Si certains festivals revendiquent ouvertement une esthétique musicale, le festival GéNéRiQ qui pose ses amplis dans le grand Est pour la troisième édition assume pleinement son étiquette "tout public" en proposant une programmation riche, variée et intergénérationnelle.
Alors forcément les traces laissées par les nombreux concerts ne sont pas les mêmes pour tous mais permettent de belles découvertes dans tous les styles, pour peu que l’on soit curieux et ouvert d’esprit, ce qui n’est finalement pas si rare de nos jours au vu de la bonne fréquentation de l’évènement.
Les rabats joies puristes enfermés dans leurs certitudes parleront peut-être d’éclatement, je retiens pour ma part une toute autre tendance après dix jours d’immersion, la Fusion. Fusion des genres, des instruments, des musiciens, des publics, des âges, bien loin de l’uniformisation des sons et des esprits.
Vu deux fois cette semaine, ce texan d’Austin, signé chez Bloodshot Records, a d’abord enflammé la Poudrière de Belfort avant de violer les oreilles des invités dans une imprimerie montbéliarde réaménagée en salle de concert pour l’occasion.
A ceux qui attendaient un blues classique et classieux, l’auto proclamé "dirty old one man band" a servi un set tout en puissance sur la base d’une ultra saturation, du chant qu’il passe par un ampli Fender Blues Deluxe à la limite de la rupture, de sa Gibson 59 torturée, de son tambourin maltraité au pied pluggé sur un caisson de basses. Le son est massif comme le Monster Truck qui l’a percuté à 100 km/h en 2003 et ce sale type revenu de l’enfer nous crache ses démons du rock’n roll entre deux séances d’insultes, le temps de se réaccorder et de s’enfiler une goulée de bière.
Dans ce son crasseux, Scott H Biram a digéré des influences glanées sur les routes poussiéreuses de ses nombreuses tournées, cuisinant le blues et la country à la sauce punk, se délectant de digression métal à l’efficacité ravageuse qui ferait pâlir certains groupes de death. Planqué derrière ses vieux micros, coiffé d’une intemporelle casquette du Callahan’s General Store d’Austin (on y trouve à peu près tout, du fer à cheval aux vêtements western, semences, nourriture…) et chaussé de baskets à scratchs, il semble bien loin de cette image de texans à Stetson façon Dallas.
Car si celui que l’on compare souvent à Bob Log 111 est un pur produit de la cambrousse américaine, il fait aussi parti de ces texans qui ont voté Obama. L’agression sonique qu’il nous fait subir n’enlève rien à sa sympathie et le public s’empare furieusement de cette dynamique décomplexée qui sent bon l’authentique rage de vivre.
Enfin des tripes, du gros rock qui dépote, de la sueur, des larmes, de la poussière, des montagnes ou des déserts à apprivoiser, cette fucking envie d’avancer tel un rouleau compresseur.
Alors quand nous voyons qu’un seul mec est capable de tout ça, oui, ça force le respect. |