Spectacle de théâtre musical conçu et mise en scène par Riccardo Castagnari, avec Quince et Andrea Calvani au piano.
Avec "Marlene D.", Riccardo Castagnari évoque la figure légendaire de Marlene Dietrich à l'époque où, star vieillissante, mais toujours spirituelle, qui entame son come back avec un récital devenu lui aussi, à divers titres, légendaire, elle se trouve à un moment de sa vie où affleurent les bribes d'une vie et refluent les souvenirs. Des souvenirs fragmentés qui sont ici livrés comme autant de petits éclats d'un miroir qui se brise.
Marlene Dietrich, star incontestée, symbole de la femme fatale qui sévissait à l'âge d'or du cinéma hollywoodien, icône fabriquée comme un produit de marketing dont toutes les composantes sont savamment étudiées et initiée par le studio Paramount dans sa guerre des studios, notamment avec la Metro Goldwyn Mayer qui avait Greta Garbo pour champion, était de ces actrices qui, de Mae West à Marilyn Monroe, trente ans plus tard, marquèrent l'histoire du cinéma.
De manière habile et non caricaturale, Riccardo Castagnari évoque l'anachronisme de cette icône mythifiée de son vivant, un mythe qu'elle avait elle-même contribué à forger, et qu'elle entretenait soigneusement, avec l'atavisme de celle que le réalisateur Billy Wilder, avec qui elle avait tourné plusieurs films dont , qualifiait de " Hausfrau allemande qui préférait frotter le parquet et faire des oeufs brouillés".
Un comportement janusien pour une femme qui, en définitive, derrière les anecdotes savoureuses, reste fondamentalement seule même si son carnet d'adresses et le monde regorge d'admirateurs.
Dans de somptueux costumes glamour, sous des lumières particulièrement travaillées, sur la scène modeste du Lucernaire comparée à celles des salles dans lesquelles se produisait la diva de la pellicule pour son récital, cheveux platinés, visage momifié sous le maquillage, tout n'est qu'apparence et représentation et la composition de Quince, comédien et chanteur, accompagné au piano par Andrea Calvani, est touchante à plus d'un titre.
Ni imitation, ni caricature, elle révèle la fragilité
du personnage mais aussi peut être celle de l'acteur qui
s'y identifie. Quince lui prête son accent anglo-saxon
étrangement envoûtant, tout comme son timbre de
voix chantée, et a la présence presque évanescente
du fantôme de la star disparue qui ne cesse de fasciner.
De l'évocation à la convocation des âmes
disparues.