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Perfect Colors  (Atmospheriques)  janvier 2004

Je n’ai jamais bien compris ceux qui affirment qu’il faut se défier des a priori.

La plupart du temps le premier jugement est le bon, et le tout n’est pas tant que le cap soit bon mais maintenu fermement et la décision hardie. L’amateur de rock plus ou moins indépendant est ainsi souvent jugé de mauvaise foi, partial, et prêcheur pour une chapelle au pied de laquelle il s’est échoué tout petit sans doute un peu malgré lui.

Tout cela est certainement vrai, mais on se trompe alors en trouvant pathétique cette forme d’intégrisme du bon gout. Toute l’exquise habileté de l’entreprise réside dans une esquive permanente pour éviter ses propres contradictions ("On a oublié deux choses dans la déclaration des droits de l’homme : le droit de s’en aller et le droit de se contredire"), mais il arrive parfois qu’un pan de ses a priori conscienceusement étoffé autour d’un numéro d’arrogance permanent se fissure : une tempête imperceptible loin du déchirement interne qui voit voler en éclats les certitudes de musicologue adolescent.

En effet l’heure est grave : et si finalement tout n’était pas à jeter dans la "french touch"?

On se réjouissait tantôt de la disparition de la hype autour de cette micro-scène qui a fait école en partant de quelques lycées versaillais, au premier plan on retrouve les petits gars astronomiquement surestimés de Air : on leur accorde une bonne bande original de film (la cinéaste ayant eu depuis moins de flair pour son nouveau long métrage en déterrant les restes poussiéreux de My Bloody Valentine) et quelques titres qui réussissent à nous prendre par surprise ou sur un malentendu. Une branchitude dérisoire au succès incompréhensible (quand on pense que Programme n’arrivent pas à sortir ses albums des tiroirs!) et alimentée par un revival sans honte pour réussir cette grande escroquerie fin de siècle.

Ces quelques années durant lesquelles les frenchies ont été omniprésents leur ont permis de dévoyer à un niveau mondial bien des innocents (qui sait, sans eux Beck ne serait peut être pas scientologue). Cela étant il n’est plus (trop) question de fiel ici, les talentueux versaillais ayant fini par retourner à un anonymat relatif (tout est relatif), on pourrait croire le dossier classé avec l’effet de mode tiédi, une affaire définitivement close dont ne restent que des piles de cédés dans les boutiques d’occasion peu regardantes

Mellow est ainsi un survivant atypique de cette dynastie improbable qui revient après une grosse ellipse qu’on pensait fatale. Le dossier de presse frise le comique quand il tente de crédibiliser le groupe en le rattachant à la co-écriture d’un titre de Air. A vrai dire ce rattachement au mouvement morbide de Nicolas Godin et J-B Dunkel est une maladresse malheureuse quand il suffit de laisser parler le disque. En effet sans y croire au début, l’album est plutôt bon. Même bon tout court à vrai dire. Comme quoi.

Bien sûr on garde un a priori qui met un peu de temps à s’évanouir quant à la relative proximité formelle indéniable avec les artifices clinquants de Air (le grand frère semble bien décidé à squatter cette chronique), mais les influences et les points de repère sont beaucoup plus larges et relativement élogieuses : du sixties à tire-larigot et avant tout (on n’en sortira jamais), Mercury Rev avant la chute (Drifting out of sight), du Regular Fries pour le psychédélisme en intraveineuse, les Papas Fritas assagis dans la grisaille parisienne et Gainsbourg bien sûr (un incunable pour la french touch)…

Au final un grand disque pop fait d’une pop ludique, fraiche et bien de sa personne et distancière. On pense un peu à un Parsley Sound sans mysticisme pour ce mélange de pop et d’électronique (aucun rapport avec la vulgarité de l’électro-pop), il en ressort de bons morceaux agréables aux univers oniriques et droles qui s’enchaînent bien durant les cinquante minutes du disque. On navigue de bon gré dans un flux curieusement anachronique, fait de peu d’asperité à part sur "Out of reach" sympathiquement rentre dedans (assez "à la blur") mais même là les saletés sont propres gommées par cette propension à arrondir les angles ("heureusement il y la viande").

Le grand écueil (évité) de ce genre d’entreprise reste à mon sens les morceaux en pilote automatique (dont Air sont les champions incontestables). Ici le format est très clairement orienté chanson (contrairement aux précédents albums) et là encore "pop" ce qui permet d’échapper à cette tentation soap. Le seul morceau qui s’écoute un peu lui même et le titre de fermeture de l’album ("hidden track") gentiment atmospérique et plus électronique que le reste de l’album où encore et toujours on retrouve le spectre de Air au détour d’une nappe évanescente.

Pour l’occasion en plus de l’attirail classique on a sorti des tiroirs (voire du musée) theremyns, moog, mellotrons, et puis quelques cuivres et cordes pour illuminer la production, en réél ou en virtuel, tout cela étant en effet enregistré et produit essentiellement au home studio du duo (un ProTools vaut largement un Nigel Godricht en petite forme). Ceci pour couper l’herbe sous le pied de ceux qui prétendent que seuls les gros labels permettent l’accès à une production en grand studio et ainsi de sortir de l’amateurisme ; c’est peut être un des seuls fruits des artistes de la french touch : nous prouver que l’on peut sortir des disques archi-produit riches en curiosités sonores sans sortir de son appartement.

Ici la production est extrêmement léchée et ne sent pas le renfermé à la différence de certains home recording cheap, relativement souple et riche, très loin d’un enregistrement lo-fi et clairement retravaillé intensivement ce qui donne cette idée de luxuriance sonore controllée et arrondie. Pas de recette appliquée pour autant, l’artifice reste pour le coté ludique mais l’album va vraiment quelque part, les chansons sont réussies, parfois vulnérables comme sur" In the meantime popsong" assez basique sur toutes les mauvaises raisons d’écrire une chanson, et souvent entêtantes sans gimmick facile qui met la main aux fesses comme Bosco et compagnie.

Au niveau des paroles cela reste assez déluré (très pop donc), sans ambition mais sans gene : on s’amuse ainsi sur des morceaux comme "Love ain’t the answer" ou "It was raining" qui font un portrait pince sans rire de l’image qu’on se fait de la clique en question, une sorte d’image d’Epinal du jeune versaillais branché, playboys et nouveaux minets du drugstore. (“crac boum hue”)

Cette musique doucement acidulée, pop sucrée par excellence visite rarement les royaumes merveilleux du label Elefant 6 et de sa folie furieuse psychédélique, en effet à l’image du livret le contact reste glacé et sans aspérité, sous un contrôle sans grosse ficelle mais omniprésent. Si en contrepartie le disque y garde en fraicheur et en fluidité, il reste que les meilleurs albums pop et innovants sont ceux qui assument d’avantage le coté débridé de la production (the Unicorns actuellement ou Olivia Tremor Control il y a peu).

Le parti pris n’est donc pas celui de l’exubérance de l’originalité mais de revisiter avec innocence et professionalisme une musique sixties dont on ne s’est jamais vraiment remis. De ce point de vue le défi est rempli et donne un pendant de bonne qualité à des disques plus torturés, c’est à dire la musique de névrosés usuelle qu’on affectionne dans ces pages. Ici il faut sur le principe accepter cette musique molle, artificielle et anachronique sans être has-been, pour commencer à savourer une oeuvrette sympathique.

Sans répondre à une ambition démesurée, ce Perfect colors réussit le pari insensé de nous réconcilier avec la french touch (une scène liée intimement à un cercle de personnes), à éviter le ridicule, et à faire dans son genre un album à conseiller pour mettre de bonne humeur ou pour écouter un bon disque tout simplement.

Cette heureuse découverte effectuée, on prend peur d’avoir jugé sur une impression fugace l’ensemble de la bande de cette touche française. On se jette alors avec fébrilité sur un disque de Air perdu dans l’étagère poussièreuse des artistes français, mais heureusement on éclate de rire devant l’indigence de 10000 Hz pas sauvés par le timbre de Mr. Hansen. Ouf pas de remise en cause en début d’année, ce Perfect colors est une réussite isolée et à la vie indépendante.

Tant mieux et tant mieux.

Mellow sera en concert au Café de la Danse le 3 février 2004

 

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

L'interview de Mellow (Fevrier 2004)


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