Comment parler d'un disque sans titre composé par des inconnus ? Comment faire sentir au lecteur que devenir auditeur vaudra la peine, lorsque l'on sait à peine de quoi l'on parle ? Vingt cinq minutes de musique, rien que cela, en cinq titres pour un disque qui s'en cherche encore un. Seduction is dead, proclame la pochette, qui ne porte même pas le nom des artistes. Voilà ce que l'on dira, comment on le nommera : Seduction is Dead EP, premier disque du quatuor parisien A moi.
A l'origine du projet, deux guitaristes, échappés d'une autre formation, Innocent X : Pierre Fruchard et Cédric Leboeuf. S'adjoignant les services d'un batteur et d'un bassiste, ils s'offrent des compositions belles et torturées, toutes en rage contenue et en folie assumée. Rock sous tension, expérimental par nécessité viscérale plus que par invention délibérée.
Tout commence avec "En somme", introduction toute en lenteur qui rappellera aux amateurs de post-rock la grande époque où l'on découvrait pour la première fois l'introduction de "Dead Flag Blues" (Godspeed you black emperor !) ; des nuits à fumer ou à conduire, "Des courbes de choses invisibles" (Téléfax) en guise de bande originale ; la voix blanche et inquiétante de Kocka (Absinthe (Provisoire) et son excellent "Alejandra").
Mais A moi n'en reste pas là, à ressasser sans cesse ces atmosphères qui, à force d'être trop peintes, ont certainement perdu un peu de leur éclat musical premier. La formation s'offre le luxe de s'abreuver à d'autres sources : songwriting vénéneux aux relents baudelairiens, particulièrement perceptible avec le très noir "J'aurais voulu t'avoir" ; rock bancal, boîteux, panteloquant, à tous les sens du terme désaxé (ainsi "L'Ange" et "Si j'étais honnête" peuvent-ils être rapprochés des meilleurs titres d'Ulan Bator, version "let go ego" ou "god:dog") ; nervosité des compositions et guitares acérées.
Alors, que dire d'un disque qui ne donne rien à lire, qui n'a pas plus de passé que de titre ? Il reste à se cramponner à ce qu'il donne à entendre. A ce jeu-là, A moi tire son aucun doute son épingle du jeu, avec cet excellent EP, aussi intelligent qu'inspiré, impressionnant de souffle et de densité, qui l'impose déjà comme l'une des formations véritablement intéressante du post-rock chanté à la française. Une promesse à tenir - au plus tôt on l'espère. |