En marge de leur concert
à la Guinguette Pirate, Brian (Guitare),
Robert (Bass), Andy
(Piano) et Cayce (Batteries) du groupe
incernable 90 Day Men nous accordent de
bon cœur une interview malgré le mal de mer et la fatigue.
Ai-je précisé que leur musique était fabuleuse
et rare ? Non, cela vous le lirez dans le compte
rendu du concert. Pour l’instant c’est (surtout)
eux qui parlent :
Qu’est ce que cela fait de venir en Europe
avec les chansons de Panda Park qui sort juste alors que vous l’avez
enregistré il y a près d’un an ?
Brian : Je trouve que c’est assez bizarre effectivement.
C’est souvent comme cela que cela se passe, on enregistre
et le disque ne sort pas avant au moins six mois. Pour celui-ci,
cela s’est spécialement mal goupillé, parce
qu’ils ne voulaient pas le sortir les semaines avant ou après
Noël, pour des raisons qui nous échappent et nous dépassent.
Cayce : On aurait préféré que
cela ne tarde pas autant. Mais c’est aussi parce qu’on
a enregistré un EP de trois chanson lors de la même
session d’enregistrement, donc on a attendu d’abord
4 mois pour le EP et ensuite près d’un an pour le LP.
Par ailleurs vous l’avez partiellement enregistré
dans deux studios mythiques de Chicago, qu’y a t’il
de si particulier dans ces studios même quand les producteurs
vedettes n’y sont pas ?
Cayce : En fait c’était avant tout pour
des raison pratiques. On a enregistré à l’Electric
Audio Studio (studio de Steve Albini) parce que notre producteur
voulait vraiment profiter du son de cette salle, avec un son très
proche du live notamment pour les batteries et une hauteur de plafond
incroyable.
En ce qui concerne Soma (studio de John McEntire) c’est bêtement
parce que c’est près de là où on habite,
qu’il nous faisait des prix et surtout qu’il y a beaucoup
de matériel là-bas qui nous intéressait, des
synthétiseurs intéréssants, un bon piano, etc...
On a donc d’abord effectué les prises de son chez Albini
puis fait plus de production chez McEntire avec tous les merveilleux
jouets disponibles pour s’amuser et essayer des choses.
Et vous avez choisi de venir à Chicago comment?
Etre chicagoen cela veut dire quelque chose ?
Cayce : On est venu à la base pour suivre des
cours à l’université.
Brian : On se connaît tous depuis longtemps,
on a grandi ensemble dans le même patelin, St Louis. Au début
l’arrivée à Chicago c’était un
peu traumatisant, mais c’est forcemment mieux que le St Louis
qu’on a quitté. Actuellement on fait partie à
part entière de la scène locale de Chicago. On est
une communauté de personnes qui partage beaucoup de points
de vue et de centre d’intérêts, on se parle,
on s’aide les uns les autres…
Robert : Oui mais en même temps c’est
plus que juste des groupes qui vivent dans la même ville,
c’est aussi des artistes en général qui forment
une communauté : artistes visuels, musiciens, performers…ils
y a des échanges entre tous ces personnes.
Vous êtes actuellement en tournée en
Europe, vous aimez ces longues tournées et jouer live ou
bien vous préférez les studios ?
Andy : Jouer des nouvelles chansons avant tout !
Brian : Je pense que je préfère enregistrer
en studio, c’est la part à mon sens la plus importante
du processus qui consiste à être dans un groupe : écrire
des chansons, travailler ensemble, c’est là où
on prends le plus de plaisir. Jouer en concert c’est marrant
mais…
Andy : Après coup il n’en reste rien.
Brian : Ca fait trois semaines qu’on joue tous
les soirs, et les concerts deviennent vraiment prévisibles
si tu vois ce que je veux dire, il n’y a plus vraiment de
surprise ou d’attente, même si des choses évoluent,
d’autres restent les mêmes. Il reste quand même
de temps en temps un peu de place à l’expérimentation
durant les concerts.
Et pour écrire des nouvelles chansons pendant
cette tournée ?
Brian : Non on a pas vraiment le temps d’écrire
"sur la route" , on a juste le temps de s’asseoir
quelque part pour y jouer un ou deux heures et avec toujours l’impression
d’avoir un retard à rattraper. C’est exténuant.
Concernant votre musique, elle est à la fois
très originale et fait penser à des tas de styles
différents, on se demande donc légitimement quelle
musique vous écoutez, celle qui vous a influencé peut
être ?
Andy : Personnellement, je ne sais pas trop par quoi
j’ai été influencé, j’ai écouté
vraiment beaucoup de choses pourries…
Robert : J’ai écouté beaucoup
de free jazz, du classique du 20e siecle, de la musique du monde,
un peu de « pop », au final sans doute que mes influences
viennent de ce que j’ai écouté mais aussi pas
mal du cinéma.
Brian : On a des goûts assez différents
en fait, il y a bien quelques trucs que nous aimons tous, mais si
nous devions nous poser quelque part et choisir un disque on en
choisira chacun un de complètement différent.
La présence marquante du piano est assez
rare dans le milieu du rock indépendant. Est ce l’arrivée
de Andy qui a déclenché quelque chose dans le groupe
?
Robert : Cela a changé beaucoup de chose, presque
tout en fait. Cela nous a permis de prendre du recul sur ce qu’on
faisait et de se retourner vers les instruments pour saisir les
contraintes qu’on peut avoir avec l’un ou l’autre,
et ainsi de trouver les moyens pour que ces instruments cohabitent
et que cela forme un tout et prenne un sens.
Et le futur immédiat de 90 day men, cela
peut ressembler à quoi ?
Andy : On va avant tout faire une pause des concerts.
On en a jamais pris jusqu’à présent depuis des
années.
Brian : Oui vraiment, arrêter les concerts
pour un certain temps, se calmer un peu et voir ce qu’il en
reste après. A l’issue de cette pause peut être
qu’on écrira des chansons, peut être pas…
Robert : On a vraiment besoin de repos pour un petit
moment;
Brian : On va prendre les choses les unes après
les autres, on ne planifie plus les choses à l’avance,
cela a été assez bizarre pour nous dans le passé
donc on veut reprendre notre souffle et repartir d’un nouveau
pied et voir ce qu’il en sort.
Plus anecdotiquement, d’où vient le
nom du groupe 90 Day Men ?
Brian : Cela vient d’un livre de droit pénal,
c’est un terme qui fait référence aux criminels
dont on essaie de déterminer s’ils peuvent être
jugés non coupables pour des raisons de folie pathologique.
Andy : Faire la différence entre des criminels
fous ou juste des criminels, on aime bien l’idée. La
période de quatre vingt dix jours est l’observation
pour trancher s’ils sont fous ou pas. Cela revient à
trier les gens entre fou suspecté et fou prouvé. (rires)
Brian : Quand on a commencé cela voulait dire
des choses pour nous, on avait sans doute plus d’idées
pour apporter des reflexions à notre musique, mais maintenant
c’est juste un nom.
Pour évoquer justement des sujets de société
dans l’ère du temps, quelle est votre opinion d’artistes
sur le mp3 ?
Brian : Cela ne me dérange pas, si quelqu’un
télécharge notre disque et l’aime et le fait
écouter à ses amis, peut être qu’une de
ses personnes l’achètera ou viendra au concert quand
on passe. C’est plutôt un bonne idée, de toutes
façons on ne peut pas l’arrêter ou traquer les
gens qui le pratiquent.
Robert : Je ne pense pas nécessairement que
cela soit une mauvaise chose, je m’en fiche un peu en fait.
Moralement c’est pas mon truc, je n’écoute pas
de mp3s, au contraire je collectionne les disques. C’est une
part de ce que je suis et de ce que je fais, mais si certaines personnes
préfèrent collectionner la musique sous une autre
forme, cela ne me pose pas de problême, c’est pas mon
truc c’est tout..
Que pensez vous des interviews ?
Robert : Parfois c’est dur de raconter certaines
choses parce que les gens ont tendance à toujours répéter
les mêmes questions et c’est assez frustrant pour nous
parce qu’ils ont en général une idée
assez triste des questions à poser et des thèmes à
aborder.
Brian : La raison pour laquelle les interviews sont
intéressantes c’est pour moi de pouvoir rentrer dans
le cerveau des gens et voir comment ils fonctionnent, et cela dans
les deux sens.
Et enfin la question traditionnelle du webzine,
décrire votre musique en trois mots
Brian : Je vois ce que tu veux dire, je n’aime
pas les categories comme post-rock, math-rock, indie-rock, un-rock,
new-rock... Pour nous on est juste quatre amis qui font de la musique
et veulent en profiter. Donc " Try to have a good time".
Andy : "Don’t use your head"
Robert : "Slapstick" (pantalonade au théatre),
"Marx Brother Review" |