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33 tours  (Naive)  octobre 2008

Louis Garrel par-ci… Louis Garrel par-là… Louis Garrel en Une de Télérama, des Inrockuptibles, des Cahiers du Cinéma… N’en jetez plus !

Surtout, Louis Garrel et sa belle moue boudeuse plein les mirettes de nos petites copines, qui en oublient presque que l’on existe et nous accusent de ne plus les faire autant rêver, les pauvres…

On se rassure (un peu) en se disant que le charme de l’acteur se définit surtout par procuration, créature malléable et coquille vide aux mains de quelques cinéastes qui réussissent à y insuffler un peu de grâce et de vie, le temps de quelques films plutôt inspirés, notamment Les Chansons d’Amour… A ce titre, on peut d’ailleurs affirmer sans peine que la BO composée par Alex Beaupain pour ce film de Christophe Honoré, récompensée à juste titre par un César en 2008, constitue une étape essentielle du succès de l’acteur auprès de la gent féminine.

Soucieux de comprendre l’engouement, nous avions fait l’effort de jeter un œil au film, qui nous avait, à vrai dire, très modérément emballés. Pis : nous avions abandonné au bout de 20 ou 25 minutes, exaspérés par les minauderies du bellâtre, dont l’essentiel du jeu semblait se résumer à singer le (déjà) pénible Jean-Pierre Léaud des films de François Truffaut (Antoine Doinel ! Antoine Doinel !! Antoine Doinel !!! pfff…).

Plutôt dubitatif face à l’enthousiasme de notre petite copine prise de passion pour le film, nous avions pourtant toléré, grand seigneur, qu’elle en diffuse et rediffuse jusqu’à plus soif les chansons dans notre (trop petit) appartement.

Difficile d’y échapper, et malgré notre passagère exaspération, le temps avait fait son affaire : les maudites chansons, devenues étrangement familières malgré nous, avaient fini par s’avérer plutôt intrigantes… et même assez envoûtantes, au final, pour laisser une seconde chance à ce film qu’on n’avait peut-être pas su apprécier à sa juste valeur, et que la maîtrise desdits morceaux allait peut-être nous permettre de comprendre enfin…

Pari tenu : sans être un grand film, le long métrage d’Honoré gagnait subitement en intérêt lorsqu’on en connaissait les chansons à l’avance, ses personnages et situations acquérant à l’écran une intensité particulière, qu’il était intéressant de confronter aux images mentales qu’on avait pu s’en faire à la simple écoute du disque. [Note : dans le même genre, film qu’il valait mieux découvrir par sa BO avant de le voir, nous avions connu le même étrange phénomène pour le premier Sophia Coppola, Virgin Suicides, et son disque somptueux composé par les musiciens de Air, avant qu’ils ne deviennent scientologues…]

Mais l’album des Chansons d’Amour n’était pas un disque classique, simple musique de commande écrite spécialement à la demande d’un cinéaste : en réalité, le réalisateur Christophe Honoré reconnaissait s’être inspiré des titres du premier album du chanteur, alors parfait inconnu, pour écrire un scénario. Ce sont donc les chansons du disque de notre artiste qui furent à l’origine du projet de film, et non l’inverse ! Finalement, notre parcours de spectateur attiré d’abord par les chansons avant de l’être finalement par le film, rejoignait assez bien la genèse du film lui-même… et notre soucis de cohérence s’en trouvait ainsi satisfait.

Aujourd’hui, Alex Beaupain revient donc faire cavalier seul sous les sunlights, avec son premier album en tant que vedette (presque) consacrée. Sans couper tout à fait le cordon avec le film l’ayant révélé, mais affirmant assez sa propre singularité pour ne pas donner l’impression d’exploiter un filon.

Dans les papiers promo, la maison de disque a pourtant beaucoup joué sur le lien avec le film, révélant la présence d’acteurs au générique du disque. Dans les faits, ce clin d’œil ne dure que l’espace d’un titre, sur lequel Ludivine Sagnier, Clotilde Hesme et Grégoire Leprince-Ringuet alternent les couplets avant de passer définitivement le relais à l’artiste musicien. Mais au-delà de cet aspect un peu attendu (les guest stars, grande famille du cinéma, gna gna), la continuité est assurée de façon limpide par les thématiques personnelles de l’auteur : alors que son premier album lui avait été inspiré par la mort de sa fiancée (élément repris jusque dans le film par le vampire Honoré !), celui-ci continue sur la lancée et évoque le difficile retour à la vie, l’impossible oubli et la tentative de fuite en avant, d’extases illusoires en inévitables gueules de bois.

L’album s’ouvre ainsi, très explicite, sur une ode à "Novembre" , le mois des saints et de leur fête, s’adressant directement à la chère disparue. Néanmoins, pas question de se vautrer complaisamment dans la tristesse : le ton musical s’avère assez enjoué pour ne pas plomber le propos. On retrouvera cette dualité enjouement/tristesse déclinée sur un grand nombre de plages du disque. Le bonheur, dans les chansons de Beaupain, s’avérant indissociable d’un petit recul mélancolique ou au contraire, la tristesse d’une belle acidité permettant de ne pas flancher.

C’est cette acidité que l’on trouve à l’œuvre dans "Comme la pluie", chronique d’un désamour sur musique tristement languide, rehaussée par la froide lucidité du propos : plutôt le sang, la sueur et les larmes ("comme les forces nous manquent parfois, une bagarre aurait plus de gueule /passer ton visage à tabac pour qu’enfin plus personne n’en veule") que le morne engourdissement de la routine.

La déroute (joliment) aigrie se poursuit avec "I Want To Go Home", cartographie d’un mal-être dans Paris sans amour, sur un air gentiment pop avec chœurs féminins pour colorer un peu la blancheur de la voix.
"A la mer", métaphorisation maritime du désarroi de l’amant, pourrait ensuite évoquer du Dominique A récent mâtiné de Miossec éternel… En mieux : il réussit à éviter l’onirisme pénible du premier (Tout Sera Comme Avant ou L’Horizon, quelles purges !) et la complaisance postillonneuse du second.

En matière de réussite, il faut aussi revenir sur une des plus belles chansons de l’opus, intitulée "Au Travers" . Celle-ci évoque encore l’idée d’un retour à la vie, après torpeur, d’un jeune homme excessif et jouisseur, avec tout ce que cela présuppose de facilités, laisser-aller et faillites prématurées. Lancé dans toutes les aventures possibles et imaginables (il est beaucoup question de sexe, d’amours rapides et consommations illicites), avec relent de gueule de bois (et toujours les cendres tièdes de la bien-aimée dans la poche). Ce titre assure peut-être le lien le plus intéressant qui soit avec les Chansons d’Amour : il représente en quelque sorte l’envers du tube "Je n’aime que toi", où la divine Clotilde Hesme prenait plaisir à servir de pont libertin entre les amoureux capricieux. Cette fois, les corps "transpercés" de quasi inconnues séparent de plus en plus les ex-amants, et le texte évoque une chair facilement accessible, mais dépassionnée, bandaisons tristouilles et gouttes de sperme commençant à refroidir dangereusement entre les cuisses, au risque de saloper (encore un peu plus) les draps. Le retour à la jouissance n’est donc pas absolument aisé ni décomplexé chez l’auteur, et cela constitue une alternative réflexive intéressante à ce que proposait le film (oubli dans le sexe et l’alternance des genres).

Pour finir, il convient de dire deux mots de la chanson qui donne son titre et son orientation à l’album, 33 Tours . Celle-ci ramène l’ensemble sur des rivages plus pop (gimmicks musicaux multiples, refrain entêtant), et constitue en quelque sorte une profession de foi. Evoquant un modèle de chanson idéale lors d’une émission radio récente, Beaupain avait en effet cité "Amoureux Solitaire"  (le tube de Lio écrit et composé par Elli et Jacno, rois inégalés de la new-wave française) comme modèle de pop-song légère distillant dans les paroles une mélancolie tenace : un genre de joie endeuillée ou de tristesse gaie, comme on voudra, permettant d’éviter l’univocité et provoquer de bien jolies nuances et oppositions. Vue notre admiration sans borne pour l’œuvre musicale d’Elli Medeiros et Jacno, cette référence avouée nous avait enchantée. Et force est d’admettre que Beaupain a particulièrement bien retenu cette leçon de contrastes, et s’en sert de manière plutôt convaincante.

Dans cette chanson proprement dite ("33 tours"), évocation du désarroi trentenaire, Beaupain pousse le clin d’œil jusqu’à citer, en guise de madeleines de Proust, plusieurs refrains pop des années 80 ("Amoureux Solitaires" , donc, mais aussi "l’Amour à la Plage"  de Niagara et "Tombé pour la France"  d’Etienne Daho), histoire d’insinuer l’idée du temps qui passe en reliant chansons-emblèmes  et amourettes disparues.

Outre cette bonne idée du texte, Beaupain est là parfaitement synchrone avec la tendance du moment, revival new-wave (de multiples compilations sorties ces derniers mois) et redécouverte-réappréciation d’une période un peu trop occultée par la mémoire musicale collective (ou bêtement réduite à ses représentants commerciaux les plus pitoyables). Certains traits musicaux de cette période semblent irriguer durablement ses sillons, et d’autres plages comme "Je Veux", "Et tu t’en veux tellement"  ou encore "A bout de souffle"  évoquent bien les synthés et guitares rythmiques du vétéran Jacno, ou la chanson pop à voix blanche type Daho, en moins funky cependant. [Note : dans une même optique de revival 80’s intelligent, le Toystore  de Coralie Clément chroniqué quinze jours plus tôt conviait Daho en duo et reprenait "la Reine des Pommes"  de Lio…].

Toutes nostalgiques soient-elles, ces références nous paraissent plus intéressantes que le pénible revival 70’s revendiqué par les Bénabar et Delerm déterrant Dassin, Delpech ou citant la pantoufle Souchon comme modèle ultime d’audace musicale ! Descendante du punk, la new-wave possède au moins le mérite, même dans ses développements les plus légers, de prendre sa source proche du rock plutôt que faire encore allégeance à une chanson française sclérosée. On ne peut que se réjouir qu’un chanteur inspiré comme Alex Beaupain y puise ouvertement ses sources. Et espérer que cela donnera envie à quelque gamine amoureuse de Louis Garrel d’aller, de fil en aiguille, redécouvrir un peu tout ce pan trop longtemps oublié de si notre belle pop hexagonale.

 

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En savoir plus :
Le Myspace de Alex Beaupain


Nicolas Brulebois         
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