Plus de trois ans que l'on était sans nouvelles de Redjetson, disparu presque aussitôt son premier album paru. Il était pourtant excellent et plein des promesses d'un avenir excitant, ce New General Catalogue (Drowned in sound / Talitres, janvier 2005). Son successeur ne l'est pas moins, mais il porte en lui un arrière-goût posthume des plus tristes puisque, entre-temps, la formation s'est séparée, dispersée vers des projets solitaires.
Enregistré en février 2008, ce second opus, Other Arms, aura d'ailleurs mis près d'une année à trouver son chemin vers Gizeh Records et la publication très limitée de 1000 copies. C'est donc avec un certain soulagement qu'on l'écoutera, conscient d'avoir évité une perte des plus tristes.
Quintet londonien, Redjetson peut être situé dans l'horizon de la tendance pop-rock des musiques post-quelque chose : des compositions d'une grande intensité, jouant largement sur les différences de niveau sonore, de tempo et d'amplitude, tout en conservant des formats relativement concis (de 5 à 8 minutes sur cet album), sans avoir à verser dans aucune expérimentation ou prise de position conceptuelle. A titre de comparaison, on pourrait situer Redjetson à la confluence de différentes formations avec lesquelles il a eu l'occasion de se produire : Iliketrains (en plus gai, tout de même), Archive (dans sa version la plus rock) ou 65 days of static (pour son épaisseur), voire même Bloc Party (pour son énergie et une certaine légèreté).
Other Arms se situe dans la droite ligne de New General Catalogue, dont il reprend toutes les recettes avec bonheur et sans redondance – ce qui est déjà un tour de force. On retrouvera donc avec plaisir la voix de Clive Kentish, particulière et envoutante, qui parvient à un certain lyrisme sans affectation ni emphase déplacée, un lyrisme tout de simplicité et de justesse. On jubilera à nouveau sur les implosions soudaines des guitares (écoutez "(g)listen" et vous entendrez de quoi je parle). On aimera, encore, ces roulements de batterie omniprésents, un peu à la façon d'Explosions in the Sky. On s'étonnera de ne même plus s'étonner de trouver du xylophone au coeur du rock. On aimera l'arrière-goût de shoe-gazing des compositions, légèrement suranné mais tellement prenant.
Musique ample, toute de grandeurs discrètes, d'une calme fièvre épique, qui vaut autant pour ses apesanteurs que pour ses moments de rage. Derrière la froideur déterminée des premiers instants, découvrir une âme brûlante, de ces âmes blessées qui, déchues, ne trouvent qu'à se réfugier dans des bras étrangers. Comme une amertume domestique, une trahison sereine, à l'inspiration de ces compositions. A laquelle s'ajoute, pour nous qui écoutons Redjetson depuis quelques années, la tristesse du définitif. Une heure de Redjetson, il ne reste que cela – il est temps de se souvenir qu'il est trop bête de passer à côté de ce que l'on aime. |