Sur la pochette de son dernier album, le suédois Jay-Jay Johanson pose en gris sur fond gris ; les yeux clos, chemise froissée et avant-bras relevé sur le front las (pour prendre sa température ? protéger d’un improbable soleil ?)… il n’a pas l’air dans son assiette, c’est le moins qu’on puisse dire.
Au verso, le tracklisting fait froid dans le dos : "Liar", "Trauma", "My Mother’s Grave", "Broken Nose", "Medicine"… Les titres confirment la couleur, plutôt morose, de ce qui nous attend.
Voici donc, à première vue, un disque peu engageant… et c’est peu dire qu’on y pénètre à reculons.
Pourtant, une fois la musique engagée, il faut tout de même lui reconnaître une certaine classe : pour neurasthéniques qu’elles soient, les atmosphères n’en oublient jamais d’être chiadées. Et si elles évoquent bien des états comateux post-dépressifs, les chansons sont quand même rudement bien écrites, sans une once de laisser-aller.
Jusque là, dans notre souvenir (l’album Antenna, avec sa pochette albinos extraterrestre), Jay-Jay Johanson était un chanteur qui donnait dans un genre d’électro pop glacée plutôt entêtante… De la musique qui, sans être réellement boute-en-train, pouvait au moins s’envisager sur une piste de danse.
Rien de tout ça ici. Dans la forme, Johanson est désormais plus proche de la chanson que de la pop, et le disque se tient à distance de toute vulgarité. Est-ce un bien ou un mal ? La musique qui en résulte est cotonneuse, entre électronica classieuse et lointaines réminiscences jazzy : belle, sans doute, mais aussi un peu morne, par endroits… Idéale pour entretenir un spleen, mais potentiellement plombante si l’on ne partage pas cet état d’esprit.
Au final, ses thématiques et ambiances sonores font de Self Portrait un disque idéal… pour l’hiver. Appréhendé sur fond de grisaille et de matins frigorifiés, il fera merveille et vous enveloppera langoureusement, soulignant avec art la froidure ambiante.
Malheureusement pour lui, il est sorti au printemps ; et voilà l’été qui approche à grands pas… |