Comédie de Molière, mise en scène de Isabelle Starkier, avec Eva Castro, Daniel Jean, Pierre Yves Le Louarn (ou Jean-Marie Lecoq), Stéphane Miquel et Sarah Sandre.

Isabelle Starkier a choisi de monter "Monsieur de Pourceaugnac", comédie-ballet peu connue de Molière, sur le mode de la commedia dell'arte en misant sur le grotesque et de la bouffonnerie qui conviennent bien à cette tragi-comédie débridée qui entraîne sa victime dans une descente aux enfers cauchemardesque.

Monsieur de Pourceaugnac, gentilhomme de province mal averti des mœurs parisiennes, monte à la capitale pour épouser une jeune fille de bonne famille chèrement monnayée. Hélas, la pécore a déjà un galant et le couple, aidé d'un un valet doublé d'un voyou napolitain et d'une servante entremetteuse, va manigancer maints stratagèmes et fourberies pour l'en dégoûter et lui faire passer l'envie de les empêcher de danser en rond. Mais le bonhomme candide et sans malice a la comprenette difficile et s'acharne à vouloir intégrer une société qui ne se prive pourtant pas de lui signifier que sa présence n'est pas souhaitée.

Il boira donc la coupe jusqu'à la lie : accusé de folie, purge et saigné de force par des médecins charlatans, mis en cause par de vraies fausses épouses et condamné pour polygamie par des juges sans scrupules, il ne parviendra à s'échapper qu'au prix d'un travestissement infamant qui le laissera dépouillé de tout, de son identité et de son amour propre, et délesté de son argent et même de ses vêtements. Toutefois, il ne s'en sort pas si mal par comparaison à George Dandin.

Pour cette farce terrible sur la différence, à la résonance toujours d'actualité, qui fait pencher la balance du côté du tragique, d'autant qu'elle est ici expurgée de ses intermèdes, malgré la satire comique de la gente médicale et judiciaire ainsi que des élites de la capitale, Isabelle Starkier signe un travail remarquable et une mise en scène débridée et étourdissante en inventions, presque surabondantes, servie par une distribution adéquate capable de soutenir non seulement un rythme endiablé mais également un jeu convaincant.

Autour de Daniel Jean, emperruqué en costume blanc et chemise à jabot, qui campe avec naturel le pauvre saisi par cette déferlante de xénophobie et de violence, quatre comédiens, Eva Castro, Pierre Yves Le Louarn, Stéphane Miquel et Sarah Sandre, assurent avec talent le jeu masqué, avec des costumes bigarrés et des masques particulièrement réussis créés par Anne Bothuon, en campant avec maestria plusieurs rôles tous hauts en couleurs avec changement à vue.