Pour ceux qui ne connaitraient pas la Fiesta des Suds, il est primordial, voire impératif de combler ce manque en disant quelques mots sur le concept de ce festival. Parce qu'avant tout la "Fiesta", pour les intimes, c'est un lieu de rencontres. De rencontres musicales où durant 7 nuits de concerts, il est possible de découvrir ou redécouvrir des artistes aux styles et aux univers très variés.
Des sonorités Jazz/Soul d'Herbie Hancock aux rythmes cubains d'Omara Portuondo, en passant par les mélodies de Rokia Traoré, la Fiesta nous propose un périple musical sur presque tous les continents.
Un lieu de rencontres avec des associations ou entre deux concerts vous pourrez venir discuter avec des bénévoles d'Amnesty International, Greenpeace ou encore la Fondation L'Abbé Pierre qui, pour l'occasion, expose dans un container une installation sensorielle sur le mal logement. Et pour finir, un lieu de rencontres où il est possible d'échanger avec des gens de tout âge venus partager, le temps d'une soirée, leurs passions pour la musique.
La première escale de notre voyage nous emmène à Chicago où le 12 avril 1940 naquit Herbert Jeffrey Hancock. Comme pour beaucoup de génies, le talent se découvre très vite chez Herbie puisqu'après une éducation musicale classique débutée à l'âge de 7 ans, il jouera le premier mouvement du Concerto No. 5 en ré majeur de Mozart dès ses 11 ans à un concert pour jeunes avec le Chicago Symphony. Après avoir interrompu ses études pour se consacrer exclusivement à la musique, Herbie enregistra en 1962 son premier morceau, Takin Off, pour le label Blue Note. Mais Herbie ne fait pas que composer pour son propre compte et en offrant à Mongo Santamaria un hit, "Watermelon Man", il se fera remarqué par Miles Davis qui monte à cette époque un nouveau groupe, le Miles Davis Quintet qui permettra à Herbie Hancock de trouver son propre style. Il développe un style bien à lui en fondant harmonieusement au jazz des éléments de soul, de rock, de funk, de disco et de hip-hop. C'est cette mixité qu'il a apporté au jazz qui a résonné dans les docks des suds et permis au public marseillais de découvrir une véritable légende du jazz. Enchainant les titres qui ont fait son succès, Herbie Hancock a ravi le public par ses interprétations pleines de passions.
Nous décollons ensuite pour la Havane rejoindre Omara Portuondo, la plus grande dame de la chanson cubaine, qui nous fait vibrer sur plusieurs styles de musique dans lesquels elle se retrouve avec la même aisance (le son cubain, le filin, le boléro, la chanson lyrique, le jazz).
Avec une carrière de plusieurs décennies et un succès international avec le Buena Vista Social Club où elle sublime la musique cubaine aux côtés d'Ibrahim Ferrer et Compay Segundo.
L'Edith Piaf de Cuba, du haut de ses 78 printemps arrive sur scène et dégage immédiatement une telle énergie et une telle joie de vivre qu'on est tout de suite emporté par la foule.
Mais comment résister à une dame qui vit tellement sa musique qu'on a l'impression qu'elle nous raconte une histoire différente à chaque fois ?
Pour cette véritable communion avec le public, cette énergie extraordinaire, cette passion intacte après un carrière d'une soixante d'années et ce charme époustouflant, un seul mot à dire... gracias !
Nous revenons en France avec Camille Bazbaz qui mélange habilement plusieurs styles de musique. Après avoir été influencé par le punk et le rock des années 1970, il va être marqué par le reggae, la musique soul et le blues. Son premier groupe, le Cri de la Mouche se sépare au début des années 1990, Camille Bazbaz va alors évoluer au gré de ses rencontres dans l'univers hip hop essentiellement, il collaborera notamment avec Joey Starr. Un parcours qui le mènera un soir d'octobre à offrir au public marseillais un show haut en couleurs.
Ce périple autour du monde de la musique nous conduit au Liban ensuite rejoindre Ibrahim Maalouf et son quintet. Pour les puristes, il est bon de relever qu'il est le seul trompettiste au monde à jouer la musique arabe avec la trompette à quarts de tons que son père a inventée dans les années soixante. Après avoir fui le Liban avec sa famille, Ibrahim Maalouf va rejoindre la France et y faire ses études. Il entre au CNR de Paris où il suivra une formation classique sans pour autant oublier ses origines et cette fameuse trompette à quarts de ton de laquelle il fait sortir des sonorités arabes que le reste du groupe mêle à des styles plus occidentaux (rock, électro, jazz funk). Le rendu sur scène est impressionnant voire envoûtant, et le public rejoint avec plaisir Ibrahim Maalouff dans sa "prière collective universelle", partie plus méditative de ses concerts.
Il est l'heure de rendre hommage à des artistes locaux avant de poursuivre notre voyage musical. Moussu T e lei Jovents dont la musique est à l'image de Marseille, une musique cosmopolite, fière de ses racines et authentique. Emmené par Tatou (chanteur du groupe Massilia Sound System) et ses musiciens, Moussu T e lei Jovents nous fait découvrir le littoral occitan entre Marseille et la Ciotat. Écouter Moussu T et lei Jovents est le meilleur moyen de faire une balade en musique là où Il fait Beau.
Nous nous retrouvons maintenant outre-Manche, pour rencontrer Asian Dub Foundation, une rencontre plutôt sportive si on est dans la foule devant la scène où le public survolté enchaine les pogos.
Ce collectif de musique électronique alternative est né en 1993 à Londres et mélange avec talent Dub, Hip-hop, Dancehall, Drum'n'Bass, Ragga, Jungle, et Rock.
Depuis 15 ans, le groupe a beaucoup évolué et multiplie les projets artistiques tout en développant une conscience politique qui leur amèneront une certaine reconnaissance dans le monde associatif antiracisme qui salue leur prise de position et leurs initiatives.
De l'énergie, de l'énergie, une énergie extraordinaire, voilà ce qui ressort d'un concert d'Asian Dub.
Dès les premiers accords le public, acquis à la cause du collectif, se met à bouger et à danser et quand le groupe passe la vitesse supérieure, tout s'accélère, certains se font porter par la foule et se retrouve une dizaine de mètres plus loin, dans tous les coins le public est en folie et saute de partout dans une ambiance fantastique. Une déferlante musicale irrésistible.
Nous partons en Afrique maintenant, rejoindre le Mali de Rokia Traoré. Comment définir la musique de Rokia Traoré ? Un pont jeté entre la musique traditionnelle malienne et le modernisme occidental.
Cette mixité se retrouve dans le parcours de l'artiste qui a suivi son père, diplomate, dans plusieurs pays (Algérie, Arabie saoudite, France et Belgique). Rokia Traoré a ainsi enrichi sa musique au gré de ses voyages sans oublier la musique des griots, dépositaire de la tradition orale dans la culture africaine. Un métissage qui réchauffe et éclaire la nuit marseillaise.
Le Brésil s'approche à l'horizon et nous apercevons une nymphe brésilienne monter sur scène.
Révélée au grand public par son duo avec un certain Ben Harper, Vanessa Da Mata est aujourd'hui une artiste reconnue.
Si elle se destinait à une carrière dans la médecine, elle a finalement choisi la musique (pour notre plus grand bonheur). Autodidacte, elle commence à se produire dans les cafés. Dès 1992, elle rejoint Sao Paulo et joue avec la formation jamaïcaine Black Uhuru. En 2002, elle lance son premier CD, Vanessa da Mata. Sa musique douce et paisible nous révèle un véritable talent.
La Fiesta touche à sa fin et nous rentrons en France pour voir la prestation du dernier des grands auteurs compositeurs interprètes français, M. Alain Bashung.
Le public de fidèles, plus âgés que pour le reste de la programmation de la Fiesta a répondu présent et il est presque impossible de traverser la foule dense et compacte d'aficionados de la musique torturée de Bashung. Son rock sombre peut sembler difficile d'accès mais nécessite une écoute approfondie des textes pour en saisir toute l'envergure. Une oeuvre d'une trentaine d'années qui fait d'Alain Bashung un monument du rock français.
|