C’est presque "par effraction" que les Mansfield.TYA se sont immiscées dans nos vies, voici quelques années… Lors d’une soirée où elles n’étaient pas conviées : au Festival des Inrocks, le 4 novembre 2005, nous étions venus applaudir Cat Power, et subir/découvrir les groupes qui la précédaient (les lourdingues The Rakes et Test Icicles ; les plus subtiles The Organ… qui viennent malheureusement de se dissoudre).
Au milieu du programme, alors que l’attraction vedette tardait toujours à paraître, nous avions vu débouler sur scène ces parfaites inconnues pour un interlude impromptu. La chanteuse garçonne à voix écorchée grattait jusqu’à l’os une guitare maigrelette, tandis que sa brunette complice déployait une multitude d’instruments (violon, piano jouet, accordéon) pour offrir un contrepoint tendrement harmonique à l’aridité de sa copine.
Leurs chansons tendues, hérissées de colère et d’émotivité bravache, firent belle impression et contribuèrent à sauver un peu la soirée (puisque, une fois n’est pas coutume, le concert de Cat Power s’était ensuite avéré très décousu ; sans doute imbibée, l’américaine avait interrompu presque chaque morceau en s’excusant comme une gamine, plutôt pathétique).
Dans la foulée de cette découverte, l’écoute du premier album à peine sorti (June) avait confirmé notre attirance pour ces artistes. Leur univers, déjà bien posé, oscillait entre français et anglais, rage et passion, humeurs nerveuses et dépressives parfois rehaussées par quelques ballades sentimentales du plus bel effet : "Mon Amoureuse", en particulier, qui tourna un peu sur les radios et contribua encore à les faire connaître.
Globalement, leur musique nous rappelait celle produite par Dominique A et son égérie Françoiz Breut. Le grand Nantais, sans doute conscient de cette parenté, dit tout le bien qu’il pensait des donzelles et leur offrit même des premières parties. En retour, elles s’approprièrent un de ses titres ("En Secret", tiré de l’album Auguri) et en livrèrent une version idéale, dépassant presque l’originale.
4 ans et quelques petits projets plus tard (notamment le mini-CD Fuck, en 2006), nos harpies musiciennes sont donc de retour avec ce deuxième album, marchant dans les traces encore fraîches du premier.
Les morceaux évoluent toujours dans une veine chanson rock indé-dépressive : on retrouve les mêmes structures minimales (souvent pas plus de quatre accords) et répétitives (dans le bon sens du terme : insister/marteler pour faire entrer ça dans la tête) grimpant crescendo vers une intensité finale décuplée. Et toujours aussi, de temps à autres, ces histoires de filles qui aiment les filles…
Le sillon ici arpenté est donc EXACTEMENT le même que celui creusé sur le premier opus. Cet univers d’emblée si bien posé, il ne fallait sans doute pas s’attendre à le voir révolutionné trop vite… Selon l’humeur, on pourra y voir une qualité ou d’un défaut : de notre côté, nous sommes enchantés de retrouver le style et les thématiques qui nous avait tant plu la première fois. Mais d’autres, plus rabat-joie, pourraient aussi juger la mèche un peu courte, et parler de ressassement, formule, systématisme, gna gna.
A nos yeux, l’album est encore très cohérent, et ne connaît quasiment pas de baisse de régime. Plutôt qu’un titre à titre, on se contentera donc de pointer certaines chansons parmi les plus inspirantes : "Long Ago", qui ouvre le disque sur une fausse piste ensoleillée, est la seule chanson légère de l’opus et prouve que les Mansfield.TYA sont aussi capables d’écrire de superbes mélodies pop. A contrario, "Des Journées Ordinaires" dépeint le quotidien déprimant d’une jeune femme trop lucide sur elle-même ("Je regrette, je m’excuse, je suis juste un être primaire…") et le monde qui l’entoure.
Un peu plus loin, "Wasting My Time" impressionne par sa montée en puissance et son refrain final (bouche) en chœur. De même, "Déprogrammé" confronte une première partie pianistique plutôt douce à une deuxième moitié hurlée-saturée aux paroles brutales ("J’aurais aimé qu’tu mettes des coups d’poings dans les murs"). Et sur un mode sentimentalement plus positif, "You’re the woman (who released me)" cherche du réconfort dans le regard d’une héroïne longtemps convoitée.
[Note : pour prolonger l’expérience et entendre une facette plus déconnante de la chanteuse de Mansfield.TYA (Julia), on recommande d’urgence l’écoute de son groupe "parallèle" Sexy Sushi. La belle garçonne y développe, avec un autre complice aux syntés-boîtes à rythmes, un électro-clash sexy et bastonneur très réjouissant, à mille lieux des ambiances plombées évoquées ici] |