C'est dans un bar de
Pigalle que nous avions rendez vous avec Pierre
Begon-Lours et Patrick Woodcock,
les membres fondateurs du groupe Mellow
...
Vous êtes assimilés à la «
scène » versaillaise. Vous êtes tous de Versailles
?
PW : En fait j’étais à
l’école d’architecture de Versailles. C’est
la seule véritable raison qui au départ nous a fait
assimiler à cette scène là. Et puis j’avais
fait de la musique avec Nicolas ( de AIR ) avant, donc c’est
vrai ça vient un peu de là aussi, mais à l’époque,
quand je faisais de la musique avec eux j’étais considéré
comme un mec un peu extérieur.
Donc en substance c’est un gros résumé
marketing ?
PW : Un peu oui. C’est vrai, c’est
un raccourci. C’est un raccourci et je tiens à dire
qu’on travaille dans le "neuf trois"..
Si on poursuit dans la même logique, vous
êtes souvent présentés comme appartenant à
la mouvance french touch initiée par AIR ? Comment ressentez-vous
cela ? Est ce uniquement un gimmick marketing ou y a t il une réalité
derrière ?
PBL : Les gens ont besoin de comparer et c’est
un peu inévitable. C’est vrai qu’on a quelques
points communs : On est français, le coté Versailles,
quelques influences communes, les albums qui sont sortis en même
temps, les histoires de BO. Tout ça c’est de la nourriture
facile pour les journalistes.
PW : On a un petit peu tendu le bâton pour
se faire battre aussi, mais c’est n’est pas vraiment
de notre faute, c’était une question de calendrier
mais ce n’est pas quelque chose qu’on peut contrôler.
Eux ils ont fait la BO de Sofia Coppola, et Roman, Coppola nous
demande ensuite de faire la sienne.
Ca pourrait être une situation tout à
fait voulue de votre part, à savoir une démarche vraiment
volontaire de vous rapprocher de AIR, ou est-ce quelque chose contre
laquelle vous luttez ?
PW : ça nous gène plus qu’autre
chose, mais d’un autre coté on fait de la musique atmosphérique,
électronique sans être de la techno, à l’époque
il n’y avait pas beaucoup de groupes qui faisaient ça
et puis on se connaissait, on avait quelques influences communes
donc c’était assez facile pour la presse, on était
un peu les petits frères. Ou les copieurs.
Justement, quelles sont vos influences précises?
On en détecte un certain nombre à l’écoute
du disque mais y en a –t- il d’autres ?
PW : il y en a beaucoup, c’est des réminiscences
de choses qu’on a écoutées, qu’on a aimées.
L’influence de base c’est le rock anglais des sixties
seventies et puis le rock américain west cost, c’est
à dire flower power plus country. Enfin pas la country des
sudistes puis plein d’autres choses qu’on a écoutées.
Sur l’album la chanson perfect color est inspirée par
un morceau de Husker Du, un groupe de hard core américain.
Ce n’est pas évident comme influence à l’écoute
C’était un album assez cool, Warehouse Songs and Stories,
que j’ai beaucoup écouté, un son très
saturé en même temps que très mélodique,
un espèce de groove un peu à part, c’est un
peu ça qu’on a essayé de retrouver.
PBL : Chaque génération puise ses influences
dans son époque.
Vous êtes plus âgés que la moyenne
des musiciens. Avantage ou inconvénient ?
PW : A priori forcement un inconvénient.
PBL : Les deux
PW : C’est un inconvénient dans la carrière.
Si on en était là où on en est aujourd’hui
et qu’on avait 25 ans, ce serait plus facile.
PBL : On n’en serait peut-être pas là
non plus. On a sans doute des influences que n’ont pas des
gens de 20 ans.
PW : Oui les jeunes de 20 ans ne voient pas les influences.
La naissance de Mellow?
PW : C’était pierre et moi en
1996.
PBL : Je bossais dans un studio, j’avais
un gros trou au milieu du planning, je connaissais Patrick, il est
venu avec ses maquettes, on a travaillé dessus et on a eu
envie d’aller plus loin. C’était l’époque
du début des méthodes de travail qui ont influencé
la musique électronique, des premiers sampleurs. En gros
il y avait ceux qui avaient de petits sampleurs et qui faisaient
des trucs simples, electro, et ceux qui avaient de grosses machines
et qui pouvaient sampler des batteries et faire des choses plus
complexes, et nous on avait cette chance là.
PW : On s’est vraiment retrouvés
autour de Olano, que pierre réalisait. Moi je ne connaissais
pas les gars d’Olano, il m’a appelé et m’a
dit ; "Il faudrait que tu viennes avec ta trompette, j’ai
envie d’expérimenter des trucs avec toi". On a
fait ça, j’ai joué un peu avec Olano, j’ai
enregistré deux ou trois morceaux et puis j’ai fait
écouter à pierre les maquettes.
PBL : C’est vrai qu’il y avait
un truc qui était vraiment nouveau, des possibilités
créatrices par rapport à ce qu’on faisait auparavant,
il y avait un enthousiasme, on avait envie d’expérimenter
des choses. Tu ne pouvais pas le faire avant, parce que ça
coûtait vraiment cher, ou alors ce n’était pas
possible techniquement.
Votre premier album sort en 1999, et ressort ensuite
augmenté de remixes.
PW : C’est un truc japonais ça
? Il y plusieurs versions je crois. Le premier album est sorti sur
un label qui n’avait peut-être pas les épaules
pour le sortir à l’international, du coup il est sorti
en France et puis ils essayaient de trouver des petits à
droite à gauche. L’album est sorti 6 mois après
aux Etats-Unis puis dans d’autres pays. Il a au moins 4 noms
différents.
Pas de volonté de votre part de sortir d’album
de remixes donc.
PW : Non, c’était un disque promotionnel,
à l’occasion d’un concert au japon. Ils ont sorti
un disque pour notre venue, on a un peu halluciné.
Votre collaboration au film de Roman Coppola a commencé
comment ?
PW : Il avait fait notre premier clip, c’est
comme ça qu’on l’a rencontré. On l’a
perdu de vue puis un jour il nous a rappelés et nous disant
qu’il souhaitait qu’on fasse la bo de son dernier film
parce qu’il aimait notre album. On s’est posé
la question de savoir s’il fallait le faire ou pas. Mais bon
on avait envie de travailler sur une BO et puis Roman était
un des tops clippers du moment, on ne pouvait pas se permettre,
au stade de développement où nous étions dans
notre carrière, de dire non à un truc comme ça.
Donc on l’a fait, sachant que ça poserait des problèmes
de calendrier.
PBL : Du coup, il y a eu un trou dans la discographie,
entre 1999 et 2004.
Si vous ne disposiez que de trois mots pour qualifier
votre musique ?
PBL : On nous a déjà posé
la question, on n’en avait trouvé qu’un, c’était
MELLOW ! Et le truc, c’est que ça ne se traduit pas
en français, c’est un adjectif qui a plusieurs sens.
On avait dit organique, contrasté, et puis un troisième
?
PW : Atmosphérique
PBL : Oui mais atmosphérique ça
fait quand même un peu "lounge"
PW : Pas atmosphérique alors, mais il
y a ce coté synthé, ces sons un peu planants.
Psychédélique ?
PBL : Oui c’est bien, ça.
Vous avez un point de vue sur le débat entre
les maisons de disques et les utilisateurs d’Internet ?
PBL : L’argent c’est des caisses, ce qui
part d’une caisse va dans une autre. Je pense qu’il
y a de l’argent qui quitte la caisse de la musique pour aller
dans celle des fournisseurs d’accès Internet. Alors
peut-être qu’une solution serait de taxer en partie
les downwload.
PW : Le coté positif de cette situation, c’est
que ça pousse les artistes à offrir plus de choses
aux gens pour qu’ils achètent les disques. On a mis
le DVD des vidéos avec par exemple.
PBL: Il y a également une meilleure information.
Avant c’était les journaux essentiellement, maintenant
c’est les chats, les webzines, c’est positif parce que
tu peux découvrir plus facilement des artistes auxquels tu
ne penserais pas forcement.
PW: Le mec qui est un vrai amateur, lui il ira toujours
acheter le disque et souvent il aura plus de musique chez lui. Je
comprends très bien qu’il "download" des
morceaux pour des disques qu’il écoutera tout au plus
deux ou trois fois, il n’a pas forcement envie de les garder
dans sa discothèque. Avant les gens achetaient des disques
et allaient les revendre d’occase
PBL: On n’y est pas encore mais il y a potentiellement
un autre aspect positif : ça va coûter moins cher de
faire de la musique. Tu auras peut-être moins besoin de systèmes
commerciaux lourds pour faire connaître ta musique.
PW : Le paradoxe, c’est que certains artistes
n’ont plus de contrats parce qu’ils ne vendent pas assez,
alors qu’on se rend compte qu’ils sont très connus.
D’un autre coté il y a plein de gens qui font de la
musique chez eux et qui sont prêts à la distribuer
gratuitement, mais ce n’est pas la même qualité.
Est-ce qu’il y a encore une place pour les
musiciens dans la diffusion musicale actuelle ?
PW : C’est vrai qu’on se pose la
question. Mais si ce n’est pas le cas, on aura un problème
avec la qualité de la musique, parce qu’il y des gens
qui arrivent à faire des trucs rigolos par hasard, mais il
n’y en a pas tant que ça.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière
?
PBL: Continuer ce qu’on fait, mais dans des
conditions plus agréables, sans stress de savoir si dans
deux ans on va pas se faire jeter parce qu’on ne vend pas
assez.
PW : Il y a aussi l’envie de faire des choses
moins commerciales, moins formatées, des albums qui se vendraient
à 500 exemplaires.
Vous dernier album ne m’a pas semblé
particulièrement commercial. Il est facile d’écoute
mais très riche mélodieusement, avec en plus un certain
sens de l’humour et du second degré non ?
PBL : Non pas commercial, mais un peu formaté
quand –même.
Qu’est ce que vous écoutez en ce moment
?
PW : J’ai un peu du mal à trouver quelque
chose qui me plaise vraiment, je suis un peu en quête de nouveautés.
PBL : Pas grand chose, c’est un problème
de démarche intellectuelle. On est quand même très
pris par notre travail de musiciens, on a peu de temps pour écouter
les autres groupes. Ca fait longtemps que je n’ai pas passé
une après midi dans un magasin à écouter des
disques au hasard. On écoute quelques trucs qui viennent
à nous mais on n’a plus la démarche inverse,
ce qui est dommage.
PW : Beaucoup des groupes en vogue en ce moment appartiennent
à des mouvements de revival, donc pas très originaux.
Ça n’apporte pas grand chose. Et puis, plutôt
que de n’écouter que ce que font les copains, on préfère
réécouter des disques des années 60 –
70, trouver des idées qu’on peut retravailler avec
les moyens techniques d’aujourd’hui.
Sur l’agenda de MELLOW à court terme
?
PBL :Pour ceux qui n’ont pas pu rentrer
au Café de la danse, on joue au Triptyque.
PW : On va tourner en France en mars/ avril.
Notre site Internet est www.mellow-workshop.com
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