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chiffre porte bonheur ou l’inverse, qui se conjugue aujourd'hui
avec la "girl attitude" des pré-adolescentes en
quête d'identité et de reconnaissance.
Le choc de l'adolescence rien de nouveau direz-vous. Certes, mais
quand vous voyez la gamine, dans le contexte d'une famille éclatée
de condition modeste en banlieue urbaine américaine, jeter
avec détermination ses peluches et barbies à la poubelle
vous pouvez raisonnablement penser que la dérive n'en sera
que plus brutale et violente.
Premiers plans : deux gamines shootées se donnent claques
et coups de poing. En quatre mois, menant quasiment une double vie,
Tracy a basculé de l’enfant studieuse à la petite
pouff au bord de l’hystérie, amorale, perverse, qui
fume, boit, sniffe, ment, vole, suce, chaque minute devant être
consommée et consumée avec rage, qui à force
de vouloir paraître et être reconnue se marginalise
aussi bien socialement qu'affectivement alors qu'elle est en recherche
permanente d'amour.
Mais Tracy n’était pas tout à fait aussi lisse
et heureuse qu’il y paraissait. Le mal de vivre prééxistait
chez cette gamine d’une famille décomposée,
une mère, ex-droguée, jeune encore qui a envie aussi
de vivre une vie personnelle et qui a du mal à joindre les
deux bouts, un père remarié et lointain, qui s’inflige
des blessures quand la douleur est trop intense, automutilation
pour tenter d’évacuer hors de soi la douleur mentale
et pour que la souffrance physique prenne le pas sur cette dernière.
L’envie de sortir de l’anonymat, de rendre jalouses
les filles de son bahut, d’exciter la convoitise des garçons
et l’attirance équivoque qu’elle éprouve
pour Elviza, jeune lolita délurée et provocatrice,
enfant livrée à elle-même et qui navigue sans
complexe en parasite s’affranchissant d’autant plus
facilement de toute règle dès lors qu’elle n’est
intégrée dans un aucun milieu ni social ni familial
l’entraîne aux confins de l’horreur, horreur recherchée
par une fille qui entretient un rapport tout particulier avec la
douleur physique (automutilations, piercing…).
C’était peut être cela la descente aux enfers
inexorable, le voyage initiatique pour quitter l’enfance.
Quatre mois pour se rendre compte que cet affranchissement excessif
n’est pas si libérateur que cela et qu’il ne
résoud pas ses véritables problèmes.
A noter que cette histoire se déroule dans une société
qui brille par la détresse des femmes, divorcées,
laissées pour compte, vivant d'expédients, et l’absence
des hommes. Non pas l’absence physique mais morale, des mecs
complètements impuissants, perdus, obéissants ou démissionnaires.
Catherine Hardwicke nous offre un film brutal qui montre les choses
avec la rigueur presque froide d'un documentaire tout en ne cédant
ni au voyeurisme ni au systématisme à partir d'une
histoire vraie, l'adaptation du roman autobiographique de Nikki
Reed, l’interprête du rôle d’Elvie, tout
en laissant entrevoir une lueur d’espoir en laissant aux parents
un rôle à jouer face à ces fausses adultes qui
sont encore des enfants.
Le film est servi par une excellente interprétation : Holly
Hunter en mère aimante qui passe par toutes les étapes
de l’inquiétude à la démission, du désarroi
à la colère, Nikky Reed en Lolita infernale et surtout,
dans le rôle principal, Evan Rachel Wood dans un rôle
tout en nuances.
Rien d’étonnant dès lors que ce film ait obtenu
de nombreux prix dont le Prix du jury du 29e Festival du cinéma
américain de Deauville.
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