A l'occasion de la sortie de leur nouvel album Junior, les deux membres du groupe électro-pop Röyksopp nous ont accordés une interview.
Pouvez-vous nous parler de la genèse de cet album Junior ?
Svein : Cela faisait déjà plusieurs années que nous pensions à composer un album plus énergique, comparé à The Understanding. Ces deux dernières années ont été consacrées à la composition et à l’enregistrement de Junior qui est donc la face "énergique" et en parallèle, nous avons travaillé sur Senior, qui montre le côté "atmosphérique" de notre musique. Il était nécessaire pour nous de faire deux disques différents, pour que chacun soit écouté séparément. Senior sera moins rythmé. Je dirais que Senior est plus composé d’instrumentaux que de chansons à proprement dit. Il se destine plus aux gens qui ont le temps de se plonger dans notre musique et moins à ceux qui aiment les chansons dansantes, intenses.
Pourquoi n’avoir pas fait un double album ?
Svein : Nous y avons pensé mais la peur que les chansons soient trop nombreuses était trop grande. Senior n’était pas prêt à temps pour le pressage d’un double album et pour nous, il était important pour nous que Junior sorte au printemps. Senior est sur le point d’être fini. Comme cela fait quelques années que nous n’avons rien sorti, c’était aussi intéressant de sortir deux disques différents au lieu de livrer vingt titres comme ça.
Etait-ce un long processus pour accoucher de ces deux albums ?
Svein : Comme nous sommes impliqués dans tous les aspects du disque, oui ! Créer les sons, composer, faire la pochette… Nous prenons notre temps, heureusement que nous ne faisons pas des horaires de bureau ! Les deux dernières années sont passées vraiment vite malgré tout.
Comment sont reliés les deux albums ? Ont-ils été composés en même temps ?
Svein : C’est sûr qu’ils sont liés par une sorte de parenté, d’où leurs noms. Ils ne sont pas complètement opposés, pas comme le noir et le blanc, mais Junior est plus jeune, plus direct, plus rentre-dedans, alors que Senior est plus expérimental, tout en montant en puissance.
Torbjørn ferme enfin son ordinateur sur lequel il restait scotché depuis le début de l’interview, à se demander ce qu’il pouvait bien regarder…
Torbjørn : Je lisais des chroniques de l’album, il y en a une qui nous donne 9.5/10.
Les chroniques sont déjà sorties ?
Torbjørn : Il y a des journalistes impatients (rires) !
Avez-vous utilisé de nouveaux sons pour cet album ? C’est une question souvent posée aux musiciens électro qui sont soit des fans des nouvelles technologies, soit des défenseurs du Roland Juno ! Où vous situez-vous ?
Svein : Nous sommes vraiment entre les deux car nous aimons autant les nouveaux instruments que les anciens. Bon, peut-être avec une légère préférence pour les anciens instruments !
Torbjørn : Nous avons travaillé avec un plugin qui s’appelle Omnisphere. Avec ça, plus besoin d’avoir de l’analogique car cela sonne vraiment bien. Les logiciels sont devenus tellement sophistiqués durant ces dernières années, mais nous continuons de travailler avec de l’analogique. Les instruments sont parfois un peu faux, ce qui n’arrive pas avec les logiciels, à moins qu’on les désaccorde volontairement ! Les vrais instruments ont un son moins lisse, moins propre. Puis c’est mieux pour le corps et l’esprit de travailler sur différents synthétiseurs que de rester coller à un écran toute la journée !
Cela arrive souvent aux musiciens électro de ne travailler qu’avec un pc et des platines, avec l’aide de Live ou Protools, maintenant que l’on peut télécharger n’importe quel plugin… Vous êtes donc entre les deux…
Svein : Nous n’utilisons même pas Protools. Nous sommes un peu spéciaux et oldschool, nous utilisons PC. Avec d’autres choses plus récentes en parallèle bien sûr. Comme nous voulons que notre musique ne ressemble à aucune autre, nous utilisons des programmes que les gens n’utilisent plus ou peu.
Vous avez incorporé beaucoup de voix féminines dans cet album, pouvez-vous nous en parler un peu ?
Nous avons travaillé avec quatre filles cette fois-ci. Anneli Drecker de Norvège, qui était déjà présente sur le titre Sparks sur Melody AM. Elle chante sur trois titres "You dont have a clue", "True to life" et "Vision One". Ensuite, il y a Robyn sur "The Girl and the Robot", elle est très connue en Scandinavie, c’est sans doute la chanteuse la plus célèbre avec qui nous ayons travaillé. Puis il y a Lykke Li de Suède qui chante sur "Miss it so much" et enfin, nous avons travaillé avec Karin Dreijer de The Knife qui était déjà présente sur The Understanding. Elle chante ici sur "This must be it" et "Tricky tricky".
Appliquez-vous un traitement spécial aux voix ou les laissez-vous telles quelles ?
Svein : Cela dépend du morceau mais nous aimons bien trafiquer en général. Cela dépend de l’expression que l’on veut donner à la chanson.
Torbjørn : Nous aimons utiliser des compresseurs analogiques et nous sommes assez fans de la réverb’. Par exemple, pour le titre "True to Life" , les sons sont passés dans un compresseur analogique, puis sous Tape Echo (pédale d’effet), réenregistrés avec tous ces échos, puis filtrés… Plein de trucs marrants ! Mais dans d’autres cas, comme pour Tricky Tricky, les voix n’ont pratiquement aucun effet, à part un peu d’Equalizer. Les deux sont intéressants. C’est très ennuyeux quand toutes les voix sont retravaillées.
Svein : C’est le gros problème de la pop music, mais c’est un autre débat.
99% de la pop actuelle est faite sous Autotune…
Svein : J’aime bien Autotune, c’est un traitement original, mais pas quand tout le monde l’utilise. Nous aimons beaucoup utiliser le "doubling" pour faire comme une petite chorale qui tapisse le morceau, le genre de truc que l’on entend que si l’on écoute au casque.
Torbjørn : Nous utilisons aussi un vocodeur pour mettre l’accent sur certaines parties des paroles, comme sur This Must be It.
Vous faites des remix pour pas mal d’artistes. Qu’en est-il pour les remixes de vos titres ?
Svein : Pour l’instant, "Happy up here" a été remixé par Boys Noise, HolyFuck, Datassette et Breakbot. C’est un bon début ! Pour le prochain single, sans doute The Girl and the Robot, nous trouverons d’autres personnes.
Vous allez bientôt faire des concerts en Europe ?
Svein : Oui, nous allons lancer notre tournée d’ici peu, dans la plupart des grandes villes européennes. Puis nous rentrerons chez nous nous faire bronzer, blanchir nos dents et faire des abdos pour les festivals d’été ! Puis nous repartirons en tournée en automne je pense, avec plus de dates.
Jusqu’où peut-on improviser quand on est un groupe électro ?
Torbjørn : Nous aimons que notre set change entre les différents concerts. Pour les effets analogiques, nous improvisons toujours. Svein joue de la batterie électronique. Je me souviens que pour le titre "Don’t go", je jouais un solo différent à chaque concert. Nous devons de toute façon répéter, comme n’importe quel groupe, pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Svein : Nous jouons souvent par-dessus une bande son que nous changeons de temps en temps. Ce n’est pas très intéressant pour nous d’être devant un lecteur CD et d’appuyer sur play…
Vous avez une identité visuelle assez forte, de par vos pochettes ou vos clips comme Remind Me ou Poor Leno. Qu’en est-il de Junior ?
Svein : L’artwork est assez poussé cette fois-ci encore, nous avons collaboré avec Leslie David qui est française. Nous avons tourné le clip de "Happy up Here" qui est presque fini.
Allez-vous lier l’artwork de Junior avec celui de Senior ?
Svein : Nous avons quelques idées mais nous n’avons pas eu l’occasion de les tester.
Torbjørn : S’il n’y avait aucun lien, ce serait un peu triste. C’est tout ce qu’on peut dire pour l’instant.
Décrivez votre musique en trois mots.
Torbjørn : Je peux en dire trois et lui trois ?
OK.
Svein : Merci mon dieu ! Non… Je dirai même si c’est un peu fort, unique, en plus j’aime bien la prononciation de ce mot ! Emouvante, pas forcément triste mais qui provoque une émotion. Intemporelle car c’est ce que nous recherchons.
Torbjørn : J’essaye d’inventer trois mots… Spacieuse, trans-émotionnelle et belle ! (innerspacious, cross-emotional and nice, dans la langue de Shakespeare) |