Réalisé par Rabah Ameur-Zaimeche. France. 2008. Comédie dramatique avec : Rabah Ameur-Zaimeche, Abel Jafri, Christian Milia-Darmezin.
Dans une zone industrielle, Mao, patron de confession musulmane est propriétaire d’une entreprise de réparation et de transport de palettes. Un jour, il décide d’ouvrir une mosquée sur ce lieu de travail, et désigne l’imam sans aucune concertation.
Après Bled number one, qui relatait du retour au bled d’une victime de la double peine, Ameur-Zaimeche réalise cette fois-ci une fiction sociopolitique qui se déroule en France. Ce film aborde plusieurs aspects de notre société : le prolétariat moderne, la place de l’Islam dans le travail, tout ceci traité avec recul, donnant à l’ensemble un aspect à la fois documentaire (par le choix des sujets traités) et théâtral (par le choix du décor).
L’action se déroule dans une zone industrielle près d’un aéroport ou l’on voit les gens travailler sur la réparation et le stockage de palettes. C’est un travail éprouvant qui se déroule la plupart du temps en extérieur, quelque soit le temps.
Ces employés n’ont pas de qualifications, à l’exception de deux mécanos qui se chargent de la réparation des camions dédiés au transport des palettes. Ceci ne les protégera pas d’un licenciement...
On voit à travers ces scènes du quotidien au travail la dureté des tâches et la précarité. Tous ces gens soumis à ces conditions trouvent réconfort dans la camaraderie, mais aussi dans leur religion : l’Islam.
Et c’est là le sujet principal du film. La religion comme dernier bastion (maquis ?) face au désespoir, comme lien solidaire, mais aussi comme outil de manipulation. C’est Mao, patron prosélyte, qui décide de créer une petite mosquée et qui va choisir l’imam, lui-même employé. Mao lui expliquera ce qu’il attend de lui : un enseignement religieux pour l’esprit, le corps…et le travail ! D’ailleurs après la première prière au sein de la mosquée, certains frères remettront en cause le choix de l’Imam et iront prier de leur côté.
La complexité de la question religieuse au travail est donc abordée par le biais de l’observation : on y voit le débat dans la communauté, la beauté des prières chantées, l’avis des uns et des autres sur la façon d’être un bon musulman et d’aller au paradis, comment un nouveau converti essaye de faire passer une circoncision faite « maison » pour un accident du travail, tout ça mâtiné d’un parti-pris sur le danger de la manipulation.
Ameur-Zaimeche s’inscrit dans son temps par le discours, ceci en demeurant avant tout un artiste. L’opposition employé/employeur, religion intime/manipulatrice prend des aspects symboliques à travers les décors choisis, en confrontant zone industrielle et nature. La quasi-intégralité du film se déroule au milieu de montagnes de palettes rouges (le réalisateur dit en avoir commandé des centaines de milliers pour les besoins du film), dont la forme est en perpétuelle mouvance, donnant une impression de scène de théâtre. Tantôt outils de travail, tantôt utilisées comme minaret, parfois elles constitueront des murs au travers desquels la lumière passe. C’est une très belle idée du réalisateur qui donne une vie propre et symbolique très forte à ce décor.
Enfin, comme dans Bled number one, la nature est présentée comme une respiration dans le récit dramatique. Je me souviens de ces beaux intermèdes dans Bled… ou un guitariste américain jouait dans les montagnes d’Algérie, ceci à la suite de scènes d’agressions. Ici, la nature vient briser la dureté du quotidien sous la forme d’un ragondin qui s’est perdu dans une fosse de réparation de véhicules. Cet épisode constitué de deux scènes, entre la capture et la libération de l’animal sur les bords de Seine, vient à point. C’est un instant un peu loufoque et inattendu qui apporte une légèreté nécessaire au film. Qui permet aussi de montrer l’effet apaisant et poétique de la nature.
Dernier maquis, présenté à la quinzaine des réalisateurs à Cannes 2008 mérite que vous alliez le voir. Ce film indépendant met en place de nombreuses pistes de réflexions d’actualité, en gardant un recul certain sur les idées défendues. Ceci lui donne d’autant plus d’intérêt qu’il laisse le spectateur libre de penser, ceci sans oublier de donner au tout un peu de cette délicatesse dont Ameur-Zaimeche a le secret. |