La soirée Eldorado Club au Café de la Danse promet d'être une belle soirée. Pour ceux qui connaissent Micah P. Hinson, ils attendent de voir sur scène ce songwriter si doué qui, au fil des albums, trace une voie singulière et élégante.
Le groupe d'ouverture se nomme Bosque Brown : un couple, une jeune femme à la guitare et son compagnon aux claviers et bruits électroniques. C'est elle qui chante et parle, présentant chacune de ses chansons.
Le groupe surprend par sa décontraction. La scène est pourtant assez grande et la chanteuse enchaîne ses titres comme si elle était encore à la maison, dans son Texas, racontant les anecdotes de la ville à son public d'habitués.
Ecriture autobiographique : sa ville, sa rivière, ses émotions d'adolescente et une voix ample, puissante qui retient et séduit. Ballade folk trempée parfois par endroits des bruits stridents de la ville. Son compagnon la regarde comme si c'était la première fois. Douceur et mélancolie, entre Joanna Newsom et Martha Wainwright.
Quand Micah P. Hinson prend possession de la scène, il ne veut même pas déranger les gens qui prennent un verre et bavardent. Il prépare ses branchements, accorde sa guitare et teste les retours. Il mange une pomme, il se balance, fébrile et visiblement heureux et attendri. Un peu de Tropicana et c'est lancé.
Est-ce que ce sont ses ennuis de santé assez graves, son mal au dos dont il s'est sorti, continuant quand même un traitement solide, qui lui donne un air de ressuscité ? Chapeau, lunettes qui lui mangent une partie du visage : c'est en quelque sorte le petit frère d'Elvis Costello. La prestation est accueillie avec un silence chargé d'attention, et de tension. Guitare haute et bouche qui s'écrase sur un micro des années 50, il interprète ses chansons en détachant chaque mot, chaque phrase.
Cette manière de distiller chaque son, allongeant et comme questionnant le sens est un signe de maturité qui ne laisse pas d'étonner. Seul à la guitare, bavard, à qui s'adresse-t-il ? Aussi bien à Elvis Presley qu'à Léonard Cohen, qu'au public qu'il remercie avec émotion.
Ancré dans la tradition américaine, aussi incisif que libre de toutes les modes, Micah P. Hinson mérite amplement la réputation qu'il s'est construite parmi quelques initiés. Une longue carrière semble encore devant lui tellement il compose avec naturel et interprète sans la moindre affectation.
Aujourd'hui à la guitare, peut-être que plus tard il souhaitera étoffer avec d'autres musiciens ses mélodies inspirées. Est-ce qu'on doit l'espérer ? Le côté intimiste de sa performance nous a déjà mis en émoi. |