Comédie
de Molière, mise en scène de Jean-Pierre Bernard,
avec Philippe Ariotti, Bernard Chauveau, Daniel Desmars, Laure
Berend, Christophe Canel, Aurélien Bédéneau,
Mathieu Davidson, Michel Pilorgé (ou Jean-Gérard
Héranger).
D'ordinaire chez Molière ce
sont les jeunes filles que l'on contraint au mariage. Dans "Le
mariage forcé" c'est le barbon imprudent
qui ne peut se dédire, s'avisant un peu tard que sa jeune,
jolie et accorte promise s'avère une coquette pragmatique
affublée d'une famille intéressée.
Naïf, égoïste mais aussi, d'une certaine manière,
touchant et pathétique, Sganarelle s'avère le
pendant d'un George Dandin éclairé avant les noces
et condamné à s'exécuter au sens propre
comme au sens figuré.
La projetant dans notre siècle, Jean-Pierre
Bernard a resserré cette comédie-ballet,
écrite en collaboration avec Lully, pour l'épurer
de son aspect "comédie-mascarade" et lui donner
une dynamique de comédie de mœurs à la Labiche,
dans laquelle le rire est parfois jaune, rondement menée
et divertissante.
La distribution est épatante et la troupe, de connivence,
au taquet pour empoigner avec drôlerie des personnages
qui sont des figures caricaturales dont l'habit fait le moine.
Entourée d'une parenté mafieuse, Mathieu
Davidson en frère loubard belliqueux, Michel
Pilorgé en père soucieux de la réputation
de sa fille et Bernard Chauveau en
parrain corse, légère et court vêtue, les
bras chargés de paquets shopping, Laure
Berend est une Dorimène pétillante affichant
clairement une préoccupation qui ne peut abuser que les
nigauds.
En l'occurrence, le nigaud c'est Philippe
Ariotti, costume étriqué et galurin trop
petit, qui campe avec brio le petit bourgeois imbu de sa personne,
le prototype du cocu de la vie, qui se délite, se rabougrit
et vieillit au fil des minutes, abandonné à son
triste sort tant par son faux bel ami, Daniel
Desmars dandy à souhait, que par les doctes savants
version hystérique pour Christophe
Canel et introverti pour Aurélien
Bédéneau qui offrent deux beaux numéros
comiques.
Une heure délicieuse et drôlissime de théâtre
généreux. |