On ne peut pas parler de ce nouvel album de Chris Garneau sans évoquer son précédent, sorti en France il y a environ un an. Music for Tourists était un album court, minimaliste, léger et caressant comme une brise un soir d'été après avoir supporté une journée de canicule. Album superbement minimaliste et touchant pour les uns
(j'assume) et totalement vide et chiant pour d'autres (qu'ils assument).
Cette année, et cette fois ci presque en même temps qu'aux USA, sort donc ce deuxième album du jeune homme de Brooklyn (encore un, décidément c'est une véritable pépinière d'artistes) fidèle à son style musical mais qui a pris pas mal de muscles depuis Music For Tourists. Mais attention, pas du gros muscle bobybuildé et gonflé aux anabolisants.
Non, du muscle juste là où il faut. Des muscles longs et élégants, discrets et toniques, qui dessinent parfaitement le corps des chansons toujours aussi légères (mais pas anodines) et sans un brin de gras superflu.
Le chant est donc toujours aussi lent et très articulé (Chris nous confiant en interview qu'il aimait chanter comme il parle, cela se confirme, le garcon aime choisir ses mots et prendre son temps) mais les arrangements ont pris de la place et l'orchestration ne ressemble plus à quelques notes de pianos égrainées avec parcimonie sur une portée. El Radio est fait de piano, bien entendu, l'instrument favori de Chris Garneau mais aussi de cordes et de cuivres et même de quelques percussions . De quoi donner du relief à des chansons auxquelles on pouvait précédemment reprocher de laisser trop de place au silence.
Plus pop et plus orienté sur des "chansons" que sur des titres minimalistes et éthérés, El Radio est aussi plus abouti que son prédécesseur. On retrouve avec joie ce qui nous plaisait (ou ce que l'on détestait) chez Garneau. Son chant tellement particulier, lent et nonchalant, élégant et sensuel, des mélodies fluides et légères propres à vous plomber la journée autant que son contraire, selon votre humeur comme "The leaving song" plein d'allegresse et que l'on imagine en BO de film.
On pense bien entendu souvent à Elliot Smith, dont Garneau ne cache pas l'immense influence, mais aussi à Mercury Rev ("Raw and awake") pour l'orchestration luxuriante (mais sans atteindre l'écoeurement sonore dont Donahue est coutumier).
Et puis il y a aussi quelques moments de grâce, touchants et beaux, comme "Hands on the radio" dans le plus simple appareil, piano voix, mais qui fait mouche, à deux doigts de vous tirer une larme.
Et quand Garneau en fait trop, cela donne "Home Town girl" sorte de blues délicat sur lequel on croit déceler un chant digne de Prince. "No more pirates", "fireflies" (et sa reprise instrumentale "Les
lucioles") sont autant de perles dans ce bel écrin qu'est El Radio et qui confirme le talent de Garneau qui, avec le recul, ne nous avait offert qu'une ébauche gribouillée sur un coin de table sur Music for Tourists en comparaison.
N'ayez plus peur de l'ennui et de la mélancolie, branchez El Radio, que des tubes, sans pub.
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