Vendredi soir, deuxième partie : d’entrée de jeu, The Miserable Rich, groupe anglais issu de Brighton, convoque les cordes fiévreuses de Nick Drake. Insolemment. Un Nick Drake qui aurait gagné en volonté de puissance, et perdu en vulnérabilité…
L’élégant James de Malplaquet chante sereinement ses chansons tristes, portées par des cordes profondes. Cette santé, cette bonne humeur contrastent étonnamment avec une mélancolie que l’on peut qualifier de systématique. Mais logiquement on ne peut lui en faire le reproche.
L’inspiration vagabonde du gallois Finian Greenall, essentiel protagoniste du groupe Fink, insuffle au festival une touche artisanale, dans la grande tradition du songwriting (folk-blues).
Cet ancien DJ reconverti en songwriter n’a pas jugé utile de s’encombrer d’instruments annexes : son savoir-faire rythmique constitue l’essentiel de son travail musical. Guitare pincée avec doigté, sourdes pulsations rythmiques, accords complexes composant un blues dépouillé, parfois proche de la soul ; le tout s’exprimant dans un équilibre harmonique. L’accompagnement, quant à lui, reste discret. Finian-Fink s’empare à lui-seul de la tonalité "funky" du festival.
Le quatuor Néo-Zélandais The Veils brille en fin de soirée d’une beauté noire, versant romantique. Ce rock sombre, on le connaît, on l’a appris par cœur à l’école des Tindersticks et autre Nick Cave.
Le chanteur Finn Andrews peut susciter quelques pics de jalousie au sein du public, dont je suis : cette élégance, cette grâce, cette fulgurance musicale qu’on rêve de s’approprier, fût-ce pendant un seul quart d’heure de gloire ; et cette Fender revendicatrice, qui clame cet esprit de révolte… oui cette jeunesse radieuse procédant plus de l’attitude que de l’âge, on la sait connectée à l’ange noir de nos destinées adolescentes : Jeff Buckley – dont le spectre et les envolées lyriques hantent continuellement la scène. Et si la seconde guitare fonctionne à merveille avec l’ensemble, il faut relever un bémol en ce qui concerne la deuxième moitié du groupe, basse-batterie, nettement en-dessous de ce dont aurait réellement besoin le chanteur pour donner sens à ses compositions.
Performance suivante, et pareillement significative, avec les américains Hockey (Portland). La tendance dance-rock du groupe est posée d’emblée avec les titres jubilatoires que sont "Work" et "Learn to lose".
Si l’on excepte quelques fausses routes avec, en milieu de prestation, une pâle imitation de Neil Young – quel besoin d’un harmonica dans une ambiance aussi fortement marquée par la soul, voire le disco ? – si l’on excepte, donc, cette concession à un folk plus académique, il faut bien avouer que cette musique donne furieusement envie de danser, de bouger dans tous les sens, n’importe comment, à la manière du chanteur Benjamin Grubin.
Et peut-être celui-ci devrait-il mieux se tenir, moins se disperser ? N’importe, ces singles aux refrains fédérateurs que sont "Too fake" ou "3am spanish", on les garde suffisamment en tête pour avancer l’hypothèse que ces jeunes musiciens iront loin.
Pour finir cette deuxième soirée, un duo lillois, Curry & Coco Dj-set, s’est essayé aux samples aléatoires d’un "DJ-set encyclopédique et décomplexé", comme il était annoncé.
Les basses résonnent fortement en nous. Pas désagréable, mais il est temps de quitter la salle pour garder intactes les impressions, plutôt vivaces, de ces dernières nuits magnétiques. |