Comédie
de Molière et Corneille, mise en scène de Coralie
Salonne, avec Aurélien Bédéneau, Thomas
Bousquet , Marie Bringuier, Jacques Dennemont, Antoine Desmarais,
Yves Jouffroy, Marie Peylhard, Anne Ségolène et
Catherine Van Hecke.
En trois opus sur deux saisons au Théâtre du Nord-Ouest,
Coralie Salonne confirme une intelligence d'élaboration
dramaturgique et un talent certain de metteur en scène
avec des pièces classiques atypiques, impossibles à
monter, qui constituent autant de challenges, dont elle fait
des enchantements.
Après "Les visionnaires", comédie baroque
de Jean Desmarest de Saint-Sorlin, et "Périclès",
tragi-comédie rocambolesque de Shakespeare, elle s'attaque,
dans le cycle Molière, à "Psyché",
une improbable tragédie-ballet née de la plume
conjointe de Molière et Corneille.
En effet, divertissement de cour conçu comme une pièce
à machines qualifiée en son temps, même
si elle connut un succès considérable, de "ballet
pompeux, grand et auguste", cette fantaisie repose sur
le canevas du mythe d'Eros et de Psyché.
En deux mots, Vénus, déesse vieillissante, veut
se venger de Psyché, simple mortelle dont la jeunesse
et la beauté détournent d'elle des amants qu'elle
ne devait plus qu'aux traits charmiques de son fils Eros. Un
fils qu'elle charge de séduire la belle pour lui faire
endurer les feux d'une passion non partagée sans se douter
que celui-ci succombera à son tour.
Coralie Salonne, qui montre son appétence pour les pièces
singulières et bigarrées, démontre un incontestable
talent pour syncrétiser les registres différents,
comme, en en l'occurrence, et entre autres, une intrigue de
comédie (l'amour inattendu d'Eros pour Psyché
qui contrarie sa mère et va l'émanciper de son
autorité), une tragédie antique (le déterminisme
surnaturel), une féérie doublée d'une allégorie
mystique (de l'amour d'un dieu à l'amour de dieu), en
leur donnant une vraie unité de ton.
Le ton, placé sous le signe de la fraîcheur, la
grâce et la poésie de la jeunesse et de l'amour,
est ici résolument léger et aérien sans
pour autant méconnaître la gravité et le
sens du propos, en écartant toute mièvrerie inhérente
à la représentation des aventures des hommes et
des dieux.
En effet, après un ballet introductif sur rythme gipsy,
quelques pas de danse à la Fred Astaire-Ginger Rodgers
et un univers sonore scandé par des standards du jazz
des années 50 interprétés par des crooners
légendaires, déplace l'espace spatio-temporel
de ce théâtre du merveilleux du 17ème siècle
vers la comédie sentimentale hollywoodienne, une transposition
particulièrement réussie et bienvenue.
Coralie Salonne manifeste également une belle capacité
à fédérer de jeunes talents en diversifiant
ses distributions. Des distributions dont Aurélien
Bédéneau serait le fil rouge. Poète
amphigourique, prince elfique ou, en l'espèce, amant
magnifique, Aurélien Bédéneau, au jeu maîtrisé
et plein de couleurs, est incontestablement un comédien
qui transcende les personnages qu'il incarne de manière
tout à fait alchimique. Il forme ici avec Anne
Ségolène, archétype de la jeune
première, qui incarne Psyché et manifeste un fort
potentiel, un couple délicieux.
Face à leurs aînés aguerris, Catherine
Van Hecke, Yves Jouffroy et
Jacques Dennemont qui jouent les personnages
adultes de ce conte, cette pépinière de jeunes
talents, dont l'expressive Marie Peylhard,
donne à ce spectacle un incontestable rayonnement.
|