There's me and there's you lie parfaitement les dimensions temporelles; Herbert lie le jazz noir et blanc et le contemporain, allant même jusqu'à faire sonner les sonneries portables enregistrées dans de longs corridors du Royaume-Uni. C'est cela la seconde force principale du bonhomme. La subversivité maligne. Car Matthew Herbert n'a pas de limite sur cet album. Le concept ? Capter et enregistrer toutes les ambiances dans les corridors du pouvoir anglais, traduire cette impression sur disque, allant même jusqu'à demander aux "figurants" de couper 100 cartes de crédit pour en enregistrer le son, le placer sur disque, entre un piano, un marteau-piqueur et des arrangements jazz de haute volée. Au final, cet album est une magnificence contemporaine qui échappe au temps, redonnant à l'art sa juste place, sans dénigrer le public.
"I wanted to record the corridors of power, literraly to hear what they sounded like" clame le compositeur. C'est un pari gagné (voir aussi la lettre adressée à la Reine d'Angleterre pour lui demander d'enregistrer sur tape recorder un simple "yes", en vue d'une chanson composée uniquement de "yes" déclamés par des gens célèbres) comme seuls quelques artistes parviennent à les imposer. Si ce n'est au public, du moins à eux-mêmes.
There's you and there's me est un album brillant qui replace la pédagogie au centre, au coeur des ébats, si tant est que cette expression ait encore un sens. |